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jeudi 10 février 2022

Kafka - Steven Soderbergh (1991)


 A Prague, en 1919, Kafka mène une double vie : simple employé le jour, écrivain la nuit, c'est un solitaire. Quand un jour on retrouve le corps noyé de son meilleur ami, il entreprend de retrouver les meurtriers, pénétrant dans un monde marginal, dangereux et mystérieux...

L’art du contrepoint cher à Steven Soderbergh se manifeste dès ce second film surprenant après le succès et la pluie de récompense de l’inaugural Sexe, mensonges et vidéo (1989). Le réalisateur profite de l’aura bankable de son premier film pour réussir à financer le scénario de Lem Dobbs, auréolé d’une flatteuse réputation dans le milieu mais jugé fort peu commercial. Lem Dobbs deviendra par la suite un collaborateur régulier de Soderbergh, et excelle à dépeindre des labyrinthes mentaux où peut se greffer une proposition visuelle et narrative marquée, tel L’Anglais (1999) pour Soderbergh ou Dark City d’Alex Proyas. 

On à affaire ici à un objet singulier, entre faux biopic de Franz Kafka et une plongée dans l’imaginaire de l’auteur. La dimension aliénante de l’univers de Kafka existe ainsi par un contexte rattaché à sa vraie existence lorsque l’on découvre l’auteur dans l’ennui de son travail administratif, ce qui correspond à la réalité puisque Kafka végétait dans une compagnie d’assurance parallèlement à ses activités d’écriture. Lorsqu’un de ses ami et collègue disparait, Kafka (Jeremy Irons) va mener l’enquête et remonter une piste tentaculaire rattachée aux mystérieuses rafles nocturnes arbitraire ayant lieu en ville. Le récit plonge donc Kafka dans ses propres récits et plus précisément Le Procès et Le Château. Ces deux romans publiés à titre posthume sont d’ailleurs évoqués comme inachevés ou en cours d’écriture par Kafka, tandis que d’autres dialogues font des allusions plus implicites à d’autres œuvres comme La Métamorphose

Steven Soderbergh brosse une tonalité de vide existentiel, de mélancolie et d’un sentiment de paranoïa oppressante qui passe par le noir et blanc et une imagerie marquée par l’expressionnisme allemand. C’est un festival de jeux d’ombres stylisés à travers la photo de Walt Lloyd, façonnant un environnement urbain stylisé et cauchemardesque. La mise en scène de Soderbergh joue deux échelles, celle traduisant la folie et la prison mentale, mais aussi matérialisant visuellement l’écrasement d’un pouvoir totalitaire. Longues focales écrasant les personnages, alternances de plongées et contre-plongées déroutantes, composition de plan épurée, le sentiment d’insécurité ne nous quitte jamais, bien aidé par le jeu fébrile de Jeremy Irons. 

Le problème reste l’intrigue nébuleuse à laquelle il est difficile de se raccrocher, même en connaissant un minimum son petit Kafka illustré. Certains moments évoquent d’autres films partageant cette inspiration, notamment un travelling avant sur un malheureux entravé dans les geôles du château rappelant l’inoubliable final du Brazil de Terry Gilliam (1985). Les emprunts à l’expressionnisme allemand et plus spécifiquement dans la description de la ville est également dans la lignée du Ombres et brouillard de Woody Allen sorti la même année. Ces deux films possèdent cependant un cœur émotionnel, dans l’histoire et l’interprétation, qui les rendent plus accessibles que l’exercice de style qu’est Kafka. Cela n’en reste pas moins un film à voir, ne serait-ce que pour cette réussite plastique. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Pathé

 

Interview d'époque de Steven Soderbergh sur le film

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