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dimanche 23 avril 2023

L'Ami américain - Der Amerikanische Freund, Wim Wenders (1977)

Atteint de leucémie, Jonathan Zimmermann, propriétaire d'un atelier d'encadrements à Hambourg, se sait irrémédiablement condamné. Il rencontre un jour l'Américain Tom Ripley, trafiquant de tableaux. Ce dernier présente à Jonathan l'un de ses amis, qui lui propose de tuer un inconnu contre une forte somme : Jonathan accepte, offrant ainsi une "assurance-vie" et un avenir à sa famille. C'est le début d'une spirale inéluctable...

L’Ami américain se situe pour Wim Wenders à l’exacte jonction entre ses grands films d’errances existentielles allemands (Alice dans les villes (1974), Faux mouvement (1975), Au fil du temps (1976)) et sa fascination pour l’imagerie/culture américaine de ses œuvres à venir comme Hammett (1982) et Paris, Texas (1984). Il s’attaque là à un genre, le thriller, et une autrice, Patricia Highsmith (adaptant Ripley s'amuse publié en 1970) auquel le cinéma américain a donné ses lettres de noblesse. Il transpose l’intrigue en Europe mais dresse quelques vignettes de panoramas urbains américains, comme ne prélude de son Hammett qui sera sa première vraie expérience outre-Atlantique.

L’écrin et l’intrigue se rattachent donc à cette influence américaine, mais le traitement emmène davantage le film sur le territoire de ses œuvres allemandes. Dans les romans de Patricia Highsmith mettant en scène le personnage de Tom Ripley Dennis Hopper), celui-ci est une figure ambivalente, un sociopathe capable du pire mais étant capable de surprenant élans de bonté. Wim Wenders s’attache davantage à cela et la relation ambiguë qu’il va nouer avec Jonathan Zimmerman (Bruno Ganz). Suite à une vexation somme tout anodine, Ripley laisse Zimmerman à la merci d’un piège implacable qui va en faire un meurtrier. Passé la première entrevue glaciale qui mène à ce guet-apens, les deux protagonistes se retrouvent et l’attitude chaleureuse de Zimmerman avive les regrets de Ripley qui va prendre tous les risques pour le sortir de ce mauvais pas.

Malgré quelques réels moments de tension (la traque dans le métro parisien), c’est ce rapprochement inattendu entre le bourreau et sa victime qui frappe. Zimmerman avait également méjugé Ripley quant à ses activités douteuses dans le monde de l’art, et va revoir son opinion. On a le sentiment qu’en dépit des problèmes dans lesquels leur attitude les entraîne, il y a comme une stimulation, une renaissance pour chacun dans cette association improbable. Wenders déleste Ripley de tout le passif connu des romans (au moment du film Patricia Highsmith avait consacré trois ouvrages à Tom Ripley) pour en faire une page blanche transfiguré par l’aura de Dennis Hopper. L’aura de mélancolie, solitude et folie douce que dégage l’acteur crédibilise tous les comportements contradictoires de Ripley. La nuance d’émotion que Hopper véhicule lors des échanges (en définitive pas si nombreux) avec Zimmerman suffit à faire deviner toute l’amertume et le manque de confiance en l’autre de Ripley, désamorcé par la bonhomie de son interlocuteur. 

Bruno Ganz est tout aussi convaincant, un peu trop prompt à accepter l’offre périlleuse qui lui est faite. Elle est supposée assurer l’avenir de sa famille mais paraît aussi exalter un présent terne soudainement devenu excitant par le danger. Wim Wenders l’exprime en étendant l’horizon de Zimmerman, passant de l’immobilisme dans son atelier étriqué à des pérégrinations dans le métro parisien, à une fenêtre sur les grands espaces durant le voyage e train. A l’inverse Ripley qui est associé à cette imagerie américaine dépaysante, fascinante et grandiose dès les premières minutes du film semble regagner son humanité en se réfugiant dans des cadres restreints, où il peut de nouveau gouter à des liens simples et amicaux – l’atelier de Zimmerman. 

C’est assez brillant la manière dont Wenders fait passer cela avec peu, un regard, un geste amical, une crise de fou rire suffisent à sceller le lien entre les héros sans excès de dialogues – et y compris quand Zimmerman comprendra le rôle de Ripley dans ses ennuis. Tout juste regrettera-t-on la relative quête de suspense final qui ne fonctionne pas complètement, Wenders ayant tellement désamorcé la veine thriller du récit qu’il paraît difficile de raccrocher les wagons sur l’aspect film de genre. L’Ami américain n’en reste pas moins un très beau film. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild side

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