Jordan et Amy, deux
ados punks et rebelles du fin fond des États-Unis, rencontrent au hasard d'une
fête bien arrosée Xavier, un étrange individu qui va alors les impliquer dans
une série de meurtres sanglants alors que des événements étranges vont les
poursuivre, les plongeant petit à petit dans un cauchemar psychédélique alors
que le jeune couple se transforme en ménage à trois.
The Doom Generation
est le deuxième volet de la « trilogie de l’apocalypse » de Gregg
Araki, suivant Totally Fucked Up
(1993) et précédant Nowhere (1997). On
retrouve donc là ce mélange d’hédonisme adolescent, de sexe et de violence
tapageuse ici dans une même approche schizophrène typique d’Araki. Le scénario
reprend ainsi le motif classique des adolescents criminels en fuite vu dans Les Amants de la nuit (1949) de Nicholas
Ray ou encore Bonnie and Clyde (1967)
d’Arthur Penn. Araki renoue aussi avec le croisement d’innocence juvénile qui
caractérisait les personnages et une violence qui les dépasse. Le couple d’ado
punk Jordan (James Duvall) et Amy (Rose McGowan) apparaît ainsi à la fois
libéré dans une ouverture tapageuse en boite de nuit mais finalement aussi
timoré, la peur du sida étant un prétexte (puisque tous deux sont encore vierges)
refrénant leurs ardeurs. Lorsque le tourmenté Xavier (Jonathan Schaech) vient s’immiscer
parmi eux, son influence illustre cette idée de libération et de tumulte.
La sexualité se libère pour Jordan et Amy passant enfin à l’acte, pour s’émanciper de la norme avec le
détonant ménage à trois qui va se constituer. Seulement cette liberté va se
faire au prix d’une perte de repère dans la violence par l’entremise de Xavier,
véritable agent du chaos introduit par une scène de rixe et qui provoque une
bascule nihiliste de plus en plus prégnante par ses débordements sanglants et
grotesque. Dès lors le cadre du récit devient de plus en plus stylisé et irréel
(le déco différentes chambres de motels parcourues constituant une œuvre en
soit), que ce soit un rattachement familial rapidement expédié ou des
rencontres de plus en plus folles et excentriques. La bande-son va dans ce
sens, les plages planantes de Slowdive ou Cocteau Twins accompagnant les
visions contemplatives de ce road movie tandis qu’un rock plus nerveux
accompagne les éclairs de violence.
Cette dichotomie devient plus incertaine au
fil de la perte de repères, notamment dans les scènes de sexe où la douce
candeur de Jordan alterne avec l’agressivité torride de Xavier. Gregg Araki l’illustre
par sa mise en scène de ces instants, les plans fixes et les couleurs douces
des étreintes Jordan/Amy étant contredites par le montage chaotique, la furie
rock’n’roll et les pratiques audacieuses (dont un doigt placé à un endroit
singulier de l’anatomie du partenaire) des coïts Xavier/Amy. Jordan par son
innocence et sa nature androgyne est un élément d’équilibre, Xavier par sa
bisexualité et tempérament brutal celui de l’ambiguïté et Amy celui de la
confusion. C’est finalement par le désir qu’elle suscite au sein du trio mais
également face au monde extérieur (des ex amants imaginaire de plus en plus
menaçants semblant la reconnaître et la poursuivant de leurs assiduités)
changeant et de plus en plus cauchemardesque qu’elle bouleverse la tonalité d’ensemble.
Elle participe à la promiscuité gay de Jordan et Xavier tout en étant un pur
objet de désir magnifiquement incarné par une incandescente Rose McGowan.
Toute cette confusion violence/douceur (l’indifférence face
aux tueries est contredite par la vive émotion de la mort d’un chien), ombres /lumières
est parfaitement résumée dans la dernière partie du film. Le triolisme et l’homosexualité
s’assument dans un tourbillon de râles, effets stroboscopiques et fondus
enchaînés avant que la barbarie vienne sauvagement interrompre la fragile
harmonie. Le débordement final halluciné n’a pas d’ancrage social (le machisme
autant qu’une homosexualité tordue guident les agresseurs) si ce n’est la folie
latente d’un monde régressif. Le lendemain du cauchemar, le traumatisme peut se
cacher derrière des lunettes noires et l’aventure se poursuivre sur une route
baignée par le soleil.
Sorti en dvd zone 2 français chez Lumière
Super film avec Nowhere, pas vu le premier ni les suivants d'Araki, je ne sais pas pourquoi, je suis bloquée sur ces deux-là... Très bonne critique ! Merci...
RépondreSupprimerEn indispensable dans les suivants il faut voir le très beau Mysterious Skin qui a révélé Joseph Gordon-Levitt ;-)
RépondreSupprimerAh mais oui, j'avais complètement zappé que ce film était d'Araki, il est très beau, en effet !
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