Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 8 mars 2013

La Tour des ambitieux - Executive suite, Robert Wise (1954)


A la mort de son Président, la Tredway Corporation doit désigner son successeur. S'ensuit une lutte sans pitié entre les actionnaires pour prendre le pouvoir dans la société.

Robert Wise signe un film visionnaire dans sa description des arcanes du fonctionnement des grandes entreprises et des luttes de pouvoir qui s'y jouent. La véracité du cadre dépeint avec brio par Wise tient grandement au roman éponyme de Cameron Hawley qui s'y entendait sur la question puisqu'il fut 24 ans administrateur au sein de la Armstrong Cork Company avant de se consacrer à l'écriture. Tous ses livres s'inspireraient de cette expérience avec des thèmes tournant autour de la pression de la vie moderne et la description du monde des affaires, Executive Suite étant le plus fameux d'entre eux.

Le film s'ouvre sur la vision de ces tours modernes s'élevant à perte de vue, ses occupants étant quasiment associés à des déités inaccessibles aux préoccupations bien éloignées des préoccupations du commun des mortels. La voix off solennelle nous rappelle pourtant bien vite à l'ordre, même à ses hauteur se jouent des passions bien humaine. Wise appuie son propos par un filmage en vue subjective du maître d'une de ces tours, la Tredway Corporation. Tout puissant et craint là-haut, il va pourtant s'écrouler et mourir d'un malaise. Ayant ainsi ramené un des "Dieux" à sa triste fragilité humaine, Wise peut s'appliquer à dépeindre de manière impitoyable les luttes intestines de cette Olympe de la finance.

Plusieurs factions s'y débattent : d'abord le financier ambitieux et plus préoccupés par les chiffres que par les hommes (Fredric March glaçant), un roublard prêt à miser des actions à peine le cadavre du patron entraperçu (Louis Calhern)... A côté de ceux-là uniquement soucieux de leur réussites personnelles les hommes de bonnes volontés tels que l'ingénieur Walling (William Holden) sont entravés dans leurs décisions et visions à long terme par la quête du profit immédiat et enfin les faibles entre cet éternel numéro 2 condamné à rester dans l'ombre (Walter Pidgeon), un indécis suivant le sens du vent en bon bateleur qu'il est (Paul Douglas) et l'héritière dépressive pour qui tout cela est un immense fardeau (Barbara Stanwyck).

Dès la mort du Président annoncée une captivante partie d'échec s'amorce. Avant d'en arriver là Wise aura montré la toute-puissance du disparu, la soumission de ses employés accrochés à l'autorité de ce fauteuil vide qui les fait quitter précipitamment tout ce qu'ils font pour une réunion improvisée, qui peut d'un mot susciter l'espoir ou vous pousser au suicide. L'entreprise est associée à une cour où chaque sujet recherche des faveurs selon ses atouts et une fois le poste vacant tous les coups sont permis pour accéder au sommet. Cela est montré de manière fort subtile avec les anticipations sournoises de Fredrich March usant de la flagornerie, du chantage et de l'espionnage avec u brio machiavélique.

Le film passionne aussi lorsqu'il évoque les sacrifices pouvant se poser dans cette quête de pouvoir, même pour des raisons nobles en faisant intervenir le point de vue des épouses, véritables instigatrices de l'ombre des ambitions de leur hommes qu'elles poussent ou font reculer avec notamment une excellente June Allyson n'acceptant pas de voir s'éloigner Holden de sa trajectoire initiale (seul Fredrich March logiquement associé à une froide machine ne sera pas vu en galante compagnie, frivolité inutile pour lui).

Le film anticipe un capitalisme sauvage dédié au seul profit, où le produit réalisé par l'entreprise, la satisfaction du client et la fierté qui en découle passent au second plan d'une rentabilité immédiate servant les attentes des actionnaires. On est ici à mi-chemin entre cette modernité et une mentalité encore traditionnelle symbolisée par le personnage de William Holden encore ancré dans la réalité des ouvriers, de l'usine et de la manufucture du produit (des meubles dans le film) de qualité. C'est ce qui se joue dans la grandiose joute verbale finale le "bilan" impeccable de Fredrich March s'oppose à la vision plus vaste d'un Holden ne se résumant pas à une calculette humaine.

Si l'issue du film célèbre ces valeurs, la réalité désigne malheureusement un tout autre vainqueur. Porté par un casting de haut vol, Robert Wise rend passionnant tous ces questionnements et fonctionnements complexes par une rigueur narrative sans faille qui ne nous perd jamais dans les enjeux et la multitude d'informations. Executive Suite (bien que précédé par le très bon Marchands d'illusions de Jack Conway) annonce ainsi d'autres visions critique de ce monde des grandes entreprises avec L'homme au complet gris ou Patterns pour les années 50 et au-delà anticipe même le Network de Sidney Lumet.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner et disponible dans le coffret zone 1 consacré à Barbara Stanwyck (solution plus pratique le film étant épuisé et assez cher en individuel) et comme zouvent avec Warner c'est multizone et compatible sur tous les lecteurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire