Vivant sous l'emprise d'une mère oppressante, le jeune Wilhelm décide de partir à Bonn avec l'envie de devenir écrivain. Dans le train, il rencontre un ancien athlète olympique et sa compagne. Une actrice et un jeune homme les rejoignent. Dès lors, rien ne se passera comme prévu pour Wilhelm... 6 jours dans la vie d'un jeune homme, 6 jours pour décider de son avenir et se confronter à l'apprentissage de la réalité.
Faux mouvement est une œuvre qui creuse un des sillons thématiques fétiche de Wim Wenders celui de l’errance, géographique comme existentielle. Le réalisateur se plaît à détourner la simple attente de road-movie inhérente à ce sujet, surprenant à chaque fois le spectateur. Son précédent film Alice dans les villes (1974) travaille ainsi davantage ce principe d’errance sans but plutôt qu’une veine picaresque proche du contemporain La Barbe à papa de Peter Bogdanovich (1973) au sujet proche. Plus tard ce sera toute l’imagerie mythologique du western qui sera anesthésiée dans le magnifique Paris, Texas (1985). Le détournement est d’ici d’ordre littéraire pour Wim Wenders. Le film adapte très librement le roman Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Goethe, publié en 1802. Le livre était, comme son titre l’indique, un roman d’apprentissage voyant un jeune homme aux aspirations d’acteur parcourir le monde au sein d’une troupe de théâtre, faire l’expérience de l’amour et de la réalité sociale qui transformera sa vision jusque-là uniquement biaisée par le prisme des arts.
Faux mouvement reprend ce principe dans le cadre d’une Allemagne contemporaine. Cependant l’aspect candide du roman de Goethe s’estompe sur bien des points. Le Wilhelm (Rüdiger Vogler) n’est déjà plus si « jeune », en tout cas le jeune adulte curieux et avide du monde laisse place à un trentenaire torturé qui végète et est poussé à affronter l’extérieur par sa mère (Marianne Hoppe). Il rêve d’être écrivain sans parvenir à écrire une ligne, si ce n’est les réflexions existentielles qu’il couche sur son carnet intime. Toute la relecture de Wim Wenders tire vers l’épure et l’abstraction, à l’image des perspectives étriquée de son héros qui entame un périple plus modeste en train vers la ville de Bonn. Le contact du monde ne se fait plus via une troupe de théâtre, même si le principe d’excentriques qui vont accompagner Wilhelm perdure. Les compagnons de route forment un groupe d’artistes tout aussi usés et sans but que Wilhelm, la troupe de théâtre du livre devient la réunion d’inadaptés sans but pour Wenders. Tous les arts y sont tristement représentés avec une actrice solitaire (Hanna Schygulla), un musicien vieillissant (Hans Christian Blech), une adolescente acrobate mutique a(Nastassja Kinski dans son premier rôle) ou un poète en herbe (Peter Kern).La réunion des protagonistes ne suit aucune logique narrative classique, ce sont des âmes perdues qui auront su se reconnaître et décider de faire un bout de chemin ensemble. L’exaltation artistique tourne court durant les échanges entre eux où les meurtrissures passées pèsent davantage que les espérances futures – le passé d’athlète sous le régime nazi du musicien. L’errance nourrit leur mélancolie, dans l’oppressant cadre urbain des villes ou l’inquiétant vide des campagnes, de maisons abandonnées en appartement exigu de ville-dortoir. La passion est absente de cette longue marche, ou alors moralement discutable à travers l’ambiguïté de la relation entre Wilhelm, mais également le musicien, et l’adolescente Mignone (Nastassja Kinski adolescente mais déjà filmée comme objet de désir). C’est souvent fascinant mais ce côté creux recherché par Wenders finit néanmoins par lasser sur la longueur, ne trouvant pas le rebond formel, dramatique ou d’interprétation qui nous sortirait d’une torpeur certes totalement volontaire. Plus qu’un regard mélancolique sur le monde qui l’entoure, Wim Wenders lui tourne carrément le dos et ne croit plus en lui.
Sorti en dvd zone 2 français chez Bac Film
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire