Le jambon est
l'emblème de l'Espagne et lorsqu'une femme est sensuelle et appétissante on dit
d'elle, qu'elle est "jamona". Silvia, fille "jamona",
attend un enfant de Jose Luis. La mère de Jose Luis, Conchita, déteste la mere
de Sylvia, Carmen. Elle paie Raul, magasinier dans une usine de jambons, pour
qu'il séduise Silvia.
Jambon, jambon
inaugure au sein de l’œuvre de Bigas Luna la « trilogie ibérique »,
soit une série de films (Macho (1993) et La Lune et le téton (1994) viendront compléter le cycle) où il se livre par l’allégorie à une recension et
déformation des emblèmes de la culture espagnole. Dans Jambon, jambon, cela relèvera d’une association entre le sexe et la
nourriture, la faim et le désir, et par extension les extrémités où cela pousse
les individus. Le scénario pose initialement des clivages sociaux ou encore des
repères moraux qui sont amenés à imploser sous la fièvre des sens. Le cadre
même du film (tourné dans la région de Saragosse), ce no man’s land désertique
où le seul contact avec la civilisation est cette autoroute où défilent les
camions, impose déjà une sorte de bulle sauvage hors du temps et des
conventions.
Au départ c’est donc la seule différence de classe qui
semble freiner les amours de Jose Luis (Jordi Mollà), fils de bonne famille et
Silvia (Penelope Cruz), jeune femme de modeste condition et désormais enceinte.
C’est la raison apparente de l’opposition à leur union pour Conchita (Stefania
Sandrelli) mère de Jose Luis, mais tout cela prend rapidement un tour plus
confus. Les notions de rassasiement et de sexe se confondent dès le départ avec
cette scène où Jose Luis dévore goulûment les seins de Silvia qui lui en
demande le goût, ce à quoi il ne sait que répondre – ce qu’un rival saura faire
en y voyant la saveur d'une omelette pour l'un et de jambon pour l'autre. Conchita va engager
Raoul (Javier Bardem) pour séduire Silvia et l’éloigner ainsi de son fils,
grâce au souvenir de ses attributs masculins imposants lors d’une séance photo
pour des slips.
Sans en dire trop sur la suite de l’intrigue, toutes les
résolutions et choix des personnages vont constamment être balayés à l’aune de
ce faim insatiable de l’autre. Les archétypes que représentent chacun ne
dérangent pas tant l’instinct et le désir primitif domine chacun de leurs agissements.
Raoul est un cliché machiste ne vivant
que pour entretenir et mettre à l’épreuve sa virilité si fièrement exhibée (on
ne compte plus les gros plans sur la protubérance constante de son pantalon au
niveau de l’entrejambe), que ce soit en défiant nu un taureau ou en séduisant de
façon pressante Silvia. Cette dernière pourtant amoureuse transie de son José
Luis commence à vaciller lorsqu’elle se trouvera par incident face à un Raoul nu,
l’instinct primaire guidant les sentiments, et la virilité de Raoul surpassant l’irrésolu
et fragile José Luis.
Cette inconstance va s’étendre à tous les protagonistes, Bigas
Luna travaillant cela de manière onirique (la scène de rêve de Silvia qui
révèle des désirs non exprimés), frontale dans ses scènes de sexe ou encore
trouble par une fièvre qui concerne autant les parents (Stefania sandrelli bien sûr
mais aussi la mère de Silvia jouée par Anna Galiena au passé sulfureux, le père
taiseux (Juan Diego) mais tout aussi esclave de ses sens) que les enfants, les
garants de l’autorité/sagesse que les immatures. Malgré quelques effets (ralentis ou fondus
enchaînés très marqués début 90’s), Bigas Luna pose une atmosphère moite hors
de toute notion morale ou même logique. Les personnages sont sincères dans
chacune des interactions, des regards de braise et des étreintes auxquels ils
se livrent tout au long du récit, mais jamais à travers une exclusivité ou
retenue telle que l’exigeraient des rapports soumis au règles de la civilisation.
Du coup l’insulte,
le compliment et la séduction se confondent même dans le champ sémantique
nourricier. Silvia traite Raoul de cochon tout en rêvant de se traîner dans la
fange avec lui, ce dernier l’appelle jambon (une femme espagnole sensuelle
pouvant être appelée jamona), viande
dont il se goinfre avant de pouvoir se nourrir d’elle. On est insatiable du
corps de l’autre lorsqu’il s’offre à nous, ou affamé et frisant la démence
quand il s’y refuse, le « jambon » nous abreuvant ou servant en
dernier ressort d’arme de combat pour régler ses comptes lors du final. La
conclusion et particulièrement la dernier image redistribuant toutes les unions
achève magnifiquement cette perte de repères constante que constitue Jambon, jambon - à ce titre bien lire l'intitulé attribué à chaque personnage lors du générique de fin. Penelope Cruz pour son premier rôle majeur (repérée à 14 ans par Bigas Luna qui l'a laissée grandir avant de l'inclure à son univers provocant) crève l'écran et témoigne déjà d'une belle complicité avec Javier Bardem.
Sorti en dvd zone 2 français chez Film sans Frontières
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