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vendredi 22 mai 2020

Lonelyheart - Sabishinbô, Nobuhiko Obayashi (1985)

Hiroki est un lycéen plein de vie, qui aide ses parents au temple pendant son temps libre, et qui aimerait bien aussi se rapprocher d’une jeune fille, belle, mystérieuse et solitaire… mais qu’il n’a encore jamais osé aborder. Un jour, alors qu’il rangeait des vieilles affaires de famille devant l’un des autels du temple, un brusque coup de vent viendra emporter des photos… Rien de bien grave au demeurant. Et pourtant… très rapidement une drôle de jeune fille, au visage blanc et paraissant capable de passer un peu partout, va faire irruption dans sa vie : Sabishinbô (cœur solitaire).

Lonelyheart est au sein de la filmographie de Nobuhiko Obayashi le dernier volet de la trilogie d'Onomichi. Cette série de films a pour spécificité de se dérouler au sein de la ville natale du réalisateur, Onomochi, et de croiser à un récit adolescent un postulat surnaturel métaphore/contribution à la maturité du personnage principal. Ce sont les aptitudes à voyager dans le temps de l'héroïne de The Little Girl Who Conquered Time (1983) ou l'échange de corps fille/garçon de I are you, You am me (1982). Les deux premiers films semblaient porter plus d'attention aux personnages féminins (même indirectement avec le garçon coincé dans un corps de fille de I are you, You am me) alors qu'au premier abord, Lonelyheart semble plus focalisé sur le point de vue de son héros masculin Hiroki (l'acteur fétiche d'Obayashi, Toshinori Omi). C'est d'ailleurs littéralement sur ce point de vue que s'ouvre le film lorsque, du zoom de l'objectif de son appareil photo, il observe la ville depuis depuis ses hauteurs.

La thématique centrale du film s'y révèle à travers deux éléments à priori antinomiques. D'un côté l'objectif arpente la maison d'Hiroki où sa mère (Yumiko Fujita) s'affaire à des tâches ménagères, ce qui permet à l'adolescent de fustiger le côté terre à terre de celle-ci et souligner leurs différences. De l'autre Hiroki zoome sur le lycée féminin voisin, et plus particulièrement sur cette élève qui vient s'exercer seule au piano après les cours. Cette jeune fille dont il tombe instantanément amoureux, il va la dénommer Sabishinbô (cœur solitaire). Obayashi déploie ainsi dans un même mouvement deux problématiques typiquement adolescentes, l'incompréhension du monde des adultes (et plus spécifiquement les parents), et le mélange d'euphorie et de désespoir provoqué par le premier amour. On peut trouver ces éléments plutôt opposés mais ils vont habilement se rejoindre, et Obayashi glisse un indice de ce lien avec le morceau qu'Hiroki "entend" Sabishinbô jouer, « Tristesse »de Frédéric Chopin qui est également le morceau préféré de sa mère.

Le film semble dans un premier temps bien plus potache et moins mélancolique que les précédents films de la trilogie, multipliant les facéties loufoques d'Hiroki et ses amis sources de nombreux gags. Le surnaturel s'invite cependant à nouveau dans le cadre d'un temple bouddhiste (le père d'Hiroki étant prêtre) comme dans I are you, You am me, lorsque Hiroki disperse de vieilles photos familiales alors qu'il range les lieux. A partir de cet instant va ponctuellement surgir dans sa vie une facétieuse jeune fille au masque de cire également surnommée Sabishinbô. D'abord seulement visible par notre héros, elle apparait progressivement à tous, semant la zizanie dans son entourage et semblant omnisciente quant aux petits secrets de chacun.

Si un Hiroki ahuri mettra le temps avant de comprendre son identité, le spectateur aura vite saisi que la magie du temple a matérialisé sa mère telle qu'elle était adolescente sur une des photos perdues. L'importance n'est pas dans cette révélation mais plutôt sur le lien qui unit le premier amour vivace d'Hiroki et cette apparition du passé, puisque les deux Sabishinbô ont les mêmes traits (ceux de l'actrice Yasuko Tomita). Obayashi travaille ainsi les émotions en écho, les dépits amoureux d'hier et d'aujourd'hui partageant le même visage, et leurs douleurs se rythmant aux notes de Chopin. La réconciliation du présent et de l'ancien qui nous hante annonce le traitement mythologique et introspectif du magnifique The Deserted City (1984) à venir.

Cependant le côté filial le rapproche aussi grandement du superbe Chizuko's Younger Sister (1991), quatrième itération qu'Obayashi donnera à son cycle d'Onomochi et où il sera question de deuil fraternel. L'aspect humoristique initial s'estompe ainsi progressivement au fil des révélations qui rapprochent les deux axes du film. Hormis les purs éléments narratifs, ce lien passé/présent se dessine à travers la très belle relation mère/fils. La complicité taquine des deux fonctionne à merveille, la mère faussement sévère mais sensible à la veine artistique du fils (les photographies de femmes nues de celui-ci qu'elle regarde avec lui sans sourciller) et ce dernier plus amusé que réellement agacé des remontrances. Dès lors la compréhension plus intime qui s'amorce peu à peu offre des moments poignants comme quand Hiroki jouera la fameuse mélodie de Chopin au piano devant sa mère. Deux émotions se rejoignent là, celle de l'amour perdu dont la douleur est vivace, et celle dont ne demeure qu'un souvenir tendrement entretenu. La mère console le fils et inversement dans un sentiment implicite qu'Obayashi parvient merveilleusement à faire passer, bien aidé par l'interprétation habitée de Yumiko Fujita (formidable)) et Toshinori Omi. C'est d'ailleurs très intéressant qu'Obayashi ait travaillé ce mimétisme du dépit amoureux entre la mère et le fils plutôt que le père qui reste en retrait.

Formellement Obayashi parvient à donner une fois de plus un visage inédit à cette ville d'Onomichi qu'il a tant filmé (c'est d'ailleurs amusant d'avoir des réminiscences des autres films dans certains lieux bien identifiables où l'on a vu d'autres évènements). Le cadre insulaire donne pour l'essentiel une dimension ensoleillée reflétant l'aspect juvénile et bondissant initial, mais l'histoire se déroule pourtant bien à l'automne. La photo de Yoshitaka Sakamoto traduit donc bien cette entre-deux, à la fois lumineux et estival, mais aussi mélancolique et automnal dans le travail sur la couleur (tout cela annonçant le fabuleux travail chromatique de The Deserted City). L'immédiateté comique (toutes les pochades lycéennes, les apparitions improbables de Sabishinbô) alterne avec un romantisme qui endosse la fulgurance (le premier échange de regard à vélo) et la pure rêverie contemplative lors de l'hypnotique scène du retour en ferry au crépuscule. Un joli film en apparence plus léger que le reste de la trilogie mais tout aussi profond.

Sorti en dvd zone 2 japonais 

2 commentaires:

  1. sous-titres français ou anglais dispos? ^^

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    1. Demandez moi ça plutôt par mail, je devrais pouvoir vous aider ^^

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