Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
1941. Suite à l'assassinat d'un officier
allemand par un jeune militant communiste, Pierre Pucheu, le ministre de
l'Intérieur auquel les pleins pouvoirs viennent d'être attribués, tente
de faire voter une loi d'exception pour juger six autres militants...
Section spéciale s'inscrit dans le cycle des films politiques de Costa-Gavras où il est précédé par Z (1969), L'Aveu (1970) et État de siège
(1972). Contrairement à ces derniers où il prenait souvent des
contextes de fiction tout en s'inspirant d'évènement politiques de
l'époque ( le coup d'État instaurant la dictature des colonels en Grèce
pour Z,l'enlèvement de Dan Mitrione, agent
du FBI sous couverture de l'AID, par les Tupamaros en 1970), Section
spéciale prend un contexte historique bien réel et douloureux pour la
France. Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls (1969) et Lacombe Lucien de Louis Malle (1974) s'étant chargés entretemps d'effacer le mythe de
la France toute "résistante" durant l'occupation, le cinéma peut alors
s'attaquer aux nombreuses et méconnues injustices qui ont parcourues
cette période.
Dans Section spéciale il s'agira de
montrer le jugement et l'exécution arbitraire que réalisa le
gouvernement de Vichy afin de faire bonne figure auprès de l'occupant
allemand suite au meurtre d'un officier allemand par un jeune militant
communiste. Costa-Gavras se montre didactique et méthodique pour nous
montrer l'escalade des évènements. Ce sera tout d'abord la forme
d'improvisation de cet assassinant par les militants communistes, amenés
à être plus organisés par la suite quand ils contribueront à façonner
la Résistance - l'acte étant commis par le futur Colonel Fabien, figure
importante de la résistance. Ici c'est un élan de rage juvénile contre
l'occupant, mais dont on voit la lente maturation durant plusieurs
tentatives avortées où ils ne peuvent se résoudre à passer à l'acte,
puisque sous l'uniforme ennemi peuvent se trouver des hommes n'ayant pas
eu le choix. Tout violent et spontané que soit cet acte, il est
construit de manière à humaniser ses auteurs fougueux et inexpérimentés,
quand la réaction du gouvernement de Vichy se montrera bien plus
réfléchie et révoltante.
Costa-Gavras crée un paradoxe entre la gravité
des décisions et la petitesse de ceux qui les prennent avec une ironie
mordante. A l'image de ce Maréchal Pétain (simple présence vocale)
vieillissant ramené au pouvoir pour sauver la patrie, tous les membres
du gouvernement sont des croulants aux corps usés semblant là pour
effacer le souvenir de l'élan nouveau du Front Populaire. Les locaux
même de ce gouvernement trahissent cette petitesse, promiscuité et
consanguinité d'idées rances lors des réunions ministérielles où
différents éléments (enfants, animaux, bruits extérieurs) parasitent le
sérieux papal des discussions nauséabondes. Dans ce contexte, c'est le
nouveau ministre de l'intérieur Pucheu (Michael Lonsdale), plus jeune et
soumis aux allemands qui mène la danse. Le crime ne fait l'objet
d'aucune enquête, et sert juste de prétexte à montrer allégeance aux
allemands en prenant une décision radicale qu'ils n'ont pas réclamés –
et dont la virulence les surprend. On choisira six militants déjà
emprisonnés au moment des faits afin de les condamner à mort pour
l'exemple.
Costa-Gavras montre minutieusement les acrobaties législatives se mettre
en place pour concevoir une loi rétroactive permettant un jugement et
une exécution immédiate. On voit certes quelques ténors s'opposer au
procédé (le garde des sceau Joseph Barthélemy (Louis Seigner), certains
magistrats contactés pour exécuter le jugement), mais la "raison d'état"
est la plus forte et la machine est en marche. Toute cette première
partie est passionnante mais pourrait logiquement sembler un peu froide
avec ses discussions de cabinets, ses intrigues de palais. C'est après
que Costa-Gavras vient nous cueillir avec les révoltantes scènes de
procès. La liste des accusés oscille entre communistes plus en odeur de
sainteté depuis la fin du Pacte germano-soviétique, et les juifs
pestiférés désignés depuis longtemps.
Le ridicule de certaine accusation
se conjugue à la caractérisation rapide mais puissante des prévenus
impuissants face à leur sort, que Costa-Gavras met en place par de
petits flashbacks qui les humanise profondément au-delà de leur statut
de victime. Yves Robert et sa jeunesse difficile semble condamné par
déterminisme social, le juif naturalisé français (Jacques Rispal)
symbole d'une France terre d'accueil qui n'existe plus. Même dans de
courtes apparitions, le casting fait mouche notamment un Bruno Crémer
magistral quand il dénonce l'imposture du procès, Jacques Perrin avocat
sidéré par l'arbitraire du procès et un génialement détestable Claude
Pieplu en juge partisan. Le propos est des plus cinglant, renforcé par
une dernière scène d'une noirceur et ironie rare. Le film fait vraiment
l'effet d'un coup de poing, d'autant que les acteurs de cette mascarade
n'ont pas (hormis Pierre Pucheu) été inquiété après la libération.
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