Dong-chun va à l’école primaire, mais la journée ne s’arrête pas lorsque retentit la sonnerie. Art, sciences créatives, taekwondo… chaque jour de la semaine, la fillette enchaîne les cours du soir. Un jour, lors d’une sortie scolaire, elle trouve une bouteille de makgeolli. Dong-chun en est sûre, cet alcool de riz cherche à communiquer avec elle. Mais que veut-il lui dire ?
Premier long-métrage de la réalisatrice Kim Damin, FAQ est un objet inclassable se situant entre fable enfantine, drame social et fantastique. Au premier abord, le film semble évoquer le climat de pression sociale et de course à la réussite entourant les coréens dès le plus jeune âge. Ce thème constitue tout un corpus du cinéma coréen contemporain, ayant donné de remarquables œuvres explorant la question au stade de l’adolescence et l’obtention du fameux Suneung (équivalent coréen du baccalauréat) comme Suneung de Shin Su-won (2013) ou After my death de Kim Ui-seok (2017), mais aussi chez les enfants et préados dans le magnifique The World of us de Yoon Ga-eun (2016). On se rapproche de cette tranche d’âge avec Dong-chun (PARK Na-eun), fillette de CM1 vivant sous la pression douce mais ferme d’une mère PARK Hyo-ju bien décidée à lui façonner un avenir doré.
Le début du film crée un décalage amusant entre la présence chétive, silencieuse et introvertie de Dong-chun et les exigences précoces auxquelles elle est soumise – cours d’art, de taekwondo, de langues après l’école qui rendent ses journées toujours plus longues. Une des premières scènes montre ainsi la fillette tétanisée devant le public durant un concours de chant, et manquant de défaillir malgré les encouragements de ses parents. Les interactions avec ses camarades de classes sont rares, tant Dong-chun est en décalage. Déjà surchargée d’activités, notre héroïne préfère la torpeur plutôt que l’implication dans les loisirs de son âge, et sa seule « amie » est en réalité une concurrente subissant le même agenda de ministre qu’elle. Les perspectives de Dong-chun sont si cloisonnées que même les amis « imaginaires » lui apparaissant dans les moments difficiles proviennent de dessins d’un de ses cahiers d’exercices, et ne lui prodiguent que des conseils susceptibles de la faire rentrer dans le moule attendu par sa mère et la société. Un élément extérieur et improbable va pourtant venir égayer le quotidien de Dong-chun, lorsqu’une bouteille de magkeoli (alcool de riz coréen) semble vouloir entrer en contact avec elle. La communication en morse fraîche découverte à l’école va lui servir à interagir avec l’objet vivant, dont les messages doivent être retranscrits en perse, dernier cours du soir imposé par sa mère. Cette association de sources improbables pour se créer une fenêtre sur l’ailleurs semble en tout point une béquille psychique pour la fillette afin d’échapper à cette existence pénible. Pourtant cette relation va déboucher sur des évènements et coïncidences mettant le doute sur l’interprétation purement imaginaire des visions de Dong-chun. La réalisatrice Kim Damin avait déjà réenchanté l’existence d’un enfant solitaire dans son court-métrage Ungbi and non-humans friends. Cet argument sert autant de moteur à l’observation d’une candeur enfantine que de révélateur des failles adultes. Pour la mère, sortir du rang est une malédiction, une tare dont n’a pu échapper son frère (KIM Hee-won) vivant en marginal. Au monde intérieur bariolé de Dong-chun ou à l’excentricité de ce frère encombrant, Kim Damin oppose donc les contours rassurants ternes et uniformes de l’appartement familial. C’est une prison dorée et aseptisée, parasitée de l’intérieur par ce compagnon liquide qui stimule l’humeur de Dong-chun, qui en éveillant sa nature fantasque la fait paradoxalement se distinguer et remarquer comme l’espérait tant sa mère. En digérant et réinterprétant la somme de connaissance trop précoce que l’on a voulu lui imposer - sans réponse concrète des adultes au motif de ce cumul-, Dong-chu fait de sa différence un atout apte à non pas s’accomplir dans la société coréenne (et par extension humaine), mais au-delà. Les circonvolutions et errements volontaire du récit, à hauteur d’enfant, s’avère en effet tracer une piste secrète vers un ailleurs dans une sorte de variation en culotte courte de Rencontres du Troisième type d Steven Spielberg (1977). Ce jusqu’au-boutisme dans l’étrangeté est un des grands tours de force du récit, assumant son parti-pris SF et fantastique avec une grande poésie et audace. S’il fallait faire une comparaison, l’on pense longtemps être dans un pendant coréen de Kore-eda ou Shinji Somai, alors qu’il s’agit plutôt d’une fable surréaliste à la Nobuhiko Obayashi. Un premier film qui dessine un univers fascinant et original qui ne demande qu’à être poli.Découvert au Festival du Film Coréen à Paris
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