Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 11 novembre 2022

Ça s'est passé à Rome - La giornata balorda, Mauro Bolognini (1960)


 L'histoire de deux jeunes gens désargentés, David et Ivana, récemment devenus parents, qui doivent maintenant assumer leur existence et leur quotidien, en commençant par chercher un travail pour subvenir à leurs besoins et élever leur enfant.

Ça s'est passé à Rome constitue pour Mauro Bolognini le deuxième volet d’un diptyque initié avec Les Garçons (1959). Ce précédent film inaugurait la collaboration exclusive (ils avaient travaillé précédemment ensemble sur Les Jeunes Maris (1957) mais entourés d'autres scénaristes) du réalisateur avec Pier Paolo Pasolini, l'apport de celui-ci le tirant vers des sujets plus profonds et ses premières vraies réussites dans leur film suivant en commun, Le Bel Antonio (1961) d'ailleurs adapté dAlberto Moravia comme Ça s'est passé à Rome. Dans ce périple nocturne aux côtés de petites frappes romaines, Pasolini amenait l'authenticité de sa propre expérience de voyou qui se croisait au romantisme et formalisme de Bolognini, ainsi que son goût du glamour avec l'usage d'un casting peu réaliste (car pour l'essentiel des français doublés en italien, Laurent Terzieff, Jean-Claude Brialy, Mylène Demongeot) mais diablement photogénique - ce qui ne manquerait pas d'agacer Pasolini qui corrigera le tir dans son propre Accatone (1961) avec des acteurs amateurs. 

Cette idée de diptyque se ressent d'autant plus si l'on compare les deux titres italiens, La Notte brava pour Les Garçons et La giornata balorda pour Ça s'est passé à Rome. Après la nuit d'errance des canailles de Les Garçons, voici donc la journée chaotique de David (Jean Sorel), jeune homme oisif malgré les responsabilités prématurées qui lui incombent. Il est en effet déjà père de famille depuis qu'il a mis enceinte sa voisine Ivana (Valeria Ciangottini) mais sans le sou ils ne sont pas mariés, vivent encore chez leurs parents respectifs et le bébé n'est pas encore baptisé faute de moyens pour la cérémonie.

Régulièrement invectivé par sa mère et sa belle-famille, David semble pourtant indifférent à leurs remontrances. Bolognini ouvre le film sur une image esthétisante qui dresse la facette réaliste de Pasolini et la sienne plus stylisée avec une caméra qui avance en contre-plongée sur sous les linges accrochés entre les modestes bâtiments où vive les protagonistes. C'est une manière de faire cohabiter l'indolence du héros David et la misère dans laquelle il vit. Toute l'intrigue lâche du film joue sur cette dualité puisque David passe dans les faits cette journée à chercher du travail, mais dans la réalité n'effectue que des chemins de traverse du fait de son inconséquence. La bonne volonté initiale de notre héros se heurte à l'indifférence de ces interlocuteurs nantis qui le font tourner en rond dans la ville sans la moindre embauche, quand ce n'est pas sa propre concupiscence qui le détourne de son objectif dès qu'une jolie femme passe devant ses yeux.

Bolognini nous fait traverser une Rome du boom économique, s'incarnant par les espaces bourgeois aperçus mais surtout les personnalités détestables rencontrées. L'égoïsme règne chez les nantis et plusieurs situations suggèrent leurs mœurs douteuses (la commande d'une manucure masquant la prostitution) et la source de leur fortune qui l'est tout autant avec ce patron convoyeur d'essence. Comme souvent chez Bolognini, les femmes font figures de victimes plus ou moins consentantes, contraintes à s'avilir pour subsister telle Marina (Jeanne Valérie) la voisine "manucure" de David, Freya (Lea Massari) la maitresse entretenue d'un industriel véreux. Les hommes les soumettent, les "consomment", les abandonnent ou les tiennent dans une forme de dépendance, ce à quoi participe David durant cette journée et qu'il fait subir d'une certaine manière à la mère de son enfant.

Sous cette noirceur, Bolognini illustre la ville et ses alentours sous une langueur ensoleillée et sensuelle qui offre quelques respirations bienvenues. Malgré tout c'est le portrait d'une société égoïste et cupide qui se dessine en creux, à l'image de ce vieillard dont le cadavre est exposé dans son appartement sans qu'aucun membre de sa famille ne se présente. Même outre-tombe il sera victime de l'urgence des nécessiteux et contribue à un final doux-amer qui ne résout rien et forme une boucle avec l'ouverture et cette même image nocturne d'un panorama de linge étendu.

Le film traîne actuellement en entier sur youtube avec des sous-titres anglais, pour les curieux dépechez vous de regarder avant que ça disparaisse aucun dvd français n'existe pour l'instant

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