Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 1 février 2021

Expect the unexpected - Fai seung dat yin, Patrick Yau (1998)

Trois malfrats maladroits débarquent de Chine pour braquer une bijouterie. Leur plan dérape et ils se réfugient par hasard dans le même immeuble où se planque une bande de dangereux criminels pistés par l’inspecteur Ken et son équipe. Mandy, la serveuse du café en face, devient le témoin principal.

Expect the Unexpected s’inscrit dans la démarche de déconstruction du polar au cœur des premières années d’existence de la Milkyway, la société de production de Johnnie To. Fondée en 1997 par Johnnie To et Wai Ka-fai, Milkyway est à ses débuts un vaste terrain d’expérimentation où la quête de réussite commercial s’équilibre avec une volonté de révéler de nouveaux talents. C’est dans cette démarche qu’en 1998, la compagnie va produire trois films qui vont contribuer à définir l’identité thématique et esthétique de Milkyway et déconstruire certains éléments du polar et plus spécifiquement hongkongais. Il s’agit de A Hero Never Dies de Johnnie To, The Longest nite et Expect the Unexpected de Patrick Yau qui chacun amènent une épure, une atmosphère et stylisation sortant des codes du cinéma de la péninsule, notamment le polar héroïque popularisé par John Woo. 

Expect the Unexpected se distingue par ses ruptures de ton entre pure dimension hard-boiled et une surprenante tonalité soap opera. C’est présent dès l’ouverture où le trivial côtoie la tension, lorsque la serveuse Mandy (YoYo Mung) s’extasie devant l’interview de Ken (Simon Yam) à la télévision tandis qu’en parallèle vont s’amorcer hold-up, course-poursuite et fusillade. La surprise c’est que c’est cette facette soap qui domine dans la caractérisation de l’équipe policière, et plus particulièrement le triangle amoureux entre Mandy, Ken et le goguenard Sam (Lau Ching-wan). Les apartés triviaux fait de discussions plus ou moins futiles sur les vies et aspirations sentimentales des uns et des autres traversent l’enquête policière et finissent par davantage intéresser le spectateur. La piqûre de rappel intervient cependant avec les morceaux de bravoures nerveux et les méfaits particulièrement brutaux des criminels que traquent nos héros. La proximité avec les personnages est renforcée dans cette veine, mais finalement aussi la crainte que l’on a pour eux face à ses sursauts de violence. Cela constitue de terrible retour au réel pour les protagonistes tant pour leurs propres vies que pour les victimes collatérales avec des éléments crus et éprouvants (viols, mort d’un bébé…).

Le film avec A Hero Never Dies et The Longest nite façonne la future famille d’habitués des productions Milkyway avec Simon Yam, Lau Ching-wan et surtout Lam Suet, petite main de l’ombre qui s’impose là en tant que second rôle de génie. Expect the Unexpected définit donc le ton de film choral qui sera à l’œuvre dans les grands films à venir tel The Mission (1999), PTU (2002), Election 1 et 2 (2005 et 2006) ou Exiled (2008). On connaît les soubresauts qui agitèrent certaines productions des premières années de Milkyway comme The Longest nite dont Johnnie To revendiqua la paternité au détriment de Patrick Yau qu’il avait pourtant recruté après leur collaboration à la télévision. 

Du coup dans Expect the Unexpected on retrouve la virtuosité de To pour gérer l’action en espace restreint, qu’il soit clos ou abandonné (l’immeuble d’ouverture, les deux interpellations motorisées aux issues différentes). Cependant la caractérisation ne fonctionne pas sur le seul style, la posture, le gimmick et des vides que le spectateur a à remplir comme chez To. Là il y a toute une vie, une gamme d’émotion et d’espérances (notamment amoureuse) très concrètes qui se devinent par un regard, un dialogue à double sens ou un comportement contradictoire. 

L’amour secret de Marcy (Ruby Wong) pour un collègue, Sam jouant les entremetteurs pour celle dont il est amoureux sont des éléments qui créent un espace de vie plus grand que ce qui est juste montré à l’écran. Cela passera par le dialogue mais aussi la seule image, comme Ken voyant son gilet criblé de balle et réfléchissant à sa vie ne tenant qu’à un fil pour dans la scène suivante tenter sa chance amoureuse – alors qu’il était initialement si froid. On peut alors se demander si cette sécheresse moins prononcée ne viendrait peut-être pas aussi de Patrick Yau (qui retournera à l’anonymat de la télévision après ses démêlées avec To) malgré les déclarations de To. Toujours est-il qu’entre les montées de tension du polar et les hasards de la vie qu’il sait faire exister pour ses personnages, Expect the Unexpected tient les promesses de son titre jusqu’au bout

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Spectrum Films

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