Dans la Chine médiévale, la virilité est signe de puissance : si un
noble constate que son domestique possède un membre plus imposant que le
sien, celui-ci peut se fâcher tout rouge. C'est ce qui arrive au valet
de Ming (Lawrence Ng), blessé dans l'entrejambe par son maître d'un coup
de couteau. Pris de regret, le maître conduit le blessé chez un
guérisseur-sexologue un peu obèse mais surtout très fou (Kent Cheng) !
Le remède de ce zinzin : greffer un zizi de cheval qui en pleine forme
atteint la respectable longueur de 50 centimètres, quelle forme ! Adepte
de la mini-guillotine pour l'amputation de l'ancien membre, il faut un
orage obligatoirement pour que le praticien rentre en transe et que
l'opération soit possible. Maintenant bien monté, Ming peut enfin
culbuter sa femme ainsi que d'autres demoiselles qui ne résisteront pas à
l'animal.
Une des raisons du succès du fameux Histoires de fantômes chinois
de Ching Siu Tung et Tsui Hark (1987) était son mariage réussi en
fantastique, romance, renouveau du récit en costume et un érotisme ouaté
et délicat apportant un piquant inattendu à l'ensemble. On y conservait
un raffinement esthétique auquel s'ajoutait cette dimension érotique
qu'on trouvait déjà dans certaines des meilleures réalisations de Chu
Yuan à la Shaw Brothers comme Intimate Confession of a Chinese Courtesan (1972) ou Le Complot des clans (1977) Sex and Zen
reprend ces éléments de recherche formelle, érotisme et même quête
initiatique mais en déplaçant complètement le curseur. Il faut dire que
le film s'inscrit dans la fameuse Catégorie 3, cette classification à la marge autorisant tous les excès au sein du cinéma hongkongais. Sex and Zen adapte donc le classique de la littérature érotique chinoise La Chair comme tapis de prière
écrit par Li Yu au 17e siècle. Le film reprend les préceptes charnels
du roman qui constituait une véritable charge contre le puritanisme du
confucianisme.
L'aspect intéressant sera la manière dont la
grivoiserie (marquée par le toujours très gras humour cantonais) se
mariera à ce visuel stylisé et au respect du propos du roman. Le récit
met en parallèle les destins de différents personnages n'existant que
pour l'assouvissement de leur libido. Le jeune noble Meng (Lawrence Ng)
n'a ainsi, malgré les avertissements de son maître, comme unique but que
de séduire et faire découvrir le plaisir au plus de jeunes femmes
possible. L'entreprise commencera par sa nouvelle épouse réticente mais
qui au bout de quelques mois d'initiation deviendra une véritable chatte
en chaleur insatiable. Dès lors d'autres conquêtes s'imposent mais Meng
va être confronté à un problème de taille, précisément celle de ses
attributs qui le complexe. Le recours à un chirurgien farfelu expert en
greffe improbable va faire de notre héros un étalon au sens propre du
terme, auquel plus aucune femme ne résistera. Le film évite le machisme
inhérent au Pinku Eiga japonais avec une bonne dose de second
degré tournant en ridicule toutes les démonstrations de virilité des
personnages masculins.
La scène de greffe est monument de grotesque et
d'excès graveleux, et les coïts les plus intenses tout en montrant la
testostérone surdimensionnée des hommes, la fustige et la moque. Cela se
fera en déployant ces tares masculines à travers les différents
protagonistes, que soit la vanité de Meng ou la brutalité de Wong Chut
(Elvis Tsui) pour lequel "satisfaire" sa femme relève de la soumission
avilissante. Toute la trame fonctionne ainsi, à la fois dans des
séquences érotiques qui renversent de plus en plus les rapports de force
homme/femme (Meng entraîné vers un inattendu trip SM par une amante, et
desséché à la manière du Calmos (1976) de Bertrand Blier par une
horde de harpies en rut) mais aussi la structure du récit où comme une
boucle les hommes se retrouvent et paient chèrement leurs excès. Le
final étonnement dramatique et moral remet tout ce qui précède en
question et finalement s'avère à contre-courant du message du roman.
Visuellement
Michael Mak offre un spectacle haut de gamme et surprenant par son
approche explicite qui se démarque de l'érotisme chichiteux de Hong
Kong. Chaque scène érotique constitue un écrin savamment amené par le
réalisateur laissant monter la tension, l'explosion se faisant dans des
compositions de plan stylisée - notamment en reproduisant l'iconographie
érotiqu chinoise classique. Plus le récit avance, plus ces scènes de
sexe semblent s'éloigner de la réalité. Michael Mak a bénéficié d'un
budget conséquent, alternant par intermittence la vraie classe des
reconstitutions de la Film Workshop de Tsui Hark avec une esthétique
plus vulgaire et tapageuse. A certain moment très crus et riche en
détails salés (un instrument qui vient pimenter la teneur d'une scène
lesbienne épique) succèdent d'autre plus surréalistes et onirique
notamment le final où Meng est séquestré par des jeunes femmes le
brisant dans sa toute puissance.
Les actrices sont toutes magnifiées par
un Michael Mak (venu du cinéma d'action et donc assez brillant pour
dynamiser l'ensemble) qui multiplie les effets de cadrages, de lumière,
d'insert lascif pour faire monter la tension érotique. Il parvient ainsi
à distiller quelques moments réellement singuliers (et des idées folles comme faire doubler les scènes érotique des actrices japonaises plus ardentes), et revisite même en
plus corsé des scènes cultes d'autres films (la scène de la bassine de Histoire de fantôme chinois
prend un tour bien moins chaste). Au final un spectacle drôle, excitant
et sans doute le film érotique le plus chiadé formellement d'un genre
qui en compte finalement bien peu.
Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo
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