Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

dimanche 13 novembre 2022

Meurs un autre jour - Die Another day, Lee Tamahori (2002)

James Bond est en mission en Corée du Nord à la suite d'une enquête sur un trafic d'armes et de diamants de contrebande, dirigé par le Colonel Moon. Mais quelqu'un le trahit et après une course-poursuite menant à la mort du colonel nord-coréen, il se fait capturer par le Général Moon (le père du colonel), puis torturer. Un an plus tard, il est relâché lors d'un échange contre Zao, l'ex-homme de main du Colonel Moon, le seul qui connaît l'identité du traître. Abandonné par le MI6, Bond mène son enquête en solo de Hong Kong à Londres pour savoir qui l'a trahi et qui est ce mystérieux Gustav Graves, dont il a retrouvé des diamants dans les mains de Zao.

Malgré le succès commercial, Le Monde ne suffit pas (1999) s’était avéré une réussite très mitigée dans la volonté de donner une dimension plus profonde et psychologique à l’incarnation de Bond de Pierce Brosnan. C’est d’ailleurs le principal problème des opus de Pierce Brosnan qui, hormis la réussite de Goldeneye (1995), partaient toujours d’un postulat et d’idées riches de promesses mais constamment gâchées par une exécution inadéquate et anonyme. Le grand spectacle des films de Brosnan s’inscrit dans les standards des blockbusters de l’époque, mais jamais en vraie corrélation avec l’angle thématique des films et/ou l’identité bondienne. Meurs un autre jour vient résoudre cette schizophrénie, pour le meilleur et pour le pire. 

L’excellent pré-générique annonce les audaces à venir par un morceau de bravoure enfin novateur (une poursuite en aéroglisseur), un flair certain des scénaristes anticipant la Corée du nord comme épouvantail à venir de la scène internationale, et la conclusion tragique pour Bond capturé et torturé de longs mois dans les geôles nord-coréennes. Meurs un autre jour est l’épisode célébrant les 50 ans des aventures cinématographiques de l’agent 007, et choisit donc d’être un opus plus typiquement et outrageusement bondien plutôt que de coller aux standards du grand spectacle d’alors. Certes l’ombre de plusieurs succès et tendances de l’époque imprègne le film dans la mise en scène de Lee Tamahori et n’ont pas tous bien vieillit (caméra mobile omnisciente à la Matrix, effets de ralentis/accéléré d’un goût douteux), mais se calque à la formule bondienne plutôt que l’inverse. Tous les interprètes de James Bond sur le long terme ont été amené à tourner un volet outrancier, défiant les limites du bon gout dans ses excès et que l’on peut généralement associer à un courant musical de l’époque. Ainsi On ne vit que deux fois (1967), le Sean Connery le plus fantaisiste est indéniablement un film psyché, Moonraker (1979) le Roger Moore tout en démesure est une œuvre disco et avec Meurs un autre jour, Pierce Brosnan tourne indéniablement une œuvre aux relents techno et électro – le morceau de Madonna en portant indéniablement la marque.

Episode anniversaire oblige, l’intrigue, certaines séquences et éléments constituent une sorte de best-of amenés avec plus ou moins de finesse. Parmi les plus voyants, la sortie de plage de Jinx (Halle Berry) reprenant celle d’Ursula Andress dans James Bond contre Docteur No (1962), l’arme destructrice du méchant rappelant le satellite laser de Les Diamants sont éternels (1971), la séquence avec Q (John Cleese) où l’on recroise divers gadgets des précédents films. Sorti de cet aspect référentiel, Meurs un autre jour se distingue par un Bond (le personnage comme le film) qui pour la première fois depuis longtemps ne s’excuse pas de ce qu’il est et plonge de plain-pied dans l’outrance et l’irrationnel. La première partie renoue avec l’agent frimeur et coureur en toute circonstances lors l’arrivée de Bond débraillé dans un luxueux hall d’hôtel, réserve son lot de surprises folles avec la véritable identité du méchant Gustave Graves (Toby Stephens) et ose introduire des éléments de science-fiction farfelus par ce biais.

Durant la seconde partie, le cadre dépaysant et les décors fous dignes des créations de Ken Adam sont de mise avec ce stupéfiant palais de glace en Islande. Il est définitivement question de rompre tout lien avec la réalité dans les environnements, les interactions entre les personnages et les exploits de Bond. Toby Stephens campe un méchant suave et psychotique avec cette belle idée que sa nouvelle identité soit un miroir négatif assumé de Bond (copiant l’arrivée en parachute aux couleurs de l’Union Jack de L’Espion qui m’aimait (1977) dans une séquence), Rosamund Pike est retorse à souhait et la dynamique entre Bond et son pendant américain Jinx fonctionne bien. Bien qu’à l’époque on ne savait pas encore qu’il s’agirait du dernier épisode de Pierce Brosnan, on a vraiment l’impression dans cet excès ambiant qu’il s’agit d’un baroud d’honneur du Bond filmique hédoniste, superficiel, tape à l’œil, en un mot insouciant avant que la réalité de l’époque le rattrape dans les suivants. La chronologie de l’intrigue nous explique que James Bond était emprisonné durant le 11 septembre (qui n’est pas évoqué) et la nouvelle donne géopolitique n’a pas prise dans le ton et l’ambiance du film. On oublie la déconstruction et les failles (mal) explorées de Le Monde ne suffit pas pour rendre au personnage ses atours de surhomme dans des séquences poussant loin la suspension d’incrédulité (Bond surfant sur des vagues géantes issues de la fonte des glaces), et l’usage de gadgets aussi fous qu’à l’ère Roger Moore – à la voiture amphibie de ce dernier succède ici une Aston Martin invisible. 

Malgré quelques fautes de gouts (certains effets numériques approximatifs pour ce genre de superproduction), c’est le plaisir du divertissement Bondien excessif et décomplexé qui domine. Ce volet sera un grand succès et sort la même année que La Mémoire dans la peau de Doug Liman, plus anxiogène, ramassé et oppressant, qui s’impose avec sa suite La Mort dans la peau (2004) comme le nouveau standard de l’espionnage cinématographique. Ce sera le modèle sur lequel se basera la refonte de Casino Royale (2006), nouvelle ère où il était sans doute nécessaire d’introduire un nouvel acteur. Le public en attente de « sérieux » conspuera rétrospectivement Meurs un autre jour mais on peut voir dans le film comme un ultime tour de manège avant la sinistrose de l’ère Daniel Craig (tout aussi inégale qualitativement malgré ce retour du premier degré).

Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Sony


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire