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dimanche 19 février 2023

L’Enfer des tropiques - Fire Down Below, Robert Parrish (1957)

Felix Bower et Tony Finn, qui vivent de petits trafics au large des Caraïbes grâce à leur modeste bateau, acceptent la mission de transporter Irena, une mystérieuse clandestine, jusqu’à l’île de Santa Nada. Ils tombent tous les deux sous le charme de leur passagère et leurs rapports se détériorent.

L’Enfer des tropiques est un peu un film maudit dans la filmographie de Robert Parrish, qui se verra déposséder du montage par ses producteurs. Un des talents du réalisateur est de s’inscrire souvent dans des genres emblématiques du cinéma hollywoodien (polar, western…) mais de parvenir à s’affranchir de leurs archétypes, non pas en les déconstruisant, mais en faisant une sorte de pas de côté autorisant les moments plus suspendus. Dès lors lorsque les règles des genres, le retour à l’intrigue classique se profile, c’est presque une contrainte et un regret pour les personnages et les spectateurs. Un film emblématique de cela est son magnifique western L’Aventurier du Rio Grande (1959) où Robert Mitchum (dont la nonchalance désabusée est parfaite pour le style de Parrish) passe un tiers du film immobilisé par une jambe cassée et peut enfin se poser pour vivre une romance loin de son existence tumultueuse.

L’Enfer des tropiques (adapté d’un roman de Max Catto) démarre ainsi sous ces auspices attendus, par son intrigue et la personnalité de ses acteurs. Le triangle amoureux place une Rita Hayworth dans un emploi connu de séductrice aventurière destinée à perdre les hommes, disputée par les deux amis Felix (Robert Mitchum) et Tony (Jack Lemmon). Robert Mitchum retrouve ce côté désabusé et revenu de tout montrant une grande méfiance envers sa passagère, tandis que Jack Lemmon est cet histrion nerveux et candide propre à se laisser séduire. La tension s’installe dans un huis-clos maritime réjouissant, faisant légèrement tomber les masques des archétypes initiaux. Rita Hayworth n'est pas la mante religieuse attendue, mais une femme ayant vite appris à porter sa beauté comme un atout et une malédiction dans les heurts d’une vie agitée. L’ours mal léchée Robert Mitchum se reconnaît en elle et c’est bien ce qui provoque ce mélange d’attrait et d’hostilité dont il fait preuve. Robert Parrish captive d’emblée, la promesse d’aventures et d’exotisme laissant place à ce nœud de sentiments refoulés. 

Il signe d’ailleurs dans cette première partie une séquence extraordinaire caractérisant à merveille à l’équilibre du trio. Les personnages se rendent sur une île pour assister à une fête de mardi-gras. Tony est emporté de son plein gré par des fêtard en liesse sans anticiper ce qui pourrait se dérouler. Irena (Rita Hayworth) subit dans un premier temps le tumulte de la fête en étant balloté entre les danseurs. Après un tête à tête tendu avec Felix, elle retourne sur la piste qu’elle s’approprie soudant de manière extraordinaire, tout en danse chaloupée et lascive où le passé scénique (et dans la comédie musicale) de Rita Hayworth fait merveille. Felix si hostile envers elle est soudain captivé et l’on comprend qu’il est tombé dans ses filets. En une scène, la cinquième roue du carrosse qu’est Tony, l’attrait de Felix et surtout la capacité d’adaptation/survie d’Irena sont posés par l’image, sans dialogues superflus.

Hélas, dans sa seconde partie le film s’éloigne de cette situation passionnante pour partir dans une autre direction. Le fameux « pas de côté » cher à Parrish s’éloigne bien trop de la trame principale avec un interminable aparté sur Tony coincé  dans les décombres d’un cargo prêt à exploser. C’est l’occasion de guest-stars prestigieux de de s’installer (Bernard Lee et Herbert Lom), la séquence est très spectaculaire mais perd complètement de vue le triangle amoureux initial. Mitchum et Hayworth ne reviennent que dans les 20 dernières minutes pour relier le malheur et dilemme de Tony aux enjeux sentimentaux mais il est trop tard, l’intérêt s’est dilué. 

C’est vraiment un gâchis car les acteurs sont tous très bon, l’alchimie et la tension sont là le nerf du récit s’est perdu. Il semble que cela soit en grande partie dû au remontage des producteurs, Parrish ayant envisagé de relier ces trames antinomiques par des flashbacks notamment. En l’état cela donne en tout cas un film très bancal qui ne tient pas ses belles promesses initiales. On saluera néanmoins la beauté formelle typique de Parrish, nous offrant de magnifiques scènes maritimes et de beaux panoramas exotiques dans un cinémascope de toute beauté. 

Sorti en bluray français chez Rimini éditions 

Vidéo promotionnelle sur le tournage, petite pépite rétro !

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