Peintre, dessinateur
et photographe, Seiu Ito se passionne pour le bondage. Ses modèles : ses deux
épouses et une prostituée, dont la ressemblance avec sa première femme
l'entraîne dans une spirale sadienne.
Noboru Tanaka avait su montrer l’enchevêtrement dangereux et
vénéneux liant le sexe, la douleur et la mort dans des œuvres aussi déroutantes que La Véritable histoire d’Abe Sada (1975)
et La Maison des perversités (1976). Le réalisateur signe son film le plus
abouti sur ce thème avec le bien nommé Bondage.
Tanaka transpose en image les préceptes de l’artiste japonais Seiu Ito.
Celui-ci fut un véritable chantre de la pratique du bondage à laquelle il
consacra toute sorte de disciplines artistiques. D’abord la performance
immortalisée par la photographie où il mettait en scène sa propre épouse
ligotée dans les poses les plus diverses.
Viendrait ensuite le rôle de
précepteur avec des supports (photos, illustrations, cartes postales) montrant toutes les formes que peut prendre
l’art du bondage. Enfin il ferait office d’historien de la pratique (lui-même
s’étant inspiré des mythes nés des annales judiciaire de l’ère Edo rapportant
les punitions faîtes aux femmes) avec des ouvrages de références dont une
Histoire illustrée populaire des crimes et châtiments célèbres au Japon.
Noboru Tanaka parvient avec brio à retranscrire cet esprit à
la fois didactique, pervers et troublant dans Bondage. Sorte de portrait fantasmé de Seiu Ito (ici incarné par Hatsuo
Yamaya), le film se fait l’illustration cruelle et passionnée du bondage. La
narration nous livre ainsi deux visions. L’’une en flashback où l’on verra Ito
expérimenter différente forme de sévices sur son ancienne épouse consentante.
Montrés dans leurs crudités et violence sans explications, le sadisme des
exactions interpelle et le plaisir ne semble exister que dans le regard
concupiscent et fou de l’artiste. Le présent nous montre la rencontre entre Ito
et sa nouvelle « disciple », Taé (Junko Miyashita).
Là encore c’est
domination et la brutalité qui semble guider la pratique lors de la première
expérience où Ito ligote et possède Taé. Un saisissant renversement s’opère
lors de la scène où le choc et la stupeur de Taé se transforme en intense
plaisir, la faisant passer en une étreinte fiévreuse de victime à partenaire
idéale. Une nouvelle fois Junko Miyashita se montre d’une sensualité et abandon
incandescent (obligé de se calmer avec la neige tomber à l’extérieur),
littéralement transfigurée en une séquence saisissante.
Dès lors vont défiler les pratiques les plus
douloureuses/exaltantes, Seiu Ito tenant alors son rôle d’initiateur à l’écran
et en voix-off pour nous les expliquer en détail. On retiendra notamment celle
de « la poulie » où Taé est suspendue par les cheveux et dans l’obligation
de rester sur la pointe des pieds pour ne pas encourir d’horrible souffrance. Le
visage de Taé où se lisent souffrance et plaisir et les expressions inattendues
qui s’y révèlent constitue la recherche, le plaisir suprême pour Seiu Ito.
Contrairement aux premières séquences ambigües, ce plaisir semble cette fois
partagé avec des partenaires se complétant dans leur quête SM. Cette odyssée du
plaisir et de la douleur n’a pas de limite, tant à l’écran que sur le tournage
tant le don de soi de Junko Miyashita interpelle sur certaines scènes. On pense
à ce moment où elle est plongée dans un lac gelé et surtout ce plan d’une
sidérante beauté la montrant suspendue en kimono dans une lande enneigée sous le
regard admiratif et aimant d’Ito. Le regard vide et en pure extase de Taé
exprime bien le pur don de soi que constitue ce moment pour la jeune femme qui
s’y oublie totalement.
La mise en scène de Tanaka sait comme toujours
capturer la furie du désir comme le lent et douloureux raffinement du bondage
dans une réflexion plus proche de Georges Bataille que du Marquis de Sade. Il
parvient réellement à élever la perversité au rang d’œuvre d’art par la beauté
formelle du film et à sa compréhension du bondage, à la fois douloureux et
joyeux sans être distant ni moqueur. Une approche parfaitement résumée par l’ultime
séquence à l’humour noir très particulier. Le dépit de son amante défunte, Seiu
Ito l’exprimera par le regret de ne pas avoir expérimenté de nouveaux sévices
sur son cadavre. Un pur diamant noir et une des plus belles réussites de
Tanaka.
Sorti en dvd zone 2 français chez Zootrope
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