Une famille ordinaire américaine, les Keller, après la Seconde guerre mondiale. Ils avaient deux fils, tous deux partis combattre, et l'un d'eux, Tom, a disparu pendant le conflit. Bien que Chris, le fils survivant, et Joe, le père, soient persuadés de la mort de Tom, la mère, Kate, s'obstine à attendre son retour.
Ils étaient tous mes fils est l'adaptation d’une pièce à succès d'Arthur Miller jouée en 1946 et dont Hollywood s'empare alors que sa carrière scénique se poursuit encore. Le film s'inscrit dans ce court créneau entre l'immédiat après-guerre et le début de la Guerre de Corée (et l'instauration de la guerre froide) où certaines œuvres montrent les pendants sombres du conflit au sein de la population ou le corps de l'armée, comme Feux croisés d'Edward Dmytryk (1947) évoquant l'antisémitisme dans l'armée américaine. Ils étaient tous mes fils dressent les conséquences du conflit à l'échelle intime et collective des Etats-Unis, bien symbolisé par le titre. Un traumatisme plane ainsi sur la famille Keller avec la disparition tragique du fils aîné Larry, que sa mère (Mady Christians) n'accepte pas et attends toujours le retour puisque son corps n'a jamais été retrouvé. Une faute publique hante quant à elle le père (Edward G. Robinson), entrepreneur accusé quelques années plus tôt d'avoir livré des pièces défectueuses à l'armée américaine et qui a déchargé la faute sur son partenaire (Frank Conroy) désormais en prison. Ces deux tragédies pèsent désormais sur le fils survivant Chris (Burt Lancaster) et Ann (Louisa Horton), fille du partenaire emprisonné qui s'aiment et veulent se marier. L'apaisement du présent repose ainsi sur une double acceptation du passé, celle de la disparition de Larry et celle de la possible responsabilité du père dans l'affaire judiciaire - les deux étant peut-être liées. L'interprétation est puissante à travers tous ces personnages s'aimant sincèrement, mais déchirés par le poids du secret. Une des scènes les plus intense est à ce titre celle où le frère d'Ann (Howard Duff), nourrissant un profond ressentiment envers les Keller, se laisse malgré tout adoucir auprès de cette famille qui l'a en partie élevé avant que la suspicion reprenne le dessus. C'est un des premiers grands rôles de Burt Lancaster qui marque ici par ce décalage entre sa carrure imposante et sa sensibilité à fleur de peau, notamment dans la relation père/fils face à un Edward G. Robinson jouant de sa gouaille et son charisme.La faconde de ce dernier rend à la fois inconcevable et possible l'acte dont on le soupçonne et Robinson amène toute la malice et l'autorité de ses rôles de gangsters pour semer le doute. Formellement Irving Reis se contente d'être l'illustrateur un peu neutre de la pièce mais la magnifique photo noir et blanc de Russell Metty brode des atmosphères stylisées envoutantes, que ce soient les amours secrètes et torturées de Chris et Ann ou les jeux d'ombres qui traduisent le climat de secret et l'ambiguïté des personnages. La conclusion particulièrement intense et dramatique est des plus marquante, achevant de faire du film un récit à cheval sur la problématique du deuil et la remise en cause des préceptes de l'American way of life.
Sorti en bluray franaçsi chez Elephant Films
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