Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 2 avril 2023

Honkytonk Man - Clint Eastwood (1982)

Red, musicien ambulant, retourne à la ferme familiale en Oklahoma. C'est pour y retrouver un paysage dévasté par un ouragan. Il est malade et se sait gravement atteint. Pourtant, une dernière chance s'offre à lui. Une convocation pour une audition à Nashville.

Le temps d’un aparté musical au Festival de Monterey dans Un Frisson dans la nuit (1971) puis plus tard le biopic Bird (1988) sur le musicien Charlie Parker, la facette mélomane de Clint Eastwood transparaissait dans ses films. Honkytonk Man sera cependant le premier film d’Eastwood à manifester son attachement à la tradition musicale américaine à travers cette évocation d’un chanteur country itinérant. Le film adapte le roman éponyme de Clancy Carlile publié en 1980 et Eastwood devra d’ailleurs peser de tout son poids de star pour en obtenir les droits car l’auteur ne l’imagine pas dans le personnage misérable et vulnérable de son livre. Eastwood malgré déjà plusieurs audaces devant et derrière la caméra (Un frisson dans la nuit, Breezy (1973) et Bronco Billy (1980) réalisés par lui-même, Les Proies de Don Siegel (1971)) est encore associé pour la critique américaine au registré musclé qui a fait son succès avec L’Inspecteur Harry (1970). Le film est donc l’occasion de montrer une autre facette de son talent à travers un registre plus personnel et intimiste.

Le roman de Clancy Carlile est en partie inspirée des destinées tragiques des vrais artiste country que furent Jimmie Rodgers et Hank Williams. Cependant la partie musicale a une égale importance avec le registre de road-movie, de récit itinérant traversant les Etats-Unis de la Grande Dépression. Ce contexte correspond aussi à l’enfance de Clint Eastwood forcé de traverser le pays au gré des embauches de son père, jamais réellement enraciné nulle part avant que la situation financière familiale se stabilise au milieu des années 40. Eastwood adolescent et jeune adulte se montrera d’ailleurs incapable de se fixer dans un métier ou une carrière par la suite, naviguant de fêtes en conquêtes féminines avant que la vocation d’acteur ne le rattrape. Le début du film avec cette famille dans le dénuement et à l’avenir incertain renvoie à cette réalité passée pour le réalisateur, tandis que l’admiration du jeune Whit (Kyle Eastwood) pour la vie de bohème de son oncle Red (Clint Eastwood) traduit l’envie d’ailleurs possible de Clint Eastwood à l’époque, et de manière générale à une frange du peuple peu encline à se soumettre à cette vie de labeur promise aux pauvres.

Lorsque le périple commence, c’est donc l’exaltation de l’imprévu et de la dangerosité de cette existence sur les routes qui domine dans un plaisant récit picaresque. Rencontres improbables, menus larcins et pauses routières entrecoupent ainsi les quelques séquences musicales dans la première partie dans un quotidien toujours surprenant. Cette urgence constante est une manière de ne pas être rattrapé par la réalité, dans sa dimension ennuyeuse et tristement économique, mais aussi une pulsion de vie pour Red rongé par la tuberculose qui y trouve un second souffle. Clint Eastwood livre une prestation touchante de vulnérabilité, hilarante de gouaille et magnifiquement investie lorsqu’il fait montre de ses talents de musicien dans les scènes de concert. Il nous fait découvrir tout un pan des racines de la musique américaine et ses propres gouts à travers les environnements traversés, des clubs enfumés de blues aux bastringues country.

Dans ces séquences musicales, Eastwood capture quelque chose de l’intime et du collectif avec une certaine magie. Lors de la première scène de concert dans le bar, on retrouve ce talent à saisir un instant de vie aussi commun que précieux lorsque les notes de guitares et la voix étouffée d’Eastwood se mêle au tumulte des lieux – chose qu’il avait réussie dans un registre plus festif dans la scène du Festival de Monterey d’Un Frisson dans la nuit. Plus tard la fièvre et l’atmosphère de stupre du club de blues traduit l’attrait et la communion d’Eastwood pour les musiques noires, les dialogues truculents nous signifiant sa différence et sa dimension de paria par ce goût. 

Le douloureux épilogue où Red enregistre ses chansons en studio dans un dernier souffle affirme une volonté de ne pas avoir été qu’un frivole papillonnant, mais aussi un artiste désireux de laisser une trace de la passion à laquelle il a tout sacrifié – magnifique scène où Red raconte son grand amour perdu à Whit. Le fils Eastwood est particulièrement convaincant et contribue au point de vue amusé du spectateur en montrant (comme le soulignera un dialogue) le versant le plus exaltant de cette vie avant d’en voir le versant plus tragique à la fin. Mais qu’importe, le virus de la musique semble définitivement inoculé, à voir la fière allure de Whit que nous observons lentement s’éloigner guitare à la main.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner


 

1 commentaire:

  1. Excellent film, un Eastwood magistral pour un de ses meilleurs rôles pour moi !
    Bonne journée

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