Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 15 août 2020

The Sky Crawlers - Sukai Kurora, Mamoru Oshii (2008)


Dans un futur alternatif, après des décennies de guerre, le monde a fini par arriver à une paix durable. Mais les Terriens ont désespérément besoin de retrouver un peu d'action. Pour apaiser ses citoyens, le gouvernement met alors en place un cycle de guerres d'un genre nouveau : celles-ci seront désormais organisées par des sociétés militaires privées, dans le seul but de divertir la population. C'est alors que la dernière recrue à rejoindre les pilotes de Sky Crawlers se retrouve impliquée dans un nouveau projet militaire, visant à rendre les pilotes infaillibles...

Mamoru Oshii signe avec The Sky Crawlers ce qui reste son dernier long-métrage d’animation à ce jour. Il adapte là le premier volet d’une série de six romans d’anticipation d’Hiroshi Mori. Oshii va bien sûr s’approprier ce matériau pour l’imprégner de ses thèmes majeurs. L’histoire nous plonge dans un futur alternatif où un groupe de pilote d’élite mène une guerre à Lautern lors de périlleuses joute aériennes. Le récit se déleste de toute contextualisation géopolitique, l’ennemi se réduit aux avions ennemis et le plus coriace d’entre se nomme « Le Professeur », identifiable par le tigre noir qui orne sa carlingue. 

C’est dans ce cadre que débarque Yuichi Kannami en remplacement d’un autre pilote. Dès cette entrée en matière, tout se joue de façon étrange alors que l’on est supposé découvrir ce nouvel environnement à travers les yeux du personnage. Le chien de la base (un basset bien sûr leitmotiv d’Oshii qui place son chien dans tous ses films) accoure vers Yuichi descendant de son appareil, comme s’il le connaissait et que c’était une habitude. Yuichi a la déconctraction de l’habitué des lieux et tique lorsqu’il voit la mécanicienne Towa Sasakura, ayant l’impression de l’avoir déjà vue. Il en va de même lors de l’entrevue avec la mystérieuse Suito Kusanagi qui lui lance un « je vous attendais » qui semble plus lourd de sens que cette simple première rencontre.

Le récit alterne ainsi entre quotidien morne et combats aériens, tout en distillant les indices quant à la raison d’être des personnages. Tous les pilotes sont des « kildrens », des êtres destinés à ne pas vieillir et qui servent ainsi de chair à canon pour ce conflit grâce à leur dextérité aux commandes de leur appareil. Cette vie ne tenant qu’à un fil ne semble pourtant pas les affecter, la répétitivité de leur existence se répercutant ainsi si l’attitude éteinte de Yuichi et ses comparses. La raison s’en expliquera peu à peu, la boucle de ce quotidien constituant finalement leur seul souvenir concret. Le postulat rappelle grandement celui du roman Auprès de moi toujours de Kazuo Isiguro (et de son adaptation Never Le me go de Mark Romanek (2011), avec ces jeune gens élevés et conditionnés au sacrifice, placide et sans rébellion quant au sort funeste et répétitif qui les attends. On ne prend vraiment conscience de cela que par ce sentiment de redite qui s’inscrit de manière subtile et subjective, par le regard des autres qui y répondent par une insouciance amusée ou glaciale (quand ils comprennent vraiment le rôle qu’ils ont à jouer) ou par une attitude passive qu’induit ce conditionnement. Notre héros pose plusieurs fois les questions qui agite également le spectateur, mais qu’il ait ou pas sa réponse, aucun doute, aucune défiance ne s’éveille en lui et il revient son comportement éteint. 

Dès lors on fera aisément le reproche à Oshii d’avoir livré une œuvre désincarnée. Si cette répétitivité pouvait perdre dans l’expérimental Ghost in the Shell 2: Innocence (2004), elle fait sens dans The Sky Crawler où l’être sans identité, sans définition de ce qu’il est et sans perspective d’où il va, vit dans l’éternel recommencement d’une existence sans but. C’est précisément le sujet de Lamu :Beautiful Dreamer (1984) qui conceptualise cette boucle de façon ludique, de Ghost in the Shell (1995) qui réfléchit plutôt au niveau de la conscience, mais aussi d'Avalon (2001) explorant lui la notion de quête par le prisme du jeu vidéo. Il s’agit à chaque fois de personnages cherchant à échapper à une prison à la fois mentale, sociétale et métaphysique et The Sky Crawlers s’inscrit dans cette continuité. Le chara-design très simple et le manque d’expression des personnages (on rejoint les protagonistes opaques de Ghost in the Shell ou Avalon, être artificiels ou évoluant dans un environnement qui l’est) va dans ce sens. Si la virtuosité des scènes de vols impressionne, la cohabitation des techniques d’animation entre la texture 3D des avions, les environnements aériens numériques et la 2D des personnages, créent quelque chose d’abstrait et d’artificiel qui correspond à la perception limitée des héros. 

Pour ceux qui ressentent l’impasse où ils se trouvent, la seule alternative semble être la mort, mais cette dernière n’est qu’une manière de rejouer la même partition, sous une forme légèrement différente. C’est en fait une des œuvres les plus désabusée d’Oshii, car d’habitude le cheminement existentiel chez lui amène vers une mue qui transfigure les personnages (en bon adorateur du 2001 de Kubrick). Il n’en est rien ici et c’est le renoncement plus que la tension dramatique qui berce le climax où Yuichi défie le « Professeur » dans les airs, la créature ne peut vaincre son Frankenstein et accéder à une autre dimension. Malgré cette résignation d’ensemble, l’émotion fonctionne de façon frontale comme rarement chez Oshii, grâce à la mélancolie du score de Kenji Kawai et à la fascination dégagée par la figure de Suito Kusanagi. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side

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