Gérard, un docker, est obsédé par sa recherche de l'homme qui viola sa sœur, provoquant le suicide de cette dernière. Sa quête lui fait rencontrer la riche Loretta, dont il tombe amoureux au point d'oublier sa maîtresse Bella. Jalouse, cette dernière tente de le faire tuer. Gérard en réchappe et retourne à son obsession, oubliant les deux femmes.
Après le succès de l'inaugural Diva, La lune dans le caniveau est pour Jean-Jacques Beineix l'occasion de transformer l'essai dans un second film ambitieux. Il s'agit d'une adaptation du roman éponyme de David Goodis, bénéficiant de moyens conséquents, d'un casting prestigieux et d'un tournage dans les prestigieux studios italiens de Cinecitta. La Lune dans le caniveau confirme les qualités formelles de Diva mais aussi et surtout ses nombreuses failles narratives. On a beaucoup reproché à l'époque à Beineix, Luc Besson ou à leurs contemporains britanniques également venus de la publicité une esthétique justement chiadée, maniérée, publicitaire et clippesque. Un reproche parfois injuste mais qui s'applique malheureusement au film de Beineix où tout ce qui tient de la narration, la caractérisation et la progression dramatique est sacrifié sur l'autel d'un formalisme certes souvent somptueux (très marqué 80's avis aux allergiques) mais tournant à vide. Les prémices sont pourtant prenant avec ce héros déchiré entre deux femmes, deux milieux sociaux et par une profonde culpabilité et instinct de vengeance après le suicide de sa sœur. Beineix ouvre sur une hypnotique et haletante scène de meurtre sous influence giallo se terminant sur une image mémorable qui donne son titre au film. Par la suite le réalisateur tisse des atmosphères stylisées et hors du temps avec ce cadre portuaire interlope où les différentes communautés irriguent le design de cette ruelle reconstituée, les figurants bariolés. Chaque protagoniste est introduit avec des effets marqués, papier glacé fascinant pour Nastassja Kinski (tout en symbolique entre la pureté de sa robe blanche et le stupre de sa voiture rouge), volcanique et jalousie de femme-enfant avec Victoria Abril. Gérard Depardieu est cependant le seul à parvenir à une certaine profondeur au-delà du maniérisme de Beineix qui devient de plus en plus vain. Les mystères et les questionnements initiaux sont noyés dans des longueurs interminables fait de couchers de soleil, ruptures oniriques et sérieuses fautes de goût dans l'interprétation (les séquences grotesques des prostituées de bar). On sent que l'on baigne dans un vrai moment formel qui renvoie à des productions contemporaines plus réussies comme Blade Runner mais Beineix ne semble vouloir répondre à la concurrence que par le visuel sans que le film fasse un tout prenant. La Lune dans le caniveau n'est pas assez ouvertement expérimental pour pardonner ses failles narratives, et trop poussif pour constituer un spectacle accessible. Il n'en conserve pas moins un vrai pouvoir de fascination dans ses meilleurs moments mais ses manques le figent en curiosité de son époque.
Sorti en dvd zone 2 français chez M6 Vidéo
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