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jeudi 10 novembre 2022

Le Redoutable Homme des neiges - The Abominable Snowman, Val Guest (1957)


 Milieu des années 1950. Le botaniste anglais Rollason (Peter Cushing), sa femme Helen et son assistant sont les hôtes d'un monastère au Tibet. Une expédition américaine débarque bientôt dans le but de découvrir le légendaire Yéti en grimpant dans les hauteurs Himalayennes. Rollason décide de se joindre à eux dans un but scientifique, malgré les avertissements du lama.

Le Redoutable homme des neiges s’intercale entre deux des productions Hammer dont le succès va entériner l’identité du studio dans le gothique et le fantastique, Frankenstein s’est échappé (1957) et Le Cauchemar de Dracula (1958). Cependant, le film a davantage à voir avec la saga Quatermass qui initia cette orientation de la Hammer. Tout comme Le Monstre (1955) et La Marque (1957), Le Redoutable homme des neiges est en effet une production télévisée basée sur un scénario de Nigel Kneale qui remportera un grand succès lors de sa diffusion le 30 janvier 1955. La transition vers une version cinéma est donc envisagée tout comme les Quatermass dont on reprendra également le réalisateur avec Val Guest. Ce dernier avait, sous le suspense, donné une tonalité singulière à ces deux films de science-fiction en y introduisant une certaine profondeur, une dimension philosophique et existentielle. Il a la même ambition ici et ne souhaite pas tourner un simple film d’horreur, d’ailleurs en y regardant de plus près sur l’ensemble de ses films pour la Hammer Val Guest n’a jamais versé frontalement dans le genre et ne s’est jamais vu proposer de production gothique loin de ses appétences. 

Le yéti n’est pas une créature si souvent exploitée dans le cinéma fantastique, mais le scénario de Nigel Kneal entre en résonnance avec l’actualité scientifique de l’époque. Des explorations de l’Himalaya en 1951, 1953 et 1954 font grand bruit, et si les aventuriers ne rencontrent pas d’abominable homme des neiges, quelques éléments rapportés comme de gigantesques empreintes de pas dans la neige suffisent à alimenter les imaginations. Val Guest loin de tout sensationnalisme s’appuie donc sur cette rigueur scientifique dans la tonalité du film, cherche à instaurer une forme d’approche documentaire. Il est aidé en cela par les moyens alloués par Hammer qui ira filmer les extérieurs montagneux dans les Pyrénées (qu’on fera passer pour l’Himalaya) avec une seconde équipe, ce qui offrira des vues très impressionnantes donnant un certain cachet réaliste. La tonalité du film oscille entre ce séreux scientifique, le mysticisme et ce questionnement plus existentiel. 

Cela passe notamment par le personnage du Dr Rollason (Peter Cushing dans son second rôle Hammer après Frankenstein s’est échappé dont il sort tout juste du tournage), nourrissant une curiosité de chercheur à remettre en question les certitudes du Darwinisme, mais aussi un attrait plus insaisissable pour le mystère de ces montagnes. Tous ces compagnons fonctionnent sur cette même dualité, tel Friend (Forrest Tucker) aventurier cherchant à tirer profit de la capture du monstre mais lui aussi habité par quelque chose de plus. Ils sont pourtant prévenus par Kusang (Wolfe Morris), le lama, de la vanité de leur quête mais en vain. Val Guest déçoit volontairement en retardant, escamotant et en définitive annihilant les apparitions du monstre, sporadiques. Il l’enveloppe de mystère par les traces furtives qu’il laisse, la silhouette que l’on entrevoit ou les rares éléments de son corps qui nous apparaissent et provoque l’effroi des voyageurs. Lorsqu’il est frontalement face aux personnages, ces derniers sont surpris par les traits doux et intelligents de la créature, loin de la bête sauvage qu’ils sont venus traquer. 

Les protagonistes s’avèrent les vrais monstres en laissant l’environnement faire ressurgir leurs peurs les plus enfouies, et les faire se saborder eux-mêmes plutôt que par le monstre. Val Guest laisse habilement planer l’ambiguïté sur la cause indicible, concrète ou surnaturelle de cette folie. Les tenants réels ou spirituels de ces hauteurs enneigées et hostiles semblent refuser que leurs secrets soient révélés au monde, et tous les importuns en paieront le prix, de leur vie ou santé mentale comme le laissera entendre la fin ouverte. L’approche est donc très originale et prenante, même si de petites longueurs se font parfois sentir, que la transition entre vraies scènes d’extérieurs et décor studio n’est pas toujours très heureuse. On anticipe en tout cas là l’exploration des abîmes de l’âme humaine confrontée à l’inconnu qui brillera dans l’horrifique et paranoïaque The Thing de John Carpenter (1982).


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