Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

dimanche 1 juillet 2012

Tendre est la nuit - Tender is the Night, Henry King (1962)


Nicole est une jeune femme très riche internée en hôpital psychiatrique dans les années 20 en Suisse. Son docteur Dick Diver la soigne et parvient à la guérir. Mais il est tombé amoureux d'elle et l'épouse. Son train de vie désormais aisé le plonge dans l'oisiveté. Il délaisse son travail à la clinique...Jennifer Jones retrouvait sur Tender is the night celui qui sut tirer d'elle deux de ces prestations les plus envoutantes dans les magnifiques La Colline de l'adieu et Le Chant des Bernadette (ce dernier valant son seul Oscar à l'actrice), le réalisateur Henry King. Ce serait également un sorte de chant du cygne pour ces emblèmes de l'âge d'or hollywoodien puisque Jennifer Jones (qui effectuait là son grand retour après l'échec cuisant du remake de L'Adieu aux armes produit par David O'Selznick) allait se faire bien rare sur les écrans par la suite tandis qu'il s'agit tout simplement du dernier film d'Henry King.

Tender is the night s'inscrit dans la veine des adaptations littéraires prestigieuses que signa King dans les années 50 et notamment Hemingway (Le Soleil se lève aussi, Les neiges du Kilimandjaro) et c'est à un autre auteur de la "Génération Perdue" qu'il s'attaque ici avec un des plus fameux romans de F. Scott Fitzgerald. L'auteur y mêlait brillamment ce regard désabusé sur l'existence oisive et sans but de ces américains perdus dans les délices de l'Europe (notamment la Riviera où se déroule une grande partie de l'action) tout en y incluant une facette plus personnelle avec le personnage déséquilibré de Nicole Diver inspiré de sa propre épouse Zelda en proie à des troubles psychologiques et internée.

Dick (Jason Robards) et Nicole Diver (Jennifer Jones) sont donc les principales attractions de la prestigieuse communauté américaine de la Riviera, beaux, riches et heureux en famille. Henry King déploie sa maestria visuelle la plus flamboyante pour magnifier cette Riviera paradisiaque, la prestance de Jason Robards et la beauté de Jennifer Jones bien aidé par la photo superbe de Leon Shamroy. C'est une forme de poudre aux yeux servant à masquer le réel malaise qui ronge le couple et se révèlera le temps d'une énième soirée mondaine où Nicole entrera dans une terrible crise nerveuse éveillée par le rapprochement de Dick avec la jeune actrice Rosemary Hoyt (Jill St John).

Après avoir ainsi fissuré cette belle image idéalisée, la narration entame un flashback où nous découvrons quelques années plus tôt la première rencontre entre Dick et Nicole lorsqu'elle était internée et lui son psychanalyste. Bien que très fidèle au livre, King fait le choix de concentrer toute son attention sur son couple autodestructeur et laisse volontairement de côté tous les personnages secondaires. Alors que dans le livre on avait un réel triangle amoureux entre Dick, Nicole et Rosemary, cela est oublié ici ou largement atténué par la prestation de Jill St John qui fait de l'innocence touchante du personnage papier vivant ses premier émois amoureux une véritable cruche à l'écran (elle confirmera son "talent" quelques années plus tard en campant la plus gourde des James Bond Girls dans Les Diamants sont éternels pourtant la concurrence était rude).

Les plus beaux moments du film sont donc ces moments de romantisme fragile où Dick et Nicole se rapprochent mais signent aussi leur perte par l'ambiguïté de leur relation. Subjuguée par la beauté et la candeur de sa patiente, Dick s'égare entre ses devoirs de praticien et ses sentiments (cette sortie de l'hôpital qui prend une drôle de tournure, les retrouvailles où il ne peut se résoudre à la repousser) et Jason Robards délivre une prestation très subtile . Jennifer Jones était quant à elle la seule à pouvoir incarner Nicole Diver à travers ce mélange de fièvre et de fragilité qu'elle sait si bien exprimer.

On sent d'ailleurs une maîtrise accrue dans l'expression de cette folie par rapport aux personnages incandescent qui l'ont fait connaître (Duel au soleil, La Renarde, Ruby Gentry) dans la manière d'amorcer ce trouble mental de manière plus progressive et moins démonstrative tel ce regard qui se fait de plus en plus incertain lors du dîner mondain alors que son attitude ne laisse pas supposer la crise qui va suivre.

King dépeint avec une grande justesse le lien qui unit mais sépare également ses héros. Dès le départ, le rapport est biaisé avec le manque de repère de Nicole (on est d'ailleurs étonné que le script reprenne tel quel l'origine de ces maux à savoir un inceste...) qui nécessite un être fort et soutient de tous les instants qui saura la raccrocher au monde réel. Dick sera celui-là en étant père, mari, amant et psychanalyste pour elle mais au prix de ces propres aspirations personnelles (le tourbillon de voyages en Europe où sous la joie se profile le renoncement progressif) et de son ambition. Lorsqu’usé par toutes ses années vouées à une seule et même personne il perdra pied, il tombera du piédestal où Nicole l'avait placé en perdant ainsi son amour en étant redevenu un être humain avec ses failles à ses yeux.

King et le scénariste Ivan Moffat pêche simplement par excès de fidélité au livre dans la dernière partie alors qu'ils avaient si bien su élaguer au départ (Tom Ewell étant un peu sacrifié malgré une bonne prestation en Abe North, Joan Fontaine teinte en blonde s'en sort mieux en superficielle Baby Warren). L'épilogue est donc très longuet dans sa description de la déchéance de Dick et de l'enlisement du couple à travers de poussive scène d'alcoolisme.

Cela passait à l'écrit mais lasse grandement à l'image. Heureusement une poignante scène finale conclu l'ensemble dans une paisible et inéluctable résignation où l'amour toujours présent ne suffira pas au chemin différents empruntés. King n'égale pas les grandes réussites d'antan avec ce chant du cygne, la faute à un côté un peu figé et daté (même par rapport à des mélos de cette même période) mais signe néanmoins un joli film et une belle adaptation.


Film pas facile à trouver et uniquement sorti en dvd en Espagne avec VO et uniquement sous-titres espagnols.

Extrait

3 commentaires:

  1. Une curiosité, ce film, devenu très difficile à trouver... le livre m'a laissé plutôt un bon souvenir ; l'écriture m'avait paru plus maîtrisée que pour The Great Gatsby.

    RépondreSupprimer
  2. Hello Popila ! Pas si difficile à trouver mais un peu cher (l'Espagne a plein d'exlus sur les grands classique parfois même pas édité en dvd aux USA)

    http://www.amazon.co.uk/Tender-Night-Jason-Robards/dp/B004IIJNK8/ref=sr_1_1?s=dvd&ie=UTF8&qid=1342623350&sr=1-1

    Pas parfait mais une curiosité oui j'avais apprécié le livre autant que Gatsby aussi bien prenant. D'ailleurs l'adaptation de Luhrmann arrive bientôt tu as vu la bande-annonce ? Ca me semble prometteur Di Caprio est parfait...

    http://www.youtube.com/watch?v=yqxmhJU4nk4

    RépondreSupprimer
  3. Oui, j'ai vu... ça m'a l'air d'une relecture décoiffante !

    RépondreSupprimer