Dans les années 1950, en plein franquisme, la
superstar internationale Macarena Granada retourne en Espagne, son pays
natal, pour incarner Isabelle la Catholique dans un film biographique à
grand budget. Quand il apprend son retour, Blas Fontiveros, un
réalisateur qui l'a fait tourner dans une comédie musicale en 1938,
retourne également à Madrid pour la revoir. Mais son arrivée déclenche
une série d'événements inattendus qui perturbent le tournage du biopic
surveillé par les hommes de Francisco Franco...
Fernando Trueba signe 18 ans après une suite tardive à La Fille de tes rêves
(1998), l'un de ses plus grands succès. Le film vient s'ajouter à son
cycle de films historiques autour des tumultes de l'Espagne des années
30 dans Manolo (1986), Belle Epoque (1992) et donc La Fille de tes rêves.
On quitte cette fois le cadre des années 30, des questionnements pré
guerre civile puis l'agitation de cette dernière pour avancer dans le
temps sur l'Espagne franquiste des années 50. L'introduction faite de
vraie/fausse scène d'archives met justement en parallèle l'évolution
socio-politique du pays avec l'ascension de Macarena (Penelope Cruz) qui
après sa fuite d'Espagne à la fin du premier film s'est installée à
Hollywood où elle est devenue une grande star. Durant les années 50,
Franco offre des crédits d'impôt avantageux permettant le tournage de
grosses productions au moment où Hollywood exporte la production de ses
films en Europe. Le choix d'un sujet évoquant la grandeur passée de
l'Espagne est bien sûr un plus pour se voir autoriser un tournage et
c'est dans ce contexte que Macarena, désormais naturalisée américaine,
va revenir au pays pour tourner un biopic de Isabelle la Catholique. Le
personnage de Macarena se détache cette fois d'Imperio Argentina qui
était le vrai modèle implicite (et embellie en occultant ses amitiés
douteuses pour Goebbels et Franco) de La Fille de tes rêves
et semble s'inspirer au sens large des actrices latino (et pas
forcément espagnoles) ayant eues une carrière hollywoodienne durant
cette période comme Sophia Loren ou Gina Lollobrigida. Le film est vraiment une variation et suite de La Fille de tes rêves
(qu'il est plutôt nécessaire d'avoir vu, pas de vraie réintroduction
pour le spectateur néophyte) où le cadre franquiste a remplacé celui de
l'Allemagne nazie. On découvrira Blas Fontiveros (Antonio Resines) le
beau personnage de réalisateur du film précédent, a passé suite à ces
évènement la Deuxième Guerre Mondiale en camp de concentration. De
retour en Espagne il retrouve famille et amis (toutes les réapparitions
des héros du précédent sont d'ailleurs très touchantes) avant d'être
dans le collimateur de la police secrète qui va l'envoyer en camp de
travail. On se partage donc entre les coulisses de la superproduction
hollywoodienne délocalisée, ses petits tracas superficiels et en
parallèle la pénible subsistance de Fontiveros. Une nouvelle fois,
Trueba excelle dans la satire du monde du cinéma en renouvelant l'humour
par rapport à La Fille de tes rêves. On croque ainsi la désinvolture bien connue de certains réalisateurs américains exilés en Europe (Robert Aldrich sur Sodome et Gomorrhe
(1962) étant un des plus fameux) ici avec un simili John Ford sénile et
somnolant plus que ne dirigeant son film. Le lissage hollywoodien de la
matière culturelle et historique des pays dont on adapte le passé est
moquée dans certaines scènes kitsch où le musical boursouflé s'invite
dans un décorum espagnol, dans l'interprétation très "yankee" de Cary
Elwes censé jouer Ferdinand le Catholique. Les redites du premier film
fonctionnent aussi tel le bellâtre et macho Julian (Jorge Sanz) de
nouveau la proie de la star masculine gay (l'ombre de Cary Grant/Burt
Lancaster planant la caractérisation). Le seul problème du film est de
ne pas réussir à marier aussi harmonieusement l'équilibre entre
causticité et vraie tension qui faisait l'intérêt de La Fille de tes rêves qui était un vrai To be or not to be
(1942) ibérique. On ne ressent pas vraiment la même noirceur et anxiété de
l'Allemagne nazie qui éteignait les rires dans le film de 1998 au sein
de cette Espagne franquiste. Pendant un bon moment les deux intrigues
semblent vraiment trop détachées l'une de l'autre et notamment à travers
le personnage de Macarena.Penelope Cruz tout comme son personnage était des stars en construction dans La Fille de tes rêves,
alors qu'elles reviennent en diva au sein de l'histoire et dans la
production même du film. Le détachement d'une Macarena exilée face à la
réalité de son pays s'explique, mais moins quand elle se rattache aux
destins de ses anciens amis comme Fontiveros qui fut son amant et
mentor. La manière dont Trueba fait se rejoindre l'ensemble manque de
l'évidence narrative de celle de La Fille de tes rêves qui combinait ambition romanesque et propos politique en les
concentrant sur l'enjeu amoureux. C'est plus laborieux ici (malgré le
charisme de Chino Darín en beau machiniste) mais tout finit par
s'équilibrer dans la dernière partie où notre troupe de cinéma va
devoir, après la Gestapo et Goebbels, duper la police franquiste pour
faire évader leur ami. Tout le suspense, l'urgence et le sentiment de
danger qui manquait précédemment retrouvent leur droit de manière plus
marquée sans totalement retrouver la force du précédent. L'émotion
fonctionne malgré tout grâce au lien noué désormais avec les
protagonistes et Trueba ose une belle confrontation finale entre
Macarena et Franco himself venu se gargariser sur le tournage. Bref pas
le petit classique en puissance de La Fille de tes rêves mais une jolie et honorable suite.Sorti en dvd et bluray espagnol ou disponible sur Amazon Prime mais uniquement en vf malheureusement
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