Maggie a eu quatre
enfants de quatre hommes différents. A la suite d'une liaison violente,
l'assistante sociale lui retire la garde de ses enfants. Elle rencontre Jorge, refugié
latino-américain et parvient enfin au bonheur. Ensemble, ils vont tout tenter dans
un long combat contre l'administration pour reprendre les enfants de Maggie.
Ken Loach réalisait un de ses films les plus poignants et
captivant avec Ladybird. Loach y développait un récit habilement
construit et nettement moins linéaire que ces œuvres précédentes servant un
propos lucide et implacable sur les faillites du système. Le film s’ouvre sur
la rencontre entre notre héroïne Maggie (Crissy Rock) avec Jorge (Vladimir Vega)
émigré sud-américain auquel elle va raconter son histoire illustrée en
flashback. Tout comme il le fera dans Carla’s
Song (1995), Ken Loach évite toute ficelle romantique pour lier ses
personnages. Ce sont les épreuves et les
douleurs qui les lieront, leur détresse
respective qui vont les rapprocher. On apprend ainsi le passé violent et
douloureux de Maggie, l’ayant amenée à avoir quatre enfants de père différents,
à fréquenter systématiquement des hommes brutaux et à en perdre la garde.
Sans négliger le parcours pénible de Maggie, Loach ne la
pose pas non plus en victime innocente du système. Sa responsabilité est
clairement engagée sur certains drames de sa vie tel cet incendie se
déclenchant dans la chambre de ses enfants alors qu’elle se trouve au karaoké
ou sa tentative d’enlèvement lorsqu’ils lui seront retirés une première
fois. Ken Loach ne masque pas les défauts
de son héroïne et critique le système dans la façon dont il l’enfonce dans ses
travers sans lui proposer de vraies solutions
pour s’en sortir. Formant avec
Maggie un couple d’opprimés, Jorge narre à son tour les péripéties l’ayant
menés en Angleterre et sortant d’un régime fasciste il a un regard idéaliste du
fonctionnement des institutions de son pays d’accueil. Comme dans Carla’s Song ou Bread and Roses, Jorge fait office
d’écho à des personnages symptôme s en lutte avec le système.
Cette absence d’accompagnement des institutions se signalera
cruellement lorsque Maggie tentera de remettre de l’ordre dans son existence.
La société ne lui pardonne pas ses erreurs passée et s’appuie sur celles-ci
pour la priver du bonheur. On assistera
ainsi par deux fois à l’enlèvement des
nourrissons du couple de manière physiquement et psychologiquement très
éprouvante, se déroulant à la maternité même. Les tribunaux où vont se défendre
Maggie et Jorge sont des lieux de stigmatisation et d’oppression où leur mode
de vie est scruté et jugé.
Le caractère indompté de Maggie (Crissy Rock à fleur
de peau est époustouflante) de Maggie la rend face à cette injustice incapable
de s’adapter, de jouer le jeu du système pour parvenir à ses fins. On le constatera lors de l’accueil agressif
réservé à l’assistance sociale à chacune de ses visites. Maggie face à ses
désillusions ne devient qu’un bloc de haine et de désespoir, tout comme Jorge
découvrant l’injustice au sein de cette terre promise étrangère. Loach fait
perdre à leur appartement sa dimension apaisante en en faisant un lieu de repli
narcissique et de renoncement. Il perd aussi portée intime avec l’intrusion à
tout moment de la police ou des assistantes sociales.
La conclusion s’avère terrible et paradoxale. On quitte
Maggie après un nouvel et insoutenable enlèvement de son bébé tandis qu’un
carton nous indique qu’elle et Jorge ont finalement pu enfin fonder une famille
mais qu’ils n’ont jamais revus leurs aînés. Loin d’être une facilité (inspiré d’une
histoire vraie l’issue fut effectivement de cet ordre) ce paradoxe exprime
parfaitement le propos de Ken Loach. Contrairement à nombre de ses films, le
réalisateur ne s’attaque pas à l’inefficacité des structures sociales. Leur
action est nécessaire et logique mais ne fonctionne que sur une logique de
privation, de punition ne tient compte que des faits au détriment de l’individu.
Maggie ne sera qu’un pion, qu’une affaire de plus à résoudre pour une entité
froide et austère oubliant l’humain et ne la mettant jamais en position de s’en
sortir. Comme dans Carla’s Song (vrai
film jumeau de ce Ladybird) le poids
du passé s’avère insurmontable et empêche les héros d’avancer.
Sorti en dvd zone 2 français chez Diaphana
Bonsoir, je viens de voir Ladybird, et ne peux que vous féliciter pour votre compréhension de ce film et de ces personnages. Merci pour cela.
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