Donnie Darko est un adolescent de seize ans pas comme les autres. Intelligent et doté d'une grande imagination, il a pour ami Frank, une créature que lui seul peut voir et entendre.
Lorsque Donnie survit
par miracle à un accident, Frank lui propose un étrange marché. La fin du monde
approche et ce dernier doit accomplir sa destinée. Des événements bizarres
surviennent dans la petite ville tranquille, mais Donnie sait que derrière tout
cela se cachent d'inavouables secrets. Frank l'aidera à les mettre à jour,
semant ainsi le trouble au sein de la communauté.
Coup d’essai et coup de maître pour Richard Kelly qui signe
un des films culte des années 2000 avec ce Donnie
Darko. Le film est un objet inclassable, mêlant la sensibilité adolescente
d’un John Hughes, l’étrangeté et la nature interprétative des intrigues de
David Lynch tout en croisant les des genres aussi disparates que la satire, le
teen movie et la science-fiction. Le lien entre toutes ces directions en
apparence contradictoires, c’est la sensibilité de Richard Kelly qui croise ici
expérience personnelle et récit mystérieux et alambiqué.
L’intrigue se déroule en 1988, au moment de l’élection
présidentielle opposant George Bush et Michael Dukakis, époque où Richard Kelly
était lui-même un adolescent âgé de 13 ans.
Le choix de cette période n’est pas innocent, Kelly cherche à capturer
cette atmosphère imprégnant la fin de la triomphale ère du Reaganisme et
anticipe les lendemains qui déchantent à venir ici préfigurés par ses adultes
se réfugiant dans des programmes d’accomplissement de soi douteux (et
réellement enseignés dans les écoles celui vu dans le film fut infligé à
Richard Kelly lycéen) et ses adolescents paumés préfigurant les jeunes adultes à la dérive de la Génération X des 90’s.
Parmi
eux, notre héros particulièrement instable Donnie Darko (Jake Gyllenhaal fabuleux) que
nous découvrons endormi sur une route déserte au petit matin. Le générique le
voyant rentrer à vélo chez sur The
Killing Moon de Echo and The Bunnymen pose déjà l’ambiance éthérée et
mystérieuse qui traversera le film avec des vues au ralenti de cette banlieue
pavillonnaire, des déambulations du voisinage. Cette étrangeté ne prime jamais sur les personnages
et au contraire le basculement dans l’irrationnel amène une angoisse sourde quant à leur
destinée. Kelly en une poignée de scènes rend cette famille diablement
attachante : le père malicieux joué par Holmes Osborne, la mère dépassée
magnifiquement incarnée par Mary McDonnell, la petite sœur espiègle tandis que
la complicité des vrais frères et sœurs que sont Jake et Maggie est palpable à
l’écran.
Ainsi happé, le sort de la famille Darko est suspendu au
caractère torturé de Donnie. S’il est
plusieurs fois sous-entendu qu’il a eu des problèmes et qu'il souffre de troubles comportementaux (notamment ses rencontres
avec sa psychologue) c’est un évènement extraordinaire qui va provoquer sa
lente dérive, son somnambulisme le sauvant lorsqu’un moteur d’avion tombé du
ciel s’écrase sur sa chambre. L’avion d’où est issu le projectile demeure
introuvable et c’est à ce moment qu’apparaît à Donnie Frank, un être étrange
déguisé et terrifiant lapin géant lui annonçant la fin du monde sous 28 jours.
Dès lors le ton adopte les visions schizophrènes d’un Donnie qui
perd pied avec la réalité et se rebelle face à son environnement. Pourtant de cette société bigote, de cet enseignement
lénifiant (si ce n’est l’impertinent professeur
joué Drew Barrymore) et de cette soumission aux préceptes new age du
gourou joué par Patrick Swayze on se demande qui est le plus en perdition :
notre héros ou le monde qui l’entoure ? Kelly fait de Donnie au contraire
un être réfléchi et qui s’interroge face à une société au regard binaire et
simpliste, à l’image des deux voies proposées par la secte de Swayze, la peur ou
l’amour.
Kelly fait constamment osciller le film entre réalité
hallucinée et fantastique plus ouvertement prononcé. L’arrivée au lycée sur fond de Tear for Fears
sous une lumière immaculée et traversant les lieux dans une plan-séquence
hypnotique tient du rêve éveillé, rêve qui peut virer au cauchemar lors des
saisissantes apparitions nocturnes et des injonctions de Frank. Donnie semble
paradoxalement le plus clairvoyant sur les maux de sa communauté que ce soit
consciemment (l’hilarante scène où il met en boite la prof de gym et sa ligne
de vie, lorsqu’il interpelle Swayze en public) ou inconsciemment, chacune de
ses actions de vandalisme révélant la face sombre des adultes.
Son propre
esprit perturbé lui fait-il voir les anomalies qui semblent normales aux
adultes ou possède-t-il vraiment le don d’ubiquité et une vision plus
lointaines ? Richard Kelly tisse habilement les indices et laisse toutes
les possibilités libres de toutes interprétations. De fascinants
questionnements sur la destinée, le voyage dans le temps et les dimensions parallèles
sont d’ailleurs posés lors des échanges entre Donnie et son professeur de
science physique (Noah Wyle).
Donnie Darko sous
cette originalité n’en oublie jamais d’être un charmant et nostalgique teen movie. La romance timide entre
Donnie et Gretchen est d’une candeur et innocence parfaite, multipliant les
jolis moments sensibles (l’invitation maladroite de Donnie, l’épanchement final
de Gretchen). Kelly revisite sa propre jeunesse avec nombre de références visuelles
(la photo bleutée et le cadre pavillonnaire rappelle évidemment les productions
Amblin), de clins d’œil cinématographique (l’improbable double programme de
cinéma Evil Dead/ La Dernière Tentation du Christ !)
et bien sûr la bande-son gorgée de tubes 80’s toujours placés à bon escient (The Killing Moon dont le texte évoque en
grande partie l’intrigue du film, Under
the milky way de The Church lorsqu’il a une vision des canaux temporels).
Le sommet d’émotion est atteint lors de la séquence finale, après que le chaos,
que cette fin du monde se soit déchaînée. Un mouvement de caméra nous traverser
la nuit agitée de tous les protagonistes du film sur une magnifique reprise de Mad World alors que seul Donnie semble
s’endormir paisiblement, enfin.
L’ensemble du film n’est-il qu’un rêve prémonitoire ou Donnie a vraiment
réussi à remonter le temps et empêcher l’apocalypse ?
La question reste
entière mais Richard Kelly dévoile là le thème au cœur de ses films suivants,
les brillants mais mal aimés Southland
Tales (2005) et The Box (2009).
La peur de la fin peut être surmontée, cet abîme peut être vaincu tant que
l’Homme sera capable d’amour et du sens du sacrifice envers autrui. C’est naïf,
sincère et terriblement juste. C’est la leçon que nous offre Donnie ici et à travers
ce regard complice final entre Gretchen et la mère accablée du héros, on sait
que de cet amour il restera toujours quelque chose, indicible mais flottant
dans l’air.
Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan, et depuis quelques années un director's cut est disponible, pas vu mais il semble que Kelly y cède au surexplicatif au détriment du mystère de ce montage cinéma.
Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan, et depuis quelques années un director's cut est disponible, pas vu mais il semble que Kelly y cède au surexplicatif au détriment du mystère de ce montage cinéma.
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