Au début du vingtième siècle, Claude (Jean-Pierre Léaud),
un jeune Français dandy et collectionneur (de femmes autant que d'œuvres
d'art), fait la connaissance d'une jeune Anglaise, Ann (la fille d'une amie de
sa mère), qui l'invite à passer ses vacances dans sa famille, au Pays de
Galles. Celle-ci va lui présenter sa sœur Muriel, et va pousser Claude à tomber
amoureux de sa sœur. Les deux Anglaises, puritaines, sont surprises et charmées
par ce jeune Français libertaire, qu'elles appellent « le Continent ».
10 ans après Jules et Jim, Truffaut adaptait à nouveau Henri Pierre Roché pour un second récit de triangle amoureux avec cette fois l'homme partagé entre deux femmes (et une certaine dimension fantasmatique du fait qu’elles soient sœurs). Le roman s'inspirait du vécu de Roché qui grand séducteur se sera souvent retrouvé dans ce type de situations et les éléments des films repris du livre maintiennent le rapprochement à travers le personnage de Jean Pierre Léaud séducteur, amateur d'art et de femmes. Grande différence avec Jules et Jim si ce dernier était en grande partie un film ouvert, aérien en forme d'ode à la vie Les Deux Anglaises explore lui d'une manière bien plus intimiste et intériorisée les tourments et douleur associés à l'amour.
Le récit étale cette romance à trois sur 20 ans, de
l'indécision à la découverte puis le passage de l'une à l'autre des sœurs pour
le héros. La première partie au Pays de Galles (et tournée en fait en
Normandie) est remarquable, définissant les personnalités des sœurs et les
motifs de l'attirance pour chacune d'elles : l'épanouie et aimante Ann tandis
que la cadette Muriel fait preuve d'un tempérament bien plus passionné et
torturé. Les scènes de première fois bien plus tard seront d'ailleurs à cette
image. Une des plus belle séquences de Truffaut avec Ann où Claude prend son
temps pour mettre en confiance la jeune femme le temps d'un séjour à la
campagne tandis que ce sera fiévreux et intense avec Muriel lors de la
conclusion.
Le film reprend la structure épistolaire du livre entre lettre et
extrait de journaux intimes pour chacun des personnages (sauf pour Ann
étrangement) auquel il ajoute une voix off à la troisième personne dictée par
Truffaut lui-même. Chez tout autre le procédé pourrait être très lourd
notamment dans l'illustration visuelle très simple de ses échanges (personnage
se répétant à voix haute le contenu de son courrier, voix off ou encore fondu
enchaîné sur le visage de celui/celle qui écrit) mais Truffaut maîtrise comme
personne cet art de mêler des éléments typiquement littéraire à une forme
cinématographique.
Visuellement c'est sans doute un de ses films les plus
aboutis et recherchés, aidés par la photo naturaliste de Nestor Almendros et
l'élégante musique de Georges Delerue. Les scènes heureuses du début font ainsi
preuve d'une grâce et d'une mélancolie nostalgique palpable, les moments les
plus dramatiques étant eux porté par une intensité pesante à souhait. Jean
Pierre Leaud dans son premier Truffaut hors du cycle Doinel est excellent,
séducteur et immature à la fois en "continent" visé par les deux
anglaises où Kika Marham serait la force tranquille et Stacey Tendeter
(formidable alors que le rôle aurait pu être horripilant) en volcan éteint ou
en éruption. Sortie en pleine période post 68 très politisée, la vision
intimiste et désuète de Truffaut ne rencontrera pas son public malgré le
profond investissement personnel qu'il y avait mis au point d'en couper 20
minutes qu'il réintègrera à la fin de sa vie.
Sorti en dvd zone 2 français chez Mk2
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