Dave Garver est disc-jockey dans une
radio de Carmel, en Californie. Un soir, après son émission, il fait la
rencontre d'Evelyn, une de ses ferventes admiratrices. Celle-ci
l'appelle à chaque fois pour lui demander de passer la même chanson,
Misty, de Erroll Garner. Ils sympathisent et passent la nuit ensemble.
Très vite pourtant, Dave va se rendre compte de la folie d'Evelyn, qui
se montre très possessive et violente, notamment envers l'ancienne
compagne de Dave que ce dernier cherche à reconquérir.
Ce
qui fut vu à l'époque comme un petit caprice de star s'avéra en fait le
point de départ d'une immense carrière de réalisateur. La mise en scène
aura très tôt titillé Clint Eastwood qui déjà lorsqu'il tournait la
série tv Rawhide observait avec
attention le travail des réalisateur et aura tenté en vain de diriger
certains épisodes. En 1971 Eastwood désormais superstar s'entiche du
script de Play Misty For Me signé Jo Heims et décide de franchir le pas. C'est un vrai risque pour l'acteur qui sort de l'échec des Proies
(1971) de Don Siegel (qui apparaît ici dans un petit rôle de barman) où le public ne sembla pas accepter de le voir sous un jour plus
vulnérable mais Eastwood tombé au plus bas l'année précédente après la
perte de son père est alors bien décidé à donner ce nouvel élan à sa
carrière. Il acceptera même de la part d'une Universal peu confiante de
ne toucher que son seul cachet d'acteur.
Le film s'avère un
précurseur d'un certain type de thriller reposant sur l'obsession et le
harcèlement au féminin avec des œuvres comme Liaison Fatale (1987) de Adrian Lyne ou encore Misery
(1990) de Rob Reiner. Le thème est assez inédit à l'époque et le ton
employé par Eastwood pour le traiter tout autant. Loin d'instaurer un
rythme effréné et une tension palpable, Eastwood opte pour un rythme
nonchalant et s'inscrivant dans une certaine forme de réalisme. Le film
est en effet une vraie photographie de cette Californie des 70's, de
l'atmosphère hippie et hédoniste qui y règne.
C'est par cette toile de
fond qu'Eastwood amène d'abord visuellement (splendide ouverture avec ce
plan aérien arrivant sur Eastwood surplombant la mer puis le long
générique où il défile en voiture dans un paysage radieux) puis par les
situations lorsque notre héros Dave Garver drague innocemment la
séduisante Evelyn (Jessica Walter). Le fait de découvrir qu'elle a mis
en scène leur rencontre et qu'elle est une de ses admiratrices secrète
(il est disc-jockey) ne fait qu'apporter un peu plus de piquant à la
situation.
Sauf que passé ce qui ne devait être qu'un moment agréable
Evelyn va faire une dangereuse obsession sur Dave, devenant de plus en
plus envahissante et cédant peu à peu à la folie meurtrière. Cela est
amené graduellement par Eastwood la rendant vaguement trop insistante
tout en laissant poindre la folie encore contenue au détour de quelques
échanges, la simple focalisation amoureuse cédant à des instincts plus
inquiétants.
Ce choix d'atmosphère feutrée prend tout son sens dans
cette approche, la première manifestation de violence étant un véritable
choc lorsque Evelyn va agresser une malheureuse armée d'un couteau. La
bascule se fait aussi dans la mise en scène où la réalisation jusque-là
sobre et contemplative se fait soudain anarchique avec une caméra aux
mouvements incertains dans un déluge de chairs lacérées où le giallo
n'est pas loin.
Visuellement on constate déjà toute les aptitudes
d'Eastwood qui oscille entre réalisme et imagerie californienne
idéalisée, que ce soit dans les scènes quasi documentaire où il laisse
parler son amour du jazz avec le festival de Monterrey ou encore la
longue scène romantique sur fond de Roberta Flack où Dave file le
parfait amour avec Tobie (la belle Donna Mills future héroïne de Côte Ouest
!) dans le plus pur style évanescent et hippie.
Pas forcément très
utiles à l'intrigue et entraînant quelques longueurs, ces scènes
captivent néanmoins par ce brio formel et une nouvel fois le contrecoup
sera d'une efficacité redoutable avec un final des plus glaçants.
Eastwood tout en sobriété et fragilité (touchant quand il cherche à
reconquérir le cœur de Donna Mills) est formidable, le réalisateur
sachant parfaitement mettre l'acteur en valeur (ce fondu enchaîné
jour/nuit sur son regard tandis qu'Evelyn le tient prisonnier dans ses
bras).
Jessica Walter est elle extraordinaire dans un registre
outrancier, le visage paisible pouvant se tordre d'un rictus de passion
violente la minute pour ce caractère imprévisible. Annonçant ses futures
très bonnes habitudes de tournages, Eastwood terminera le film avec
deux jours d'avance et le bon accueil critique et le relatif succès (le
film rapportant 5 millions de dollars pour un budget de 725 000) lui
permettra de prolonger cette nouvelle aventure de réalisateur pour le
destin que l'on sait. Dans la foulée il réalisera (sur un script deJo Heims à nouveau) le superbe Breezy (1973) qui forme une sorte de diptyque californien avec ce Play Misty For Me chacun représentant les revers d'une même pièce formant le côté lumineux et inquiétant de ces même atmosphères.
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
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