Vienne 1938. Katie O’hara, une jeune
chanteuse américaine, épouse un riche baron proche des nazis, ce qu'elle
ignore. Pat O'Toole un journaliste mondain britannique qui enquête sur
ce mariage, est séduit par Katie et commence à s'intéresser aux
activités de son mari. Il décide alors de les suivre dans leur lune de
miel à travers une Europe en guerre.
Lune de miel mouvementée permet à Leo McCarey, à l'instar du Lubitsch de
To Be Or Not to Be
de croiser drame et comédie pour évoquer la dure réalité de l'invasion
nazie en Europe. S'il n'égale pas le chef d'œuvre de Lubitsch (sorti la
même année mais plus risqué car tourné avant Pearl Harbor et
l'engagement des USA dans le conflit), McCarey signe une grande réussite
aussi charmante qu'audacieuse dans ses élans de noirceur.
Tout
démarre dans la plus grande frivolité avec les préparatifs de mariage de
la faussement distinguée Katherine Butt-Smith dissimulant la vraie
fille de Philadelphie Katie O’hara (Ginger Rogers) avec un baron
autrichien tandis que les troupes allemandes sont aux portes de Vienne.
En une scène de conversation téléphonique avec sa mère restée aux USA,
McCarey pose le caractère de son héroïne, coureuse de château en Espagne
et de distinctions les plus éloignées possibles du milieu populaire
dont elle est issue. Problème, le Baron Von Luber (Walter Slezak) est un
dangereux agent double à la solde des nazis facilitant la chute des
régimes convoités par Hitler par ses manigances. Le journaliste Pat
O'Toole (Cary Grant) tentera de la mettre en garde en vain mais tombé
amoureux, il la poursuivra à travers une Europe à feu et à sang pour la
sortir de ce mauvais pas.
On est ici dans un registre différent de
To Be Or Not to Be
ou la tension et la grosse farce cohabitaient avec un brio confondant.
La légèreté n'intervient là que par l'intermédiaire de ces deux
personnages principaux et elle ne fera que s'estomper au fil de la prise
de conscience de Ginger Rogers et de notre découverte d'un monde en
plein chaos. On rit ainsi bien fort lors du quiproquo voyant Cary Grant
se faire passer pour le couturier afin d'approcher Rogers (ou dans sa
manière de prononcer le Butt de Butt-Smith les anglophones s'esclaffent
et le Code Hays ne voit pas passer l'injure) , son jeu de saxophone dans la cabine voisine d'un train et quelques
autres petits gags bien sentis. McCarey introduit ainsi joliment la
romance naissante où les regards insistants et l'attirance se font jour
entre deux pitreries mais aussi l'inconscience de Ginger Rogers sur la
situation et les enjeux lors de ce moment où Grant lui fait écouter une
allocution radio prouvant la duplicité de son fiancé sans réaction de sa
part.
Ginger Rogers dans son registre de fille du cru (hilarante scène
où elle teste un espion en imitant tous les accents des Etats
américains) n'a que faire de ces affaires politiques, non, pour elle
l'éveil viendra bien sûr du contact avec le réel plus que par de grands
discours. On découvrira ainsi la vraie bonté qu'abrite le personnage
lorsqu'elle sauvera sa femme de chambre juive et ses enfants en lui
confiant papiers et vêtements. Le réel s'invite aussi dans ces visions
de destruction du ghetto de Varsovie où lors de ce passage où Grant et
Rogers subissent l'ignominie des camps lorsqu'ils seront pris pour des
juifs, choix osés dans le cinéma Hollywoodien de l'époque (qui au mieux
ne faisaient que les évoquer sans les montrer).
En y regardant
bien, le film est clairement le parcours initiatique de Ginger Rogers,
Cary Grant ne servant que de guide et révélateur de cette réalité pour
elle. Après la prise de conscience (la traversée d'une Europe tombant
sous le joug de l'envahisseur), la dernière partie est celle de
l'engagement, concrétisant le cheminement de Kathie. De spectatrice
impuissante, elle passe à une vraie opposition en s'improvisant
espionne. Ginger Rogers est très touchante ce registre habilement amené
par McCarey notamment dans l'hésitation entre de ces nouveaux devoir (et
ce patriotisme réveillé) et son amour pour Cary Grant notamment ce
dernier dîner romantique où elle n'ose lui dire ses projet.
Cary Grant
est tout aussi parfait et à contre-courant : voilà un héros masculin qui
ne fait finalement qu'accompagner l'héroïne, ne la sauve concrètement
jamais (voir l'évasion finale ou la fin de l'infâme baron) mais s'avère
totalement indispensable. C'est une sorte d'ange gardien aidant Ginger
Rogers à poser le regard là où il faut, à se poser les vraies questions
et c'est à elle de faire le reste du chemin. Et bien évidemment il est
toujours aussi irrésistible de drôlerie, sa réaction ahurie sur le
bateau quand il pense avoir vu quelqu'un passer par-dessus bord est à
pleurer. Un beau McCarey donc, intelligent, romantique et engagé.
Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse dans la collection RKO
Extrait
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