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vendredi 8 avril 2022

Caniche - Bigas Luna (1979)


 Angel et sa sœur Eloisa vivent dans une grande maison héritée d'une vieille tante récemment décédée. Petit à petit, une étrange relation se met en place entre eux deux et Dani, un caniche un peu trop présent...

Troisième film de Bigas Luna, Caniche démontre dès ses débuts plus méconnus le sens du malaise et de la provocation du réalisateur. Par son ambiance austère et oppressant, Caniche se déleste même du côté érotique et chatoyant qui pouvait donner un certain attrait à ses classiques à venir malgré les écarts comme Les Vies de Loulou (1990) ou la trilogie ibérique (Jambon, jambon (1992), Macho (1993) et La Lune et le téton (1994)). La monstruosité ordinaire se montre ici sous son jour le plus cru. Angel (Àngel Jové) et Eloisa (Consol Tura ) sont deux frères et sœur vivant misérablement en espérant de jours meilleurs avec le décès imminent d'une vieille tante sénile et démente. En attendant c'est la sinistrose, la solitude et la misère sexuelle qui guide le quotidien de la fratrie qui a des manières très suspectes de la combler. Eloisa reporte son affection sur son caniche Dany, objet de toutes les attentions, l'accompagnant en tout lieu. Angel lui aussi semble nourrir un certain attachement pour les chiens, en général plutôt des molosses errants qu'il se plaît à traquer et à ramener dans leur sordide demeure. 

Bigas Luna manie avec brio l'explicite et l'implicite dans les situations ambigües à travers sa mise en scène qui nous laisse entrevoir le pire. Les cabots recueillis par Angel s'avèrent ainsi invisibles le lendemain de leur arrivée tandis que le réfrigérateur se trouve à chaque fois bien garni en viande qu'Eloisa prépare avec amour pour son cher Dany. Le caniche si choyé s'avère pourtant fort apeuré et cherche souvent à s'enfuir de la maison, comme si son instinct animal lui indiquait l'horreur en sourdine. C'est d'ailleurs assez remarquable comment la direction et le filmage du caniche participe au malaise, les feulements et regard apeuré, les réactions vive dès que Angel le touche, tout cela contribuant à nous donner des indices. Tant que les personnages survivent dans la pauvreté, nous restons dans un relatif non-dit malgré quelques moments chocs notamment une proximité pour le moins inattendue entre Eloisa et Dany.

Lorsque l'héritage tant attendu arrive avec le décès de la tante, le malaise s'expose peu à peu plus crûment. Alors que les tares étaient contenues et cachée des regards dans la fange de la pauvreté, elle e révèle dans l'éclat du luxe. Pour nous signifier que seul le vernis a changé, Bigas Luna travaille une forme de mimétisme dans la gestuelle, les habitudes et espaces traversés par les personnages. Eloisa passe de leur cuisine crasseuse à une autre dernier cri, Angel vidait une piscine insalubre où se noyait les rats pour en arpenter une autre à l'eau immaculée, le tout selon les mêmes angles de prises de vues que la première partie. Les habitudes et désirs pervers demeurent, mais élevés par ce nouveau statut social où la race canine est toujours au centre des préoccupations puisque la fratrie compte investir dans un cimetière de chien. Le lien au chien, au sexe et à la mort est posé et les éléments tapis dans l'ombre auparavant se révèlent pour la déchéance des protagonistes. Déjà jaloux de Dany, Angel se morfond maintenant que sa sœur désormais riche et apprêtée attire l'attention d'autres hommes. S'il faut être un chien pour attirer susciter sa tendresse, il est prêt à régresser. Ce n'est plus seulement l'ombre de la zoophilie et de l'inceste qui plane (le second étant la conséquence de l'étouffement du premier), mais sa concrétisation dans des séquences où l'absurde côtoie le sordide total. 

Le ton austère et glacial, presque d'entomologiste pour Bigas Luna, rend le spectacle aussi aberrant que fascinant. Malgré la nature glauque de l'ensemble, l'ironie éclatante du réalisateur éclate dans un épilogue urbain où l'on voit Dany enfin libéré se trouver de nouvelles protectrices. Bigas Luna s'avère déjà dans cette première période de sa carrière est vrai maître du malaise.

Sorti en dvd espagnol

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