Return the Oz vient, après Les Yeux de la forêt de John Hough (1980), La Foire des ténèbres de Jack Clayton (1981)Le Dragon du lac de feu de Matthew Robbins (1981), et quelques semaines avant Taram et le chaudron magique (1985), briser avec fracas les velléités de Disney d'orienter ses productions vers une tonalité plus adulte et novatrice. Le film se veut une suite officieuse au classique Le Magicien d'Oz de Victor Fleming (1939), lui-même adapté du roman de L. Frank Baum. Le studio Disney lorgne sur l'univers de l'auteur dès les années 50 lorsqu'il en achètera les droits et produira en 1954 Rainbow Road to Oz, production live basée sur les travaux suivants de Baum dans l'univers de Oz et qui restera inachevée. Au début des années 80, une partie de l'œuvre de Baum est tombée dans le domaine public et Walter Murch (célèbre pour son travail de monteur et de mixage sonore) suggère à Disney de retenter d'en tirer un film live qui serait sa première réalisation. Le film se base sur les deux suites littéraires directes du Magicien d'Oz, Le Merveilleux Pays d'Oz (paru en 1904) et Ozma, la princesse d'Oz (paru en 1907), tout en empruntant aux nombreux récits mineurs se déroulant dans le monde de Oz que Baum écrivit les années suivantes - le personnage de Tik-Tok vient ainsi de Tik-Tok of Oz publié en 1914, roman lui-même remanié d'une adaptation théâtrale de Ozma, la princesse d'Oz. Toutes ces sources servent à revisiter de façon nouvelle le matériau originel mais pour des raisons commerciales évidente, la parenté avec le film de Fleming doit être entretenue aux yeux du grand public. Ainsi le studio MGM producteur du film original touchera malgré tous des droits pour l'utilisation des souliers rouges de Dorothy, spécificité du premier film alors qu'il s'agissait de souliers argentés dans le roman.Le film débute quelques semaines après la fin du premier opus, avec une Dorothy (Fairuza Balk) de retour au Kansas mais toujours pas remises de ses extraordinaires aventures au pays d'Oz dont elle abreuve son oncle (Matt Clark) et sa tante (Piper Laurie). Ces derniers inquiets décident de la confier à un institut psychiatrique. On retrouve dans ce film le même "problème" que les autres productions Disney des années 80, un déséquilibre entre la candeur (et pas niaiserie) que le studio a toujours eu et une noirceur là aussi pas nouvelle mais habilement dosé dans les thèmes et l'imagerie des films. Ici le seul et unique facteur de cette candeur est le personnage de Dorothy, interprétée par une Fairuza Balk parfaite, toujours naïve et enjouée dans ses interactions, ses pérégrinations, face à des protagonistes et dans un environnement inquiétant. Le mal est même plus profond que dans les autres productions puisque celles-ci se basent sur des matériaux explicitement plus matures qu'il a fallu diluer -sans succès - à la sauce Disney (le roman de Ray Bradbury pour La Foire des ténèbres, celui de Florence Engel Randall sur Les Yeux de la forêt) alors que Return to Oz paraît lui exacerber cette noirceur par rapport au souvenir du film de 1939. Ce sont pourtant les mêmes éléments que ce dernier, Oz pouvant autant être une échappée mentale qu'un vrai monde parallèle féérique, les acolytes étant des variations exacerbées de réelles connaissances de Dorothy. Cependant cela restait sous-jacent, repérable pour le spectateur adulte quand les plus jeunes pouvaient se laisser happer pas l'émerveillement. Walter Murch au contraire introduit d'emblée cet élément psychanalytique et fait de ce retour à Oz une échappatoire à l'horreur d'un réel où Dorothy s'apprête à subir une séance d'électrochocs pour la guérir de ses lubies. Si l'esthétique du Magicien d'Oz était le prolongement bariolé et imaginaire du Kansas bienveillant de Dorothy, celle de Return to Oz doit refléter cet imaginaire qu'on lui refuse désormais - la perte des chaussures rouges signifiant son incapacité à séparer les deux mondes. Tout ce ne sera donc que désolation, atmosphères inquiétantes et des acolytes qui relèvent tous de désordres mentaux (Tik-Tok entre sénilité et Alzheimer, Jack Potiron adulte attardé mental...), tout comme certains antagonistes d'ailleurs avec l'infirmière Wilson (Jean Marsh) qui devient la reine Mombi dont les multiples têtes prolongent l'asile psychiatrique et le thème de la schizophrénie. Walter Murch déploie un une imagerie foisonnante qui sublime tous les trucages visuels de l'époque avec inventivité, stop-motion, matte-painting, animatroniques, pour des moments au mieux surréalistes, au pire réellement cauchemardesques, mais rarement féériques (si ce n'est la toute fin) ce qui provoquera les frayeurs ou pire la désertion du jeune public visé - une approche dans l'ère du temps puisque même hors Disney, Alice au pays des merveilles recevra un traitement tout aussi singulier dans Dreamchild de Gavin Millar (1985).
Une fois accepté ce statut de film malade, les grands moments ne manquent pas comme cette scène de folie pure qu'est le réveil hystérique des multiples têtes enfermées de Mombi, et la traque du corps justement sans tête de cette dernière. L'apparition finale du roi des gnomes (Nicol Williamson) est particulièrement impressionnante aussi, la mise en scène de Walter Murch apportant la bizarrerie, le gigantisme et (déformation professionnelle) le travail sonore adéquat pour offrir la sidération voulue. La très belle conclusion marque le passage à l'âge adulte de Dorothy , qui sait désormais faire de Oz (réel ou imaginaire) un jardin secret où elle peut aller et venir à sa guise,tout cela passant par une multitude de symboliques - la maison reconstruite comme métaphore de sa psyché apaisée, le miroir montrant l'équilibre entre son moi intime et celui au contact des autres.
Sorti en dvd zone 2 français chez Disney et également disponible sur la plateforme Disney+
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