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lundi 26 septembre 2016

Wet woman in the wind - Kaze ni nureta onna, Akihiko Shiota (2016)

Kosuke qui a décidé de vivre en ermite au fond d’une forêt, se retrouve harcelé par Shiori, une jeune fille envahissante qui ne veut plus le quitter.

Wet Woman In The Wind s’inscrit dans le projet revival de la Nikkatsu souhaitant relancer la glorieuse collection des Roman Porno qui firent le succès du studio dans les 70’s. Cette tentative demandait cependant une vraie réinvention puisque la problématique n’est plus tout à fait la même qu’à l’époque. Les pinku eiga d’alors étaient de purs produits d’exploitation à la seule visée rentable, ce virage des studios vers l’érotisme étant à l’origine une tentative désespérée de juguler les pertes dues à la concurrence de la télévision. Les choix des réalisateurs se faisaient soit auprès de techniciens habiles ou de débutants ne rejetant pas ce matériau pour se lancer. La tenue formelle et constante, aujourd’hui stupéfiante, des films se situait en fait dans les standards techniques des studios dont les équipes étaient restées les même qu’à l’époque où se produisaient des œuvres plus « nobles ». Les réalisateurs les plus doués tels Noboru Tanaka, Masaru Konuma, Norifumi Suzuki ou Tatsumi Kumashiro surent imposer une esthétique, un propos social et des velléités féministes dans leurs œuvres tout en assurant le quota d’érotisme attendu par leurs producteurs. Ces exceptions ne doivent cependant pas faire oublier que, pour la plupart, les Roman Porno Nikkatsu comme les pinku de la Toei offraient via la sexualité une vision dégénérée de la société japonaise exacerbant le rapport dominant/dominé où le viol et les perversions avilissantes étaient la norme pour les femmes. Ces tendances demeurent d’ailleurs dans le cinéma érotique japonais contemporain plus à la marge comme le V-Cinéma.

La Nikkatsu ne semble pas dans la même démarche en ressuscitant la collection puisqu’elle a fait appel à des réalisateurs à forte personnalité tels que Sono Sion avec Antiporno, ou un vieux routier du cinéma indépendant japonais comme Akihiko Shiota pour ce Wet Woman In The Wind, tous deux ayant carte blanche tant que la contrainte érotique est respectée. Wet Woman In The Wind renverse le motif bien connu du stalker sexuel, classique de quelques Roman Porno tendancieux (Le Violeur à la rose (1977) et Harcelée de Yasuharu Hasebe (1978)) en le faisant incarner cette fois par une jeune femme. Shiori (Yuki Mamiya) poursuit ainsi de ses assiduités agressives Kosuke (Tasuku Nagaoka), un homme s’étant retiré de la civilisation pour vivre en ermite dans la forêt. L’une des raisons de cet isolement est de fuir les femmes, projet bien mal engagé au vu des assauts décomplexés de la belle Shiori. Cet aspect stalker au féminin endosse une dimension surnaturelle avec la présence quasi omnisciente de Shiori, s’immisçant dans l’intimité et le quotidien de Kosuke de manière toujours plus inattendue. La scène d’ouverture donne le ton, l’image paisible de Kosuke se reposant sur la berge d’un port étant interrompue par l’absurde lorsque Shiori surgit à vélo et s’enfonce dans la mer. L’indifférence de Kosuke face à son corps trempé et ses formes saillantes lance le schéma de harcèlement déjanté et ludique.

L’attitude de Shiori semble construite pour tourmenter les hommes et s’adapter à leurs travers. Serveuse dans un restaurant local, elle ne semble subir les assauts du patron que pour mieux le laisser démuni en jetant son dévolu sur un autre. A l’inverse, Kosuke rejetant les femmes et le sexe voit sa libido dangereusement titillée par Shiori s’introduisant dans sa cabane pour coucher avec ses amants de passage. La « pureté » de Kosuke sera mise à mal lorsqu’on en saura plus sur son passé de séducteur et, enfin prêt à posséder Shiori, il sera à son tour rejeté par celle-ci, bien décidée à mener le jeu jusqu’au bout. Le duel va se développer dans la théâtralité, en fait comme un affrontement entre le théâtre et le cinéma. Kosuke trouve un intérêt initial chez Shiori lorsque celle-ci affirme vouloir être actrice. Il peut ainsi retrouver son statut de mâle dominant à travers son ancien métier de metteur en scène, harcelant Shiori d’exercices de jeu qui la rendent plus vulnérable. La caméra de Shiota Akihiko resserre alors l’espace entre les deux personnages comme sur une scène de théâtre et tourne autour d’eux tandis que Kosuke reprend le pouvoir, physique et psychologique, en dictant ses consignes de jeu à Shiori. Fort de cet échange, Kosuke renoue progressivement avec un mépris intellectuel et machiste lorsque Shiori resurgit alors qu’il accueille une amante et partenaire de théâtre. Là encore, le réalisateur transforme la situation en faisant de son héroïne une graine de discorde dont l’agressivité sexuelle et le sens de l’improvisation font basculer l’ordre établi. 

Une répétition de théâtre maladroite prend ainsi un tour plus lascif, une fois de plus traduit par la mise en scène se faisant chaotique, l’image désaturée signifiant l’émergence d’une autre réalité. Lorsque le côté masculin et abusif du Roman Porno resurgit, ce n’est plus pour susciter l’excitation mais pour souligner les mauvais penchants de Kosuke – quand il abuse de la jeune secrétaire de la troupe de théâtre puis la rejette. Shiori, par son attitude, souligne une forme de supériorité féminine, supplantant Kosuke en tant qu’amante et en exposant l’hypocrisie de sa retraite chaste. Le mélange d’arrogance et de frénésie sexuelle de Shiori sont superbement soulignées par la prestation incandescente de Yuki Mamiya. Lors de l’ultime et très intense coït, les murs de la cabane s’effondrent sous les étreintes des amants. Une manière de faire tomber le machisme pour célébrer une héroïne dominatrice et sûre de son désir, ou faire basculer l’univers du théâtre vers celui du cinéma en étendant la « scène » vers un monde plus libre. Un monde où l’homme est désormais sans repères, à l’image de la conclusion cinglante faisant le triomphe de Shiori.

Projeté récemment à L'étrange festival, encore inédit en France

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