Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 26 novembre 2022

Confession à un cadavre - The Nanny, Seth Holt (1965)

Joey Fane a dix ans lorsqu'il rentre chez lui après être resté dans un établissement scolaire spécialisé à la suite de la mort tragique de sa jeune sœur. Il crée beaucoup d'agitation, refuse de manger quoi que soit et refuse que sa nourrice s'approche de lui, l'accusant de vouloir le tuer. Tout le monde suppose que son comportement est dû à la grande agitation subie par la perte de sa sœur mais il apparaît que le petit garçon n'a pas tout à fait tort d'avoir certains doutes…

Le film Hurler de peur de Seth Holt (1961) avait eu un succès mitigé en Angleterre mais avait rencontré un accueil bien plus positif en Europe et aux Etats-Unis. La Hammer y voit donc un nouveau filon commercial à exploiter, celui du thriller psychologique à tendance hitchcockienne. The Nanny en reprend donc deux des principaux contributeurs, le scénariste/producteur Jimmy Sangster et le réalisateur Seth Holt. En vedette on trouve Bette Davis qui, relancée par les succès de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (1962) et Chut, chut, chère Charlotte (1965) de Robert Aldrich allait voir sa carrière entamer une seconde vie fructueuse. Déjà du temps de sa gloire, Bette Davis n’hésitait pas à lorgner vers les rôles borderline soulignant la monstruosité intérieure comme extérieure de ses personnages, allant loin dans l’enlaidissement comme la perfidie. L’âge aidant, la star plonge de plain-pied dans ce type d’emploi, exploitant son physique atypique qui lui conférait une présence si différente jeune et constitue désormais une vrai puissance évocatrice grâce à l’usure du temps.

Ainsi toute la première partie du film mais peser une indicible ambiance anxiogène dans le foyer, Bette Davis sous la bienveillance dégageant une menace implicite pour le spectateur quand l’antipathique garçonnet Joey (William Dix) offre un paradoxe inversé avec bouille attachante. Seth Holt se montre très habile pour distiller ce mélange de tension domestique et de paranoïa, escamotant par l’ellipse toutes les pistes de la duplicité de Nanny (Bette Davis) et laissant planer le doute sur la folie de l’enfant. Cette angoisse se prolonge dans la caractérisation des autres personnages, entre ce père (James Villiers) démissionnaire et absent, puis la mère femme/enfant encore sous le joug de Nanny qui fut aussi sa nourrice. Cela donne quelques scènes délicieusement troubles tel ce moment où Nanny reprend ce ton mêlé d’autorité et de douceur pour obliger la mère à manger, comme si cette dernière n’était jamais devenue adulte. Les adultes sont soit dupé par la gentillesse respectable de Nanny, soit soumis à elle malgré eux et le petit Joey est le seul, à tort ou à raison, à lui résister farouchement.

La construction est habile en distillant au compte-goutte les informations sur le décès tragique de la petite sœur, faisant par là basculer le ton entre drame psychologique et pur thriller. Seth Holt alterne entre mise en scène posée, façonnant le suspense par une capture géométrique de l’appartement où il travaille le cadre dans le cadre et une confusion faîtes de zoom agressifs, de mouvements heurtés exprimant la frayeur et le pur désordre psychique. Si Bette Davis est magistrale en méchante inquiétante, ambiguë et pathétique, il manque un petit quelque chose à la figure du petit garçon pour pleinement susciter la peur et l’empathie sous le côté agaçant. Par exemple Une incroyable histoire de Ted Tetzlaff (1949), autre classique du thriller enfantin, était bien plus impliquant et rendait la puérilité de son jeune héros plus attachante. Il s’agit néanmoins d’un suspense Hammer rondement mené qui satisfera les amateurs.


 Sorti en bluray français chez BQHL

 

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