Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 27 juillet 2012

The Lost Moment - Martin Gabel (1947)


Un éditeur, prêt à tout pour mettre la main sur des papiers personnels inédits du grand poète romantique Jeffrey Asheton, s'introduit comme locataire chez Juliana Bordereau, qui fut soixante ans plus tôt la muse et l'amante de l'écrivain. La vieille dame, qui vit recluse avec sa nièce, Tina.

Au croisement du mélodrame gothique et du thriller psychanalytique, The Lost Moment est une œuvre des plus envoutante. Le film es adapté de la nouvelle d'Henry James Les Papiers d'Aspern qui lui fut inspiré par une anecdote sur un admirateur de Percy Shelley qui tenta par tous les moyens après sa mort de mettre la main sur la correspondance qu'il avait abandonné.

La nouvelle et le film donc partent du même argument avec ici l'éditeur Louis Venables (Robert Cummings) souhaitant acquérir les lettres d'amours du poète mystérieusement disparu Jeffrey Asheton. Econduit à chacune de ses demandes, il va se faire passer pour un écrivain et investir la villa vénitienne où vit Juliana Bordereau ( Agnes Moorehead), vieille femme sénile et en possession des fameuses lettres vivant avec sa nièce Tina (Susan Hayward).

Dès lors il s'instaure une atmosphère des plus mystérieuses dans cette étrange demeure où la présence de l'intrus réveille toutes les passions et secrets enfouis depuis longtemps. Martin Gabel prend son temps pour poser son ambiance, entre exploration des moindres recoins du fascinant décor qu'est scène maison dans une Venise abstraite, révélations nébuleuses qui ne prendront leur sens que plus tard et personnages ambigus.

Susan Hayward, chignon sévère, robe noire stricte et gestuelle rigide est assez fascinante de froideur tandis qu'Agnes Moorehead est méconnaissable sous les tonnes de maquillages de cette femme hors d'âge qui a vécu bien trop longtemps. Toutes deux entretiennent un lien aux lettres tant voulues qu'on devine par leur hostilité à l'étranger (Susan Hayward) ou au contraire leur bienveillance (Agnes Moorehead) sans que l'on sache encore pourquoi.

L'enjeu du film est finalement de se soustraire au passé pour embrasser le présent, la vie ou la mort trop retardée. Robert Cummings nous apparait ainsi immédiatement comme un exalté obnubilé par sa quête dont les retombées financières lui importe peu, seul lui importe d'enfin pouvoir lire les lettres quelle qu'en soit les conséquences.

Quant à Agnes Moorhead, il est carrément suggéré que sa vie est raccrochée à la demeure et aux lettres dont la possession et les sentiments qu'elle y fonde ont anormalement prolongé sa vie (très belle première apparition très littéraire où sa vieillesse immense est uniquement suggérée par le regard de Cummings et sa voix off abasourdi par son usure). C'est cependant Susan Hayward qui apporte toute son étrangeté et son émotion au film dans un déroutant double rôle.

Eteinte et distante le jour dans le monde des vivants, elle s'anime la nuit venue en endossant la personnalité de sa tante des décennies plus tôt folle d'amour pour le poète Jeffrey Asheton. Martin Gabel introduit brillamment cette découverte lors d'une mémorable séquence où Cummings voit enfin chaleur et lumière dans l'oppressante demeure en suivant les notes de pianos qui vont amener à sa "première" rencontre avec Susan Hayward.

Celle-ci offre une prestation schizophrène mémorable : terre à terre et éthérée, glaciale et ardente, morte et vivante. On est autant dans le drame psychanalytique que le pur fantastique (le changement de personnalité se faisant par la possession d'un objet) mais la finalité est purement romantique.

Pour s'unir pleinement, les héros devront se détacher de ce passé et s'aimer dans la même temporalité. Gabel sépare clairement les deux entre la tonalité onirique des scènes du passé (superbe envolée lors de la danse) et la noirceur du présent avant d'entretenir le flou à nouveau symbolisé par Susan Hayward s'illuminant enfin parmi les vivant dans une très belle séquence romantique où elle abandonne enfin ses tenues austères.

Le mystère s'éclaircit (un peu) mais le charme est maintenu lors de la conclusion flamboyante dans la plus pure tradition du genre. Vraiment une belle découverte, d'autant qu'il semble bien que ce soit la seule réalisation de Martin Gabel surtout acteur.

Film pas facile a touver, uniquement sorti en dvd en en Espagne (mais trouvable sur amazon) et sans sous-titres sinon espagnols. Copie pas extraordinaire mais regardable.

Et je viens de tomber dessus en cherchant une bande annonce le film est en entier sur youtube avec sous-titres anglais (et la copie est bien meilleure que mon dvd) donc occasion en or de le voir avant que le lien saute.

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