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mardi 26 avril 2022

Amants - Amantes, Vicente Aranda (1991)


 Madrid, années 1950. Paco, un jeune provincial qui vient d'achever son service militaire, cherche du travail afin d'assurer un avenir au couple qu'il compte former avec sa fiancée, Trini. Il loue une chambre chez Luisa, avec laquelle il découvre la passion physique. Partagé entre les deux femmes, Paco perd pied. L'issue de ce triangle amoureux sera tragique et sordide.

Amants est le film le plus célèbre de Vicente Aranda, dans la continuité de sa filmographie des années 80. Après des débuts plus commerciaux où il s'oriente vers le cinéma fantastique au début des 70's, Vicente Aranda se fait connaître par ses brûlots politiques et sociaux où il aborde des sujets audacieux comme la transidentité dans Cambio de sexo (1977). Dans les années 80, il va développer cette approche engagée signant des adaptations prestigieuses de romans espagnols contemporain comme La muchacha de las bragas de oro (1980) et Si te dicen que cai (1989) d'après Juan Marsé, Asesinato en el Comité central (1982) d’après Manuel Vázquez Montalbán ou encore Tiempo de silencio adapté de Luis Martín Santos. Amants s'inscrit dans ce sillage puisque même si pas adapté d'un roman, il se situe dans la période Franquiste et transpose un fait divers de 1948 resté fameux en Espagne et appelé "El crimen de la canal". 

Au premier abord malgré le contexte socio-historique semble seulement constituer un arrière-plan sans influer sur le destin des protagonistes. Paco (Jorge Sanz) jeune homme venant de finir son service militaire est fiancée à la belle Trini (Maribel Verdu) et se met en quête d'un emploi afin d'assurer leur futur ménage. Trini est domestique chez l'ancien commandant (Enrique Cerro) de Paco tandis que ce dernier en attendant de trouver un emploi va louer une chambre chez Luisa (Victoria Abril actrice fétiche de Vicente Aranda)) une jolie veuve. Dès le départ, les injonctions de vie s’imposent à Paco et Trini. Le commandant ayant obtenu son grade grâce au prestige de sa famille enjoint ainsi Paco à se plier aux vertus du travail afin d'être un homme, un vrai. 

Paco et Trini ne peuvent vivre ensemble à la fois pour cette notion patriarcale d'homme devant subvenir aux besoins de sa famille (alors que Trini dispose d'importantes économies qui pourraient leur permettre de démarrer leur ménage) mais aussi religieuse avec le poids du catholicisme les obligeant à attendre le mariage. Leur relation en reste à une tendresse presque adolescente mais dès que Paco se montre un semblant plus entreprenant, il est repoussé par une Trini effarouchée. Paco ne parvient pas à s'inscrire dans ce conformisme qui s'impose à lui et perd rapidement tous les pénibles emplois où il est engagé, et se dérober ainsi à la contrainte d'un métier non désiré retarde également les responsabilités d'un mariage pour lequel il n'est pas prêt. La liberté, il va la trouva dans les bras de sa logeuse Luisa qui ne l'entretient et ne lui demande rien si ce n'est de l'aimer fougueusement dans la promiscuité de l'appartement. Cette liaison constitue ainsi une libération morale, sociale et sensuelle (et une autre opposition entre la travailleuse Trini et Luisa vivant dans l'illégalité) que Vicente Aranda filme avec un érotisme torride.

Il parvient parfaitement à retranscrire le sentiment de libération, de lâché prise au propre comme au figuré qui se ressent dans les jeux amoureux des amants. Le drame va naître des carcans sociaux dépeint plus haut, qui empêchent tout choix définitif au sein de ce triangle amoureux. Paco déchiré entre l'affection, la respectabilité que représente sa relation avec Trini et les voluptés de sa liaison avec Luisa, ne se décidera jamais vraiment pour l'une ou l'autre. Trini voit en Paco son premier et seul amour et le poursuivra de façon quasi obsessionnelle malgré son infidélité évidente, au point de finalement se donner prématurément à lui (initiée par sa patronne bourgeoise pour souligner l'hypocrisie des apparences respectables) mais sans l'extase et l'expérience que propose Luisa - Aranda travaille d'ailleurs un mimétisme formel contrarié lorsque Paco passe d'un lit à l'autre entre les deux. Cette dernière apparaît faussement détachée mais cache difficilement son affliction dès que son jeune amant s'éloigne un tant soit peu d'elle, et le "puni" en l'entraînant dans de nouvelles étreintes frénétiques. 

Un des aspects captivant du film est que Aranda déleste, malgré le sujet s'y prêtant, le récit de toute envolée romantique, de toute imagerie romanesque. L'ensemble est froid, clinique notamment à travers la photo hivernale de José Luis Alcaine et l'obsédante ritournelle musicale de José Nieto. Les personnages luttent contre leurs sentiments, leur désir, mais avant tout face à leur peur de défier les codes du monde qui les entoure. Quand ils penseront y parvenir, ce sera pour courir vers une autodestruction tragique le temps d'un dernier quart d'heure assez suffocant de noirceur dont le faux "happy-end" est vite étouffé par un panneau nous indiquant l'issue réelle de ce fait divers. Une œuvre puissante qui sera largement célébrée avec les Goya du meilleur film et meilleur réalisateur pour Vicente Aranda, et l'Ours d'Argent de la meilleure actrice à Berlin pour Victoria Abril - mais ses deux partenaires sont tout aussi excellents.

Sorti en dvd zone 1 américain chez Tanelorn Films

Désolé pour le trailer en allemand, impossible d'en trouver un d'époque en espagnol sur youtube

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