Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 18 avril 2023

Vénus Beauté (Institut) - Tonie Marshall (1999)


 Angèle est esthéticienne à Vénus Beauté, un institut de quartier dirigé par Nadine où clientes et clients confient leurs petits et grands malheurs entre deux soins. Quand Angèle a terminé sa journée, elle drague des hommes avec lesquels elle tente d'établir un rapport minimal fait de sexe et de camaraderie. Elle échoue la plupart du temps. Elle ne croit pas à l'amour et elle a ses raisons. Mais un matin, dans une gare, elle croise Antoine, qui va l'aimer d'un coup et le lui dire d'un trait.

Vénus beauté (institut) fut la petite surprise du cinéma français de la fin des années 90, remportant un succès public inattendu et se voyant récompensé de trois Césars dont celui de meilleur réalisateur pour Tonie Marshall qui (assez inexplicablement, une Céline Sciamma aurait naturellement dû suivre) reste la seule femme lauréate de ce prix. Plus de vingt ans après qu’en reste-t-il ? On en retient désormais une belle modestie narrative et thématique au service de ses personnages. Tonie Marshall n’a pas de grand message à délivrer, ou du moins celui-ci s’inscrit progressivement dans une forme de quotidien et de solitude des protagonistes. 

La petite excentricité de chacune des esthéticiennes recèle une petite fêlure que Tonie Marshall scrute en pointillé, sans dramaturgie forcée. Ce sont les micro-évènements et attitudes inattendues des héroïnes face à ceux-ci qui renforcent leur mystère ou contribuent à mieux les identifier. On ne sait si la jeune Marie (Audrey Tautou) est séduite, intriguée ou vénale face à l’attention d’un client solitaire (Robert Hossein) et bien plus âgé qu’elle, la réalisatrice posant un regard curieux mais bienveillant sur leur relation. La libérée Samantha (Mathilde Seigner) semble avoir une vie sentimentale épanouie et sans attache mais un geste malheureux à mi-film laisse entendre que cela comble une insatisfaction plus profonde. Angèle (Nathalie Baye) est la plus fouillée des trois mais demeure également opaque par son caractère tour à tour avenant et fuyant. Nos esthéticiennes, à force d’être aux petits soins et à l’écoute des confidences de leur clientèle sont renvoyées passée la fermeture à leur solitude qu’elles tentent de combler parfois maladroitement.

L’espace de l’institut est à la fois celui de l’oubli des tracas de l’extérieur, mais aussi de soi-même où il faut arborer le masque de bienveillance, déployer le geste tendre, susurrer d’une voix apaisante au client avec lequel il faut créer un moment, entretenir une complicité qui le fera revenir. Tonie Marshall exprime cela de façon démonstrative et comique à travers l’excentricité de certaines habituées (Claire Nebout en cliente accro au UV et désinhibée) mais aussi dans le jeu des actrices, un travail sur le cadrage au sein du salon qui vise à entretenir cette proximité entre le lien sincère et la façade commerciale. Forte de cette facilité de contact parfois artificiel, Angèle désarçonne les hommes qu’elle aborde abruptement, en quête d’une aventure passagère. Cette spontanéité se retourne contre elle quand de vrais sentiments s’expriment avec Antoine (Samuel Le Bihan), amoureux qui la courtise sincèrement. 

Angèle témoigne de cette ambivalence dans son rapport aux hommes, ravie de les inonder de sa logorrhée pour ne plus être celle qui écoute, mais finalement désintéressée et détachée de ses interlocuteurs comme elle peut l’être face aux clientes qu’elle voit défiler à longueur de journée. L’effet de cadre dans le cadre lors des vues extérieures de l’institut travaillent formellement cette idée d’un monde rose pastel à part, où relâché ou soumis à l’attention de l’autre. Nathalie Baye est absolument remarquable dans le rôle de cette femme solitaire et entre deux âges, ne sachant comment réagir quand l’amour frappe à la porte de son existence résignée. On regrettera simplement que Tonie Marshall ne se tienne pas jusqu’au bout à son parti pris épuré et sans effet, une sous intrigue de fiancée instable venant un peu parasiter la tonalité paisible du film. 


 Sorti en dvd zone 2 français chez Film Office

 

2 commentaires:

  1. Bonjour, la réalisatrice de "l'amant de Lady Chatterley" N'a pas eu un César pour son film?
    Merci de nous faire redécouvrir des films qui vous passionnent.

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    1. Bonjour, "L'Amant de Lady Chatterley" a eu le César du meilleur film mais Pascale Ferran n'a pas eu celui de la meilleure réalisation qui est revenu à Guillaume Canet pour "Ne le dit à personne"". Ca m'a d'ailleurs toujours semblé bizarre même aux Oscars que le meilleur film et la meilleure réalisation soit parfois attribué à des oeuvres différentes. Merci à vous pour l'encouragement !

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