Une jeune artiste peintre, Kate
Bosworth, passe l'été à Martha's Vineyard, dans la maison d'un cousin.
Elle y fait la connaissance du séduisant Bill Emerson, l'assistant du
gardien du phare. Kate se sent attirée par le jeune homme. Sur ces
entrefaites, débarque Patricia, sa sœur jumelle. Autant Kate est douce
et prévenante, autant Patricia est dure, méchante et sournoise. Patricia
a tôt fait de séduire Bill. Kate s'efface et laisse le couple se
marier. Elle se lance alors à corps perdu dans la peinture. Le hasard la
met à nouveau en présence de Bill, qui lui annonce son prochain départ
pour l'Amérique du Sud, en compagnie de son épouse.
A Stolen Life
est un mélodrame typique du genre et offrant un bel écrin à Bette Davis
qui en fit d'ailleurs le premier (et finalement le seul) film produit
par sa compagnie
B.D. Incorpored.
L'intrigue explore les affres de la gémellité mais dans une veine bien
plus mélodramatique que psychanalytique, se différenciant ainsi
largement du fabuleux
Double énigme
de Robert Siodmak sorti la même année. Cet aspect se traduit par la
façon d'introduire cette notion de gémellité qui arrive de manière assez
surprenante dans le récit. Le tout démarre d'ailleurs par une romance
naissante entre la jeune peintre Kate Bosworth (Bette Davis) et le
gardien de phare Bill Emerson (Glenn Ford), le film multipliant les
jolis moments intimistes et tissant la complicité naissante entre eux,
de la première rencontre à la timide séduction où Bette Davis charme par
sa candeur et timidité (l'aveu dans le phare embrumé).
Cette retenue
attachante de Kate va pourtant s'avérer un terrible défaut lorsqu'entre
en scène sa sœur jumelle Pat au tempérament diamétralement opposé et au
fond bien moins pur. Curtis Bernhardt ne joue jamais d'une quelconque
ambiguïté, n'adopte jamais dans sa mise en scène des artifices amené à
nous faire confondre les jumelles. Si les personnages sont dupes, le
spectateur, lui, ne le sera jamais. Séductrice, élégante et sophistiquée
pour Pat, fragile, timorée et introvertie pour Kate, Bette Davis est
extraordinaire de façon égale dans les deux registres.
Bernhardt
ne cesse d'opposer les deux sœurs dans sa mise en scène, rarement
ensemble au sein d'un même plan (d'ailleurs quand c'est le cas pour le
coup les effets spéciaux sont bien en deçà de ceux extraordinaires de
Double énigme)
mais usant souvent du champ contre champ forcément désavantageux pour
la complexée Kate qui s'est toujours effacée devant sa sœur Pat et ce
sera encore le cas lorsqu'elle lui volera l'homme qu'elle aime. Là le
script va dans une direction surprenante avec le personnage rustre de
Karnok (Dane Clark) peintre torturé qui sachant lire dans les désirs et
les peurs de Kate, la remettant en question en tant que femme et
artiste. Un personnage captivant qui amène Kate à s'interroger et se
remettre en cause, mais qui lui amène aussi l'audace d'endosser
l'identité de sa sœur morte en mer pour se rapprocher de Bill.
Malheureusement l'intrigue cherche à réunir de façon un peu forcée son
couple vedette et expédie nombres de situations intéressantes : on ne
voit jamais vraiment Kate endosser réellement la personnalité de Pat
(alors que l'enjeu est finalement qu'elle s'émancipe de son ombre même
décédée) et s'affirmer, elle reste finalement cette petite chose fragile
et apeurée jusqu'au bout. Karnok, personnage le plus intéressant
disparait au profit d'un Glenn Ford très bon mais dont le Bill manque de
caractère. Un joli mélo un peu policé essentiellement tenu par une
grande Bette Davis mais qui renonce à explorer des zones plus troubles
alors que tout était là pour un résultat plus déroutant.
Sorti en dvd zone 2 chez Warner dans la collection Trésor Warner
Extrait
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