Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 1 août 2022

Bilbao - Bigas Luna (1978)


 Leo vit avec une ancienne actrice, Maria, qui est aussi la maitresse de l'oncle de Leo, lequel pourvoit a leurs besoins. Leo rencontre ''Bilbao'', une prostituée stripteaseuse qui va bientôt l'obséder au point qu'il cherche a en faire son jouet...

Bilbao forme avec Tatuaje sorti en cette même année 1978 un coup double qui lance la carrière cinématographique de Bigas Luna. Avant cette incursion dans le cinéma, Bigas Luna après des études de sciences économiques aura avant tout navigué dans le monde des arts. Sa première passion est la peinture (dans laquelle il se replongera ponctuellement au gré des remous de sa carrière de réalisateur) avant de s'intéresser à l’architecture d’intérieur mais aussi à l’art conceptuel, le plaçant au cœur des avant-garde d'alors et le voyant exposé dans des galeries d'arts à Barcelone ou à Londres.

Tout cela fait du Bigas Luna des débuts un pur plasticien dont les thèmes et obsessions passeront avant tout par un travail plastique, un sens de l'atmosphère et du sensitif plutôt qu'une narration et caractérisation de personnages classiques. Ce sera le cas dans le suivant Caniche (1979) et donc dans ce Bilbao mal aimable à souhait, délesté de tout l'écrin sensuel et chatoyant qui feront bien mieux passer les provocations de ses classiques à venir comme Les Vies de Loulou (1990), Jambon, jambon (1992), Macho (1994) ou La Lune et le téton (1995).

Bilbao s'inscrit donc dans cette veine plus austère en partie sous l'influence de l’École de Barcelone, courant-cinématographique avant-gardiste auquel appartient Bigas Luna qui va là surfer sur le vent de liberté que fait souffler la mort de Franco en (1975). Tout le film adopte de façon clinique le point de vue Leo (Angel Jove), un homme solitaire vivant sous la coupe de sa famille et plus particulière de (ce qu'on suppose être) sa tante Maria avec laquelle il entretient des relations incestueuses. Sa seule oasis s'incarne à travers Bilbao ( Isabel Pisano), une plantureuse et provocante prostituée stripteaseuse qu'il traque sans relâche. Une bonne partie du film réside dans les pérégrinations urbaines où Leo épie Bilbao à travers la ville. Cette "filature" passe par la rue où Bilbao racole, les clubs louches où elle danse devant une assemblée masculine sinistre et libidineuse, le métro et le bus, au point que son emploi du temps quotidien n'aura bientôt plus de secret pour Leo. 

Le film met constamment mal à l'aise en endossant ce point de vue voyeuriste, renforcé le grain de l'image (un relent d'avant-garde new-yorkaise plane sur le film), la froideur et le minimalisme du récit. Il n'y a pas ou peu de dialogue si ce n'est le long monologue de Leo ressassant maladivement son obsession, les rares moments où il ne traque pas Bilbao nous informant à la fois sur son imaginaire retors mais aussi sa vie particulièrement sinistre au côté de Maria qu'il ne supporte plus. Le côté fétichiste et obsessionnel du personnage s'illustre dans les films érotiques qu'il regarde compulsivement, le travail de plasticien qu'il effectue entre photo, collage et découpages dans lequel il cherche à fondre Bilbao.

Bientôt l'obsession se fait plus pressante, les regards lointains et les substituts "artistiques" ne suffisent plus, il "doit" posséder Bilbao. Il ne s'agit pas d'une simple possession sexuelle puisqu'il suffirait de se présenter à elle comme client pour au moins avoir une promiscuité physique (ce qui arrivera mais le laissera tétanisé) mais qu'elle soit véritablement une marionnette soumise et à la merci de ses fantasmes les plus fous. Les films sur ce sujet d'un homme séquestrant une femme pour en faire le jouet de ses désirs n'est à l'époque plus si novateur et a déjà donné son lot de films fous et dérangeants comme L'Obsédé de William Wyler (1965), La Prisonnière d'Henri-Georges Clouzot (1968) ou encore La Bête aveugle de Yasuzo Masumura (1969). Bigas Luna se distingue par sa tonalité glaciale et déshumanisée, mais surtout par une approche assez stupéfiante de frontalité dans les scènes de sexe. 

Rien ne nous est épargné de l'incroyable appétit qu'à Leo du corps de Bilbao, de la satisfaction qu'il éprouve à l'avoir à sa merci et des sévices qu'il lui inflige dont une longue scène où il lui rase le pubis - traitement auquel devra se soumettre l'actrice Isabel Pisano qui n'est pas doublé et eut de grande appréhension sur le tournage. Là encore, Bigas Luna garde une distance froide qui déleste tous ces moments de la moindre sensualité (contrairement aux films voisins sur le sujet évoqué plus haut) pour nous faire simplement partager le regard d'un esprit dément. C'est inconfortable à souhait, austère, tout en finissant par étendre ce mal bien au-delà de la seule psyché dérangée d'un individu. Tout Bigas Luna est déjà là, à nu et regardant nos désirs et notre monstruosité droit dans les yeux.

Sorti en bluray et dvd espagnol chez Mercury Films et doté de sous-titres anglais 

 Extrait

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