Alors qu’il roulait dans son camion avec sa fille Cebe, Don Barnes a
percuté un bus de ramassage scolaire. Cet accident tragique coûta la
vie à de nombreux enfants et lui valut une peine de cinq ans
d’emprisonnement. Quand il sort enfin de prison, il retrouve son épouse
Katie, junkie paumée qui avait tenté de se reprendre en main en
choisissant comme amant Paul, un barman protecteur. Leur fille est une
adolescente fascinée par la musique et le mouvement punk, qui veut vivre
en oubliant les blessures du passé. Ces trois paumés de l’Amérique
profonde rêvent néanmoins de former à nouveau une famille unie.
Dix ans après l'accueil catastrophique et l'échec de The Last Movie
(1971), Dennis Hopper va effectuer un inattendu retour sur le devant de
la scène avec Out of Blue. Entre les deux films, l'existence d'Hopper a
littéralement sombré dans un tourbillon d'excès et de films obscurs
d'où surnagent heureusement les classiques L'Ami Américain de Wim
Wenders (1979) et surtout Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Out of the blue
se présente donc comme un projet alimentaire pour un Dennis Hopper au
creux de la vague qui a surtout besoin de travailler. Le film est au
départ réalisé par le scénariste Léonard Yakir qui ne s'en sort pas,
accumule les retards et dont les rushes sont inutilisables au bout de
six semaines de tournage.
Le producteur sollicite alors Dennis Hopper afin de
reprendre le flambeau sous peine d'arrêt de la production, avec la
contrainte de boucler le projet en quatre semaines. Hopper relève le défi
tout en changeant radicalement le ton et la portée du film. Au départ il
devait jouer le père incestueux d'une adolescente qui serait sauvée par
l'aide d'un psychologue joué par Raymond Burr. Le rôle de ce dernier
est réduit à deux apparitions, la portée positive et bienveillante
disparaissant avec lui pour un traitement bien plus radical.
On peut voir Out of the blue comme un prolongement terminal de l'idéologie libertaire exploré par Hopper dans le fameux Easy Rider (1969) et The Last Movie
par l'entremise du mouvement punk où se plonge corps et âmes Cebe
(Linda Manz) pour fuir ses démons. L'adolescente rebelle arpente de son
allure garçonne et déterminée les environnements les plus sinistres ou euphorisant, les squats glauques alternant avec les scènes de concert
électrisantes. C'est le seul exutoire pour la jeune fille se convaincant
à coup de mantra typique de l'époque (Disco sucks). Le trauma de
l'incident de la route originel ayant brisée la famille pèse lourdement
et empêche toute possibilité de rédemption. L'environnement white trash
sordide, le souvenir de l'accident ravivé constamment par la rancune des
victimes et la nature autodestructrice du personnage d'Hopper ramènent
constamment vers la fange.
La photo de Marc Champion maintient un
sentiment de grisaille hivernale sans espoir qu'exprime la prestation de
Dennis Hopper. La culpabilité détermine une attitude pathétique entre
ange maladroit et démon imprévisible que prolonge Sharon Farrell en mère
junkie. Le My My, Hey Hey (Out of the Blue) et son leitmotiv Out of the blue / Into the black imprègne de son spleen tout le film, entre profonde mélancolie et résignation. Linda Manz déjà impressionnante dans Les Moissons du ciel
de Terence Malick (1978) incarne par son énergie la seule force vitale
du récit, la caméra d'Hopper accompagnant dans des travellings nerveux
sa silhouette fébrile lors de ses déambulations incertaines.
L'Amérique déchue s'incarne dans cette fascination pour Elvis
fraîchement disparu, le passé douloureux étant insurmontable tant pour
la jeunesse (Cebe retrouvant seule ses réflexes de petite fille en
suçant son pouce) tandis que des éléments épars suggèrent un passé
hippie pour les parents et donc un possible avenir des héros de Easy Rider (la photo d'Hopper avec une casquette en cuir.
Puis
soudain arrive ce tétanisant final révélant un trauma originel plus
intime et horrible que l'accident, signe que tout espoir de réunion
était inutile. Hopper aura finalement retenu le no future de cette culture punk qu'il illustre, un stade nihiliste et définitif de la liberté exprimée dans Easy Rider. Out of the blue constitue
donc le dernier volet d'une trilogie, la suite de la carrière de
réalisateur de Dennis Hopper prenant des détours plus conventionnels
sans être inintéressants.
Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine
Tótem (2024) de Lila Avilés
Il y a 35 minutes
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