Des jeunes gens de toutes régions, races, et origines sociales intègrent l'université de Columbus. Des problèmes pour chacun apparaissent, et ils doivent faire face à un sentiment de doute...
Avant de rentrer dans le rang et de devenir un faiseur plus anonyme dans les années 2000, John Singleton fut un des réalisateurs américains les plus prometteurs des années 90. Cela se manifestait par des œuvres engagées traitant de la condition de la communauté afro-américaine dans les ghettos de Los Angeles. Le film de la révélation fut Boyz N the Hood (1991) qui valut à Singleton d’être le plus jeune cinéaste à être nominé aux Oscars (et le premier afro-américain à l’être), suivit de Poetic Justice (1993). Fièvre à Colombus Univerty poursuit cette veine sociale mais élargit le spectre en passant des bas-fonds de LA au cadre prestigieux de l’université et traiter dans son ensemble les maux de la société américaine. John Singleton au scénario s’inspire grandement de sa propre expérience à l'université de Californie du Sud.
Le scénario dresse un récit choral où l’on va suivre différents personnages de milieux sociaux, sexe, orientation sexuelle différentes et observer les motifs de rapprochement mais avant tout de division de ce microcosme. Singleton a parfois la main un peu lourde dans sa caractérisation mais cela fixe immédiatement chaque protagoniste, nous permet d’identifier d’où il vient et anticiper comment il se perdra. La jeune oie blanche Kristen (Kristy Swanson) laisse deviner sa candeur par le seul fait de disposer les photos de sa famille dans sa chambre étudiante, la solitude et le nihilisme latent de Remy (Michael Rapaport) se ressent par la panoplie de petit wasp white-trash dans les posters de sa chambre et la bande-son durant son installation, metal et Beastie Boys à tue-tête. Singleton a la main moins lourde pour la communauté noire avec Malik (Omar Epps) certes sportif nonchalant et arrogant, mais qui semble vouloir dépasser cela, ou encore Fudge (Ice Cube) prototype de l’étudiant à conscience politique dont l’intelligence sert un certain communautarisme. Singleton montre comment des désagréments ordinaires d’un quotidien étudiant (une fraternité trop fêtarde dérangeant les autres) devient la voute d’une frustration et d’un ressentiment entretenus d’un côté par les origines sociales – Remy échappé de son Idaho sans répondant face à ses voisins noirs fêtards, Fudge ravi d’intimider ce petit blanc impressionnable – mais aussi par l’environnement de la fac reflet de la stigmatisation inhérente à la société américaine – les agents de police plus prompt à contrôler et asticoter les étudiants noirs. L’aspect intéressant est de prolonger cette problématique au sexisme avec une Kristen qui va subir une agression sexuelle dans une quasi-indifférence. L’institution et les codes sociaux de la fac se montre incapables de résoudre ces conflits que les personnages vont devoir régler par eux même. Cela se fait à petite échelle – un petit tabassage en règle pour le violeur – mais ne résout rien, ce mécanisme « d’autodéfense » prenant de plus en plus d’ampleur jusqu’au drame final.Devant l’impuissance de l’institution, chaque communauté se replie vers ses semblables, pour le meilleur (Kristen se liant à la communauté féministe de la fac), pour le pire (Remy rejoignant un groupe de néonazi et suprématistes blanc) et parfois un peu des deux (les noirs politisés finissant par voir en tout blanc un ennemi potentiel sans distinction). Le spectateur européen ou français pourra voir quelques grossiers raccourcis et simplismes dans certaines situations aberrantes (le climax où la police laisse échapper l’assassin néonazi pour perdre du temps à tabasser un noir), mais qui sont finalement le triste reflet d’une réalité américaine des années 90 et encore vivace comme le montre l’actualité récente. Le problème est de ne s’arrêter qu’à cette condition sociale sans complètement faire exister les personnages. Ainsi on comprend que c’est une difficulté à se faire des amis, une maladresse liée à l’éducation violent de son père qui rend Remy si perméable à l’idéologie raciste, mais Singleton reste en surface et laisse croire que seuls les petits désagréments quotidiens causent sa bascule. De même l’engagement féministe de Kristen est très superficiel, tout comme sa bisexualité (Jennifer Connelly personnage prétexte à ces deux éléments intime et sociaux) alors que c’était une thématique originale dans un film grand public américain des années 90. La charismatique figure du professeur Phipps sert à dresser un trait d’union dans tout cela mais malgré la belle prestation de Laurence Fishburne, cela passe par de lourds dialogues sentencieux.Singleton mets cependant tous les extrêmes dos à dos dans le culte du virilisme entretenu par la communauté noire et la notion de gang, les néonazi et leur crainte d’un « grand remplacement », et de manière générale les hommes avec la violence faite aux femmes. Chaque adversité doit se résoudre par la violence jusqu’au point de non-retour final visionnaire du drame de Columbine. Singleton parvient à l’exprimer par une belle idée formelle à la fin avec cette vue en plongée sur des escaliers que le néonazi descend après avoir commis l’irréparable et qu’un personnage noir monte pour l’en punir, les deux silhouettes étant réunies dans la même image. A l'inverse les deux personnages ayant signifié cette division dans la scène d'ouverture témoignene d'un timide rapprochement lors de l'épilogue, synonyme d'espoir et de moins d'incompréhension pour la suite. Malgré quelques gros sabots donc, une œuvre très intéressante, une véritable photographie d’une époque, alors qu’aujourd’hui les clivages d’alors se sont renforcés et que d’autres sont apparus.Sorti en dvd zone 2 français chez Sony
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