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jeudi 7 mai 2020

La Petite voleuse - Claude Miller (1988)

Janine ne connaît pas son père. Sa mère l'a abandonnée. Elle vit chez son oncle et sa tante qui lui manifestent peu d'amour. Elle rêve de luxe et d'amour et, n'ayant pas les moyens de se payer cette vie, se met à voler de l'argent et des objets luxueux, au point que sa tante et son oncle ne la supportent plus. Un jour, elle quitte l'école et trouve un emploi de bonne chez les Longuet, une famille bourgeoise. Pressée de devenir une femme, elle noue une liaison avec un homme marié plus âgé qu'elle…

 La Petite voleuse reconstitue l’équipe gagnante de L’Effrontée (1985) belle expérience humaine sur le tournage et grand succès en salle. Il s’agit au départ d’un projet de François Truffaut qui en rédigea un traitement avec Claude de Givray en 1983 mais qu’il ne put malheureusement pas tourner. Claude Miller, directeur de production de François Truffaut de Baisers volés (1965) à L’Histoire d’Adèle H (1975) et grand ami de ce dernier, est intéressé par le sujet et s’avère donc le candidat tout désigné. Le script final oscillera ainsi entre déférence à Truffaut et vraie dimension autobiographique pour Claude et Annie Miller qui ont vécu cette période d’après-guerre à travers leur regard d’enfant/adolescent, plusieurs personnages s’inspirant de membres de leur famille.

La très iconique affiche qui voit l’héroïne Janine (Charlotte Gainsbourg) changer ses godilles pour enfiler des talons est un manifeste du propos du film. Ce changement de chaussure symbolise à la fois la volonté de passer de l’enfance à l’âge adulte, de son quotidien quelconque à quelque chose de plus exaltant pour Janine. L’adolescente se sent étriquée dans sa modeste province, dans l’humeur maussade et les vues étriquées par l’expérience de l’Occupation de ses oncles et tante qui l’élèvent. L’ailleurs n’existe que dans le clinquant des bijoux et vêtement de luxe, le glamour  des stars de cinéma qu’elle s’empresse d’aller voir sur grand écran, mais aussi de façon plus intime dans cette mère qui l’a abandonnée pour vivre une aventure avec un italien. Cette frustration va donc trouver pour Janine un périlleux raccourcis par les différents vols qu’elle va commettre. Ce délicat pont entre l’adolescence et l’âge adulte va jouer sur la nature et les conséquences de ses larcins, la mansuétude initiale face à la candeur juvénile dont elle joue cédant à l’arrestation policière puis la maison de correction. 

Le film est un vrai pendant féminin à Les 400 coups (1959) que Claude Miller assume dans une narration fonctionnant au rythme des sursauts émotionnels de Janine. Charlotte Gainsbourg n’a plus la grâce et candeur instinctive de L’Effrontée, cette fois si son jeu subtil laisse intelligemment fonctionner la frontière indistincte entre duperie, petits mensonges et vulnérabilité. La douceur du timbre, les mauvaises intentions travaillant certaines de ses expressions, toute cette contradiction  fascine dans le jeu de l’actrice. Son rapport aux adultes le reflètent avec une confusion entre la quête du père, de l’amant et de l’amie que vont revêtir son oncle, le professeur de chorale (Didier Bezace) ou sa patronne qu’elle va autant aimer que blesser au fil de ses errances. La relation la plus stable ne se trouvera qu’avec son équivalent, ce Raoul (Simon de La Brosse) également en rupture de tout.

Le film possède ainsi plusieurs niveaux de lecture entre les réminiscences de Truffaut, ce étonnant rapport entre passé et présent où l’on voit Charlotte Gainsbourg grandir et s’affirmer dans cette sorte de suite de L’Effrontée se situant pourtant chronologiquement avant. Miller distille une reconstitution soignée qui sait se faire oublier par une mise en scène sobre et au service de sa star en devenir. Une nouvelle fois ce sera un immense succès avec 1,8 millions d’entrées en salle.

Sorti en bluray et dvd zone  français chez TF1 Vidéo

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