Hiver 1982 au cœur de l'Antarctique. Une équipe de recherche composée de 12 hommes découvre un corps enfoui dans la neige près d'une base norvégienne. Décongelée, la créature retourne à la vie en imitant la forme de n'importe quelle entité organique. Dès lors, le soupçon s'installe entre les hommes de l'équipe. L'un d'entre eux, MacReady, est prêt à tout pour empêcher la créature de se propager parmi les membres de l'équipe, qui commencent à perdre confiance en eux…
John Carpenter avait connu une ascension fulgurante avec ses
quatre premiers films qui le mena logiquement à The Thing, son film le plus ambitieux à ce jour. Quasi inventeur du
slasher avec le glaçant Halloween, il
aura confirmé ses aptitudes pour le fantastique avec The Fog tandis que New York 1997 démontrait son aptitude à tirer une oeuvre ambitieuse d’un budget moyen tout en
affirmant pour la première fois son iconoclasme symbolisé par le teigneux Snake
Plissken.
Le succès public et critique
de ces films lui permet donc d’accéder à sa première production au sein d’un
studio avec The Thing. Carpenter était un grand admirateur de la première version signé par son modèle Howard Hawks qu’il découvrit enfant mais, plutôt
qu’un simple remake il choisira de revenir aux sources de la nouvelle originale
de John W. Campbell Who
Goes There? Celle-ci s’axait plus sur l’aspect transformiste de la créature
extraterrestre, sa capacité à dupliquer l’humain et la paranoïa qui en
découlait au sein du groupe de personnages alors que Hawks avait signé un film
de monstre plus classique dans sa transposition.
Carpenter saura parfaitement exploiter les moyens fournis
par Universal (pour ce qui restera son plus gros budget) avec une longue pré production
où il s’entourera d’une équipe technique de haut vol avec entre autre le maquilleur Rob Bottin ou le
maître du matte painting Albert Whitlock.The Thing inaugure
chez Carpenter ce qu’on nomme dans son œuvre la trilogie de l’apocalypse et
auxquels s’ajouteront Prince des Ténèbres
(1987) et L’Antre de la folie (1995).
Sous haute influence de l’œuvre de Lovecraft, ces films évoquent une fin du
monde causé par un ailleurs inconnu situé dans une autre dimension peuplée de
créature innommables (Prince des Ténèbres),
d’un esprit dérangé seul capable d’imaginer ces horreurs innommables (L’Antre de la folie) et pour ce The Thing qui inaugure le cycle l’apocalypse
passera littéralement par cette illustration cette entité monstrueuse digne des
grands Anciens dépeints par le maître de Providence.
Dès l’ouverture et cet
hélicoptère poursuivant un chien dans l’immensité arctique, une atmosphère de désolation
pesante s’instaure. Les plans multiples sur le chien rescapé, la découverte du
sort affreux de la base norvégienne puis celle de ce vaisseau spatial niché au cœur
des glaces tissent habilement le mystère tout en nous introduisant
remarquablement chacun des membres de l’équipe. Carpenter fit le choix d’un
casting entièrement masculin, idée judicieuse puisque lorsque la paranoïa et la
suspicion s’installe les comportements prendront immédiatement un tour violent
et machiste dans les confrontations naissants de cet isolement.
L’ensemble des acteurs sont caractérisé avec un brio rare
par Carpenter (l’individualiste MacReady, Clark responsable des chiens plus
intéressé par ses bêtes et à l’écart du groupe) et finalement les surgissements
du surnaturel se feront de plus en plus exacerbés au fil de l’ambiance délétère
régnant au sein du groupe. Après une première et abominable manifestation de la
Chose faisant muter le chien, plus rien n’est sûr.
Les travellings traversent
les couloirs de la station sans que l’on sache le regard de qui l’on suit, la
musique glaciale et répétitive d’Ennio Morricone instaure un malaise constant.
Carpenter nous fait même douter de notre seul point de repère lors d’une
ellipse où le héros MacReady s’avère possible porteur du mal et rendant
désormais toute éventualité possible. Ainsi préparé, nous allons assister
aux créations cauchemardesques issues de l’imagination de Rob Bottin pour
dépeindre la Chose.
Carpenter voulait à tout prix s’éloigner du sempiternel
homme en costume pour sa créature et les facultés d’imitation de la Chose lui
permettent grâce à l’aide Rob Bottin d’éviter cet écueil. La Chose n’est pas un
tout personnifié par une entité extraterrestre physiquement identifiée, mais
une dérive dégénérée, organique et changeante des êtres copiés. On assistera
donc à nombre de mutations en cours ou inabouties, des sursauts protecteurs
terrifiant de cette chose aboutissant à de véritables aberrations difformes à
la Jérôme Bosch. Après la transformation canine du début, tout s’avère donc
possible et les évolutions les plus inattendues et insoutenables donneront des
visions infernales tel celle de la fabuleuse scène du test sanguin, monument de
tension mené de main de maître par Carpenter.
En ces temps d’avant le numérique, The Thing est un sommet des effets spéciaux physiques reposant sur
le savoir-faire (les extérieurs en matte-painting de Whitlock pour montrer le
vaisseau extraterrestre) et l’imagination, Rob Bottin (21 ans à peine mais déjà
responsable des réussites des loups garous de Hurlements entre autre) auquel
Carpenter laissa une grande liberté et qui expérimenta grandement pour donner
vie à ses idées les plus folles. Dans une œuvre d’une telle noirceur, l’issue
ne peut être positive et Carpenter nous offrira une fin ouverte et ambigüe dont
on ne peut imaginer un aboutissement heureux.
Tous cet ensemble de décisions
courageuse contribuera à faire de The
Thing un des plus grands films d’horreur jamais réalisé, mais seulement au
fil du temps et du statut culte progressivement acquis. Au moment de sa sortie,
The Thing est bien trop nihiliste et
insoutenable pour le public de l’époque qui fait un triomphe à l’extraterrestre
bienveillant et messianique de Steven Spielberg, ET. L’échec du film bouleversera à jamais la trajectoire ascendante
de Carpenter qui perd alors son statut de valeur montante hollywoodienne. Il
nous restera cependant toujours ce monument de terreur propre à longuement
hanter nos nuits.
Sorti en dvd zone 2 français et dans un très beau bluray chez Universal
Sorti en dvd zone 2 français et dans un très beau bluray chez Universal
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