Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 16 juillet 2012

All I Desire - Douglas Sirk (1953)


En 1900, Naomi Murdoch a quitté sa famille de province pour faire du théâtre. Une dizaine d'années plus tard, sa fille Lily l'invite à venir la voir jouer une pièce dans son collège de Riverdale. Son arrivée met la ville en émoi, réveille de vieux conflits et déclenche de nouvelles tempêtes émotionnelles...

On considère la grande série de mélodrame Universal de Douglas Sirk comme débutant avec le flamboyant Le Secret Magnifique et tous les signes distinctifs qu'on associe à cette période du réalisateur : technicolor flamboyant de Russell Metty, personnages hors-normes, pathos marqué... All I Desire est pour Sirk l'étape qui précède, à mi-chemin entre le récit de mœurs rural et les grands mélodrames provinciaux à venir. Il développe déjà des thèmes qui seront au cœur des futurs films tout en s'en démarquant sur certains points important pour ce qui est une vrai œuvre de transition. Aussi et surtout, dans un registre légèrement différent All I Desire s'avère aussi beau et poignant que ses successeurs plus reconnus.

Sirk nous plonge déjà dans ces bourgades provinciales où chaque attitude se voit jugée sur l'autel du paraître et du quand dira-t-on, ici avec la ville de Riverdale dans le Wisconsin. C'est là qu'a décidé de retourner Naomi Murdoch, ce lieu où elle étouffait sous les conventions et qu'elle dû quitter pour fuir le scandale d'une relation adultère.

Menant depuis une carrière ratée d'actrice et elle renoue avec son passé suite à l'invitation de sa fille Lily qui la vénère à la voir jouer une pièce dans son lycée. Là, les vieux démons vont ressurgir de manière plus ou moins marquée. Ce sera avec la rancœur tenace que lui voue encore sa fille ainée Joyce (Marcia Henderson), le désir tenace et intact de son ancien amant Dutch (Lyle Bettger) et le poids sa propre culpabilité face au temps passé loin de cette famille qui a continué à vivre sans elle.

Sirk montre cette communauté comme une entité unique et inquisitrice qui va épier Naomi dès son premier pas en ville et l'écraser de son jugement au moindre faux pas. La force de ce regard ira crescendo, du premier badaud qui la reconnaîtra à la gare en passant par la représentation de théâtre faisant salle comble pour la guetter et bien sûr le terrible final où satisfait de la voir de nouveau liée au scandale ils se délectent à nouveau de sa détresse.

Sans user des rebondissements extraordinaires du Secret Magnifique ni de la fatalité d'un Mirage de la vie, Sirk entretient pourtant ici une note d'espoir ténue. L'amour est toujours présent entre Naomi et Henry (Richard Carlson) et la flamme ne demande qu'à être ranimée comme le montre le beau jeu de regard entre eux lorsqu'elle retrouvera de la prestance qui l'a séduit quand elle lira un poème.

On retrouve cette idée de l'envers du décor peu reluisant pour celui qui cherche à échapper à sa condition, Naomi rejoignant la Sarah Jane de Mirage de la vie dans ces déboires d'un monde du spectacle peu reluisant par rapport à ce qu'on a sacrifié pour lui.

A l'inverse la thématique de la nature contre la culture au centre de Tout ce que le ciel permet est moins marquée ici, l'ancien amant et homme des bois Dutch étant une brute épaisse aux antipodes de la force tranquille d'un Rock Hudson. La révolte du tenant de la "culture" est-elle atténuée par la fadeur du peu charismatique Richard Carlson au point que Sirk fait preuve d'une symbolique un peu trop appuyée pour signifier son défi à la communauté (cette scène où il renverse le panneau de son titre de directeur).

Tous ces éléments volontairement peu affirmés sont là pour montrer la fragilité du surprenant happy-end qui s'il voit le couple surmonter enfin le regard des autres laisse plusieurs sous-intrigues en suspens pour les personnages secondaires (les fiançailles de Joyce, la carrière de Lily, le poste d'Henry...) dont on ne peut deviner si elles seront effacées par la possible réunion familiale.

Barbara Stanwyck écrase tant le casting et catalyse tant l'émotion du film que voir son visage triste et résigné s'illuminer fait oublier tous les doutes. Elle porte le film à bout de bras, assumant son âge mûr dans sa beauté fatiguée et sa séduction intacte pour ce qui est une de ses plus belles prestations dans ce beau Sirk qu'elle retrouvera quelques années plus tard dans Demain est un autre jour.


Sorti en dvd zone 2 chez Carlotta dans une très belle édition à l'unité ou en coffret

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