Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

lundi 17 juillet 2017

Out of the Blue - Dennis Hopper (1980)

Alors qu’il roulait dans son camion avec sa fille Cebe, Don Barnes a percuté un bus de ramassage scolaire. Cet accident tragique coûta la vie à de nombreux enfants et lui valut une peine de cinq ans d’emprisonnement. Quand il sort enfin de prison, il retrouve son épouse Katie, junkie paumée qui avait tenté de se reprendre en main en choisissant comme amant Paul, un barman protecteur. Leur fille est une adolescente fascinée par la musique et le mouvement punk, qui veut vivre en oubliant les blessures du passé. Ces trois paumés de l’Amérique profonde rêvent néanmoins de former à nouveau une famille unie.

Dix ans après l'accueil catastrophique et l'échec de The Last Movie (1971), Dennis Hopper va effectuer un inattendu retour sur le devant de la scène avec Out of Blue. Entre les deux films, l'existence d'Hopper a littéralement sombré dans un tourbillon d'excès et de films obscurs d'où surnagent heureusement les classiques L'Ami Américain de Wim Wenders (1979) et surtout Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Out of the blue se présente donc comme un projet alimentaire pour un Dennis Hopper au creux de la vague qui a surtout besoin de travailler. Le film est au départ réalisé par le scénariste Léonard Yakir qui ne s'en sort pas, accumule les retards et dont les rushes sont inutilisables au bout de six semaines de tournage.

Le producteur sollicite alors Dennis Hopper afin de reprendre le flambeau sous peine d'arrêt de la production, avec la contrainte de boucler le projet en quatre semaines. Hopper relève le défi tout en changeant radicalement le ton et la portée du film. Au départ il devait jouer le père incestueux d'une adolescente qui serait sauvée par l'aide d'un psychologue joué par Raymond Burr. Le rôle de ce dernier est réduit à deux apparitions, la portée positive et bienveillante disparaissant avec lui pour un traitement bien plus radical.

On peut voir Out of the blue comme un prolongement terminal de l'idéologie libertaire exploré par Hopper dans le fameux Easy Rider (1969) et The Last Movie par l'entremise du mouvement punk où se plonge corps et âmes Cebe (Linda Manz) pour fuir ses démons. L'adolescente rebelle arpente de son allure garçonne et déterminée les environnements les plus sinistres ou euphorisant, les squats glauques alternant avec les scènes de concert électrisantes. C'est le seul exutoire pour la jeune fille se convaincant à coup de mantra typique de l'époque (Disco sucks). Le trauma de l'incident de la route originel ayant brisée la famille pèse lourdement et empêche toute possibilité de rédemption. L'environnement white trash sordide, le souvenir de l'accident ravivé constamment par la rancune des victimes et la nature autodestructrice du personnage d'Hopper ramènent constamment vers la fange.

La photo de Marc Champion maintient un sentiment de grisaille hivernale sans espoir qu'exprime la prestation de Dennis Hopper. La culpabilité détermine une attitude pathétique entre ange maladroit et démon imprévisible que prolonge Sharon Farrell en mère junkie. Le My My, Hey Hey (Out of the Blue) et son leitmotiv Out of the blue / Into the black imprègne de son spleen tout le film, entre profonde mélancolie et résignation. Linda Manz déjà impressionnante dans Les Moissons du ciel de Terence Malick (1978) incarne par son énergie la seule force vitale du récit, la caméra d'Hopper accompagnant dans des travellings nerveux sa silhouette fébrile lors de ses déambulations incertaines. L'Amérique déchue s'incarne dans cette fascination pour Elvis fraîchement disparu, le passé douloureux étant insurmontable tant pour la jeunesse (Cebe retrouvant seule ses réflexes de petite fille en suçant son pouce) tandis que des éléments épars suggèrent un passé hippie pour les parents et donc un possible avenir des héros de Easy Rider (la photo d'Hopper avec une casquette en cuir.

Puis soudain arrive ce tétanisant final révélant un trauma originel plus intime et horrible que l'accident, signe que tout espoir de réunion était inutile. Hopper aura finalement retenu le no future de cette culture punk qu'il illustre, un stade nihiliste et définitif de la liberté exprimée dans Easy Rider. Out of the blue constitue donc le dernier volet d'une trilogie, la suite de la carrière de réalisateur de Dennis Hopper prenant des détours plus conventionnels sans être inintéressants.

Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire