Le film est basé sur de vrais événements. Il se
concentre sur Shunzo, un marchand de légumes populaire qui vit dans une
ville près de Tokyo. Sa vie, et celle de sa femme, Michi et de leurs
deux enfants, subit un changement dramatique lorsqu'il rencontre Li, un
pauvre étudiant chinois.
Sorti de ses œuvres plus psychédéliques et tapageuses comme House (1977) ou de ses nombreux récits adolescents (I are you, you am me (1982), The Little girl who conquered time (1983), Lonely Heart (1985), Chizuko’s Younger Sister
(1991)), on trouve dans la filmographie de Nobuhiko Obayashi une vraie veine humaniste et
pacifiste. Cela s'explique par la douleur précoce de l'expérience de la
Deuxième Guerre Mondiale et il prônera alors l'échappée par l'enfance,
la rêverie où le spectre du souvenir face à ces maux dans Bound for the Fields, the Mountains, and the Seacoast (1986) ou dans le cycle pacifiste de ses derniers films comme Casting Blossoms to the Sky (2012), Seven Weeks (2014) et Hanagatami (2017). On retrouve cela dans le méconnu Beijing Watermelon
qui s'il ne se déroule pas et n'évoque pas directement la guerre,
propose un message de fraternité entre deux pays qui s'y sont
farouchement livrés l'un contre l'autre, le Japon et la Chine.
Inspirée
d’une histoire vraie, le film suit Shunzo (Bengaru), truculent marchand
de légumes dans la banlieue tokyoïte. Son quotidien monotone, fait de
réveil aux aurores, d'achat rudement négociés au marché et de vente dans
son magasin, lui pèse mais il coule des jours heureux avec son épouse
Michi (Masako Motai) et leurs deux enfants. Un beau jour un jeune
étudiant chinois démuni déambule timidement devant sa boutique et tente
de négocier des légumes au rabais. A la fois amusé et agacé par
l'insistance de l'intrus, Shunzo joue la ristourne au
"pierre-ciseau-feuille" et perd. Problème le jeune chinois Li revient à
la charge le lendemain et tente de refaire le coup mais se heurte au
refus de Shunzo. Au détour d'une livraison Shunzo recroise la route de
Li quelques jours plus tard, au bord de la syncope pour malnutrition.
Notre commerçant va alors prendre le migrant chinois sous son aile le
temps de la guérison. Touché, Li en informe ces compatriotes chinois
étudiants qui vont désormais solliciter Shunzo à leur tour tant pour ses
légumes au rabais que pour des services divers et variés. Contre toute
attente, Shunzo se prend au jeu et devient le bienfaiteur de la jeune
diaspora chinoise au Japon, au grand dam de son entourage.
Le
fossé entre la lassitude initiale de Shunzo et son entrain à aider ses
protégés de toutes les manières possibles exprime finalement comment se
consacrer aux autres peut soudainement donner un sens à notre vie.
Obayashi se déleste de tout son style sophistiqué et expérimental pour
traduire ce rapprochement dans une forme de quotidien. C'est
l'accumulation des bienfaits plus que leur échelle qui traduit
l'importance prise par Shunzo pour les chinois, et c'est le plaisir
amusé qu'il prend à le faire qui exprime cette fraternité naissante.
Cela passe par un montage percutant qui façonne une musicalité rieuse,
travaillant le comique de situation lorsque Shunzo (pancarte en
idéogrammes chinois mal écrits à la clé) doit aller chercher la fiancée
d'un étudiant à l'aéroport, où la pure énergie burlesque chaleureuse
quand Shunzo traverse Tokyo en camionnette pour qu'un chinois étudiant
en architecture puisse observer toutes les constructions de la ville.
Cette énergie fonctionne aussi sur le style à la Robert Altman que
développe Obayashi sur le film.
Dans Beijing Watermelon,
les personnages ont le choix entre être seuls, égoïstes et silencieux
ou entourés, nombreux et bruyants. L'intégration et la fraternité
n'existe que par ce sentiment de trop-plein et d'anarchie, où le nouveau
venu se sent alors pleinement accepté. Dans un premier temps le
dispositif fonctionne avec un chinois frêle et sans le sous que Shunzo
invite à manger dans sa famille, à fêter le nouvel an avec ces amis.
Cela s'inverse ensuite avec Shunzo considéré comme un père et d'ailleurs
appelé ainsi (le "otōsan" japonais a d'ailleurs un sens plus fort, en
Asie comme en Afrique d'ailleurs, l'emploi de ce titre pour un
bienfaiteur aillant une portée intime très forte) par la communauté
chinoise qui l'accueille avec entrain en son sein. Dès lors Obayashi
construit des moments à la MASH où seule
l'ambiance et la connexions des présents compte, dans de longs plans
fixes (dans le magasin où tous les jeunes chinois viennent désormais,
dans des scènes de bars) où ils laissent volontairement la confusion
régner dans le grouillement de personnes, dans la cacophonie des
dialogues. Et le miracle de tout cela, c'est qu'il parvient par là à
idéalement caractériser toutes cette communauté, que ce soit le groupe
de chinois ou le voisinage d'amis japonais qui auront chacun leur petit
moment qui nous laissera un souvenir à la fin du film.
Tout cela
n'ira pas sans heurts, entre la méfiance d'un entourage parfois jaloux,
égoïste et/ou raciste, mais aussi à l'excès de générosité de Shunzo qui
délaisse sa famille et son affaire. Finalement mis à mal financièrement
et au niveau de sa santé, Shunzo va pourtant trouver une formidable
récompense à sa prodigalité. Bengaru est excellent de bonhomie bourrue
et de truculence en bon samaritain qui s'ignore et est formidablement
accompagné par Masako Motai, pour montrer l'empathie fragile à laquelle
tient cette générosité. Obayashi parvient à montrer la rudesse de ce
quotidien prolo (la scène où Michi fond en larmes en voyant que Shunzo a
offert son pendentif - qu'elle n'a jamais eu le temps de mettre pour se
faire belle car submergée de travail - à une migrante chinoise) et la
valeur de cette dévotion aux autres. Mais réussite totale du film tient à
son épilogue. Obayashi avait prévu de tourner la dernière partie du
film à Pékin pour montrer les retrouvailles entre Shunzo invité par ses
anciens protégés qui avaient réussis dans leur pays. Les tragiques
évènements de Tiananmen obligent le réalisateur à tourner ce final
émouvant en studio au Japon.
Pourtant au lieu de chercher à donner
l'illusion d'un tournage en Chine, le film se déleste de son ton
réaliste et révèle totalement l'artifice tant visuellement (décors
studios et équipe de tournage bien visibles) que narrativement avec un
Shunzo qui brise le quatrième mur en nous expliquant que tout cela a été
tourné au Japon. Obayashi met son style expérimental au service du
récit et du contexte politique qui s'avère explicite sans être évoqué
nommément. L'émotion s'en trouve décuplée, notamment l'ellipse touchante
sur la réminiscence d'un dialogue où Shunzo et un jeune chinois se
disputaient sur la pastèque ayant le meilleur gout, la japonaise ou la
chinoise - la réponse nous en est donc donnée. Un vrai petit bijou qui
appelle l'individu à toujours surmonter le clivage des nations (détail
amusant au vu du gouvernement japonais actuel dans le déni de son passé
belliqueux, Shunzo pour obtenir un logement à ses amis chinois raillera
le propriétaire en lui disant qu'il a à se faire pardonner car son
grand-père à probablement tué beaucoup de chinois durant la guerre).
Sorti en dvd japonais
Extrait
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire