En 1955, sur un
bateau-phare ancré au large des côtes américaines, 3 gangsters dirigés par le
docteur Calvin Caspary menacent l'équipage du capitaine Miller dont le propre
fils Alex a déjà eu affaire à la police.
Premier film américain de Jerzy Skolimowski, Le Bateau phare s’inscrit dans la continuité de son opus précédent Le Succès à tout prix (1984) dont il
reprend la thématique de la relation père/fils. C’est d’ailleurs durant la
promotion de Le Succès à tout prix au
Festival de Cannes que les producteurs ont l’idée de faire appel au réalisateur
qui s’engage dans un des seuls films (adapté d’un roman de l'écrivain allemand
Siegfried Lenz) dont il ne signe pas le scénario. Cela n’empêche pas Le Bateau
phare d’être une œuvre éminemment personnelle pour Skolimowski. Tout comme dans
Le Succès à tout prix, le rôle du
fils est tenu par Michael Lyndon le propre fils de Skolimowski. Ce choix crée
une continuité et un étrange mimétisme puisque Michael Lyndon ressemble
énormément à son père jeune, ce dernier se mettant en scène dans ses premiers
films à travers un alter-ego nommé Andrzej.
En faisant jouer son fils, Skolimowski à travers le postulat
du film rejoue la relation complexe qu’il entretenait également avec son père.
Dans le film Alex est un adolescent honteux et défiant envers son père le
capitaine Miller (Klaus Maria Brandauer), coupable de lâcheté passée pour la
communauté et son équipage, mais dont on ne connaîtra le détail que plus tard.
Forcé de séjourner sur le bateau phare commandé par son père après une énième
incartade, il assiste à l’intrusion de trois dangereux gangsters, ce qui va
mettre à l’épreuve ce rapport père/fils. Le père de Skolimowski était un
véritable héros en Pologne, chef de la Résistance Varsovie qui fut emprisonné et déporté en
camp de concentration où il mourut. Le réalisateur façonne donc une figure
paternelle pesante pour sa descendance tout en en modifiant la dynamique.
Quoi qu’il
fasse, Skolimowski n’aurait jamais vraiment pu se montrer à la hauteur de ce
père d’autant plus idéalisé que désormais absent. A l’inverse dans le film,
Alex cherche à se démarquer de cet encombrant père par l’attitude. Ce sera d’abord
par sa désinvolture et son insolence, puis quand le danger des gangsters
menacera, par des velléités héroïque qu’il ne peut assumer à son jeune âge. Le
tempérament conciliant et attentiste de son père cherchant à protéger son
équipage est une preuve supplémentaire de sa lâcheté pour l’adolescent
immature, et s’oppose à sa fougue et volonté d’en découdre. Par cette dualité
illustre ainsi ce qu’est le vrai héroïsme à travers la métaphore que représente
même le bateau phare.
Ce moyen de transport symbolisant le voyage, doit pour le
bien collectif resté figé à la même place en mer pour servir de guide aux
différents navires traversant la région. C’est un statut que ne comprend pas
Caspary (Robert Duvall) chef des gangsters qui en fait le reproche moqueur à
Miller durant un dialogue. Tout le récit façonne donc un affrontement entre l’immobilité,
faussement synonyme de lâcheté et que représente Miller, et le mouvement que
symbolise Caspary et ses sbires dont l’agitation perpétuelle met en lumière la
nature violente, arriérée et infantile. Il est donc fort intéressant de voir
Skolimowski mener en parallèle ces deux tonalités et vitesses contradictoires
dans sa narration et mise en scène.
La violence surgit dans des sursauts
brutaux et imprévisibles (la mort de l’oiseau) quand des plages plus calmes s’affichent
dans le visage stoïque de Miller, dans les plans d’ensemble du bateau seul en
pleine mer. Tout à cette symbolique passionnante, le réalisateur néglige
cependant un peu la notion de suspense. La tension ne s’instaure jamais
complètement malgré la suavité menaçante de Robert Duvall, le huis-clos n’est
pas suffisamment au cordeau et étouffant dans l’ensemble. Donc sur la foi de
son synopsis il ne faut pas forcément venir chercher un thriller avec Le Bateau
phare sous peine d’être un peu déçu, mais surtout une belle étude de
caractères.
Sorti en bluray chez L'Atelier d'image
Revu il y a quelques mois,ce bateau-phare est quand même bien décevant en effet.
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