Tread Softly Stranger est un film noir qui s’équilibre habilement entre ancrage social typiquement anglais, fatalité et stylisation typique du genre, ainsi qu’une sensualité teintée de glamour amenée par la présence de Diana Dors en femme fatale. On quitte rapidement l’urbanité et les bas-fonds londoniens lorsque Johnny (George Baker), jeune viveur, est contraint de retourner dans sa province de Rawborough pour échapper à des dettes de jeu.
Si pour Johnny c’est l’éloignement géographique qui lui a fait surmonter la grisaille de sa ville natale, son frère Dave (Terence Morgan) s’est offert cette échappée par procuration en séduisant la belle Calico (Diana Dors). Revenu habiter avec son frère, Johnny qui en a vu d’autres, remarque bien vite que la relation est à sens unique et que Dave vit au-dessus de ses moyens pour satisfaire Calico. Au point de voler dans les caisses de l’usine dans laquelle il est employé, pétrin duquel Johnny va s’employer à le sortir mais rien ne va se dérouler comme prévu.Gordon Parry prend le temps d’introduire l’horizon modeste de cette cité industrielle de province, et de présenter ceux qui acceptent humblement d’accepter le meilleur que peut offrir cette existence comme l’ami d’enfance Paddy (Patrick Allen), sa fiancée Sylvia (Jane Griffiths) et son père Ryan (Joseph Tomelty). Johnny semble revenu lucidement de ses illusions quand Dave voit la réalité le rattraper par la possible découverte de ses vols. L’arrière-plan restreint de la ville (usine, bal dansant, pub) rejoint le cadre intime de la chambre partagé par les frères, et la tentation repose sur le vis-à-vis de l’appartement de Calico. Assez paradoxalement, le personnage le plus caricatural est le cadet Dave, être faible cédant à toutes les tentations et se laissant déborder pour le pire par ses émotions. Calico sous les traits et formes voluptueuses de Diana Dors transcende cette caractérisation de femme fatale progressivement, notamment par un poignant monologue final où elle dépeint son passé difficile et la découverte précoce de sa beauté comme moyen d’échapper à sa condition. Dès lors chaque écueil rencontré par les personnages repose à la fois sur une fatalité de film noir, mais aussi un déterminisme social à tristement toujours prendre la mauvaise décision. Le raccourci permanent que recherchent Dave et Calico pour satisfaire leurs désirs charnels comme matériels est une impasse fatale, reposant sur la pulsion plutôt que la réflexion. Johnny, incarné par un très charismatique George Baxter, malgré son sang-froid, recul, et degré de réflexion supérieur, ne s’en sort guère mieux, entraîné vers le fond par ses acolytes. La réalisation de Parry, assez sobre dans l’enfance, sait malgré tout s’offrir de saisissants moments expressionnistes et sensuels. La rencontre impromptue d’un témoin gênant lors d’une scène de fuite marque par la puissance de son gros plan sur le visage parcheminé et inquiétant d’un vieillard, magnifié par la photo de Douglas Slocombe. L’ambiguïté entre sentiments, séduction et pur attrait physique domine aussi les apparitions de Diana Dors. Simple silhouette attrayante lorsque Johnny la reluque de dos alors qu’elle fait de l’exercice, elle se fait vénéneuse lorsqu’elle toise le héros de son regard de braise tout juste vêtue d’une chemise de nuit plus tard. Mais ce trio (avec un bémol sur l’interprétation de Terence Morgan) est ainsi déchiré entre pulsions charnelles, rêves de luxe et authenticité, aboutissant à un romantisme inattendu dans sa dernière partie. Malgré un ultime rebondissement un peu tiré par les cheveux, c’est donc un film noir prenant et tendu, tout en misant sur l’humain plutôt que les effets - toute proportion gardées, cela ressemble à un mélange de film noir et de néoréalisme italien.Sorti en dvd anglais sans sous-titres
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