Une aventurière qui se
fait appeler « comtesse » (Marlène Dietrich) débarque à La Nouvelle-Orléans en
quête d'un homme fortuné. Avec la complicité de sa servante Clementine (Theresa
Harris), elle séduit Charles Giraud (Roland Young) un banquier naïf. Elle
rencontre par hasard Robert Latour (Bruce Cabot), un beau marin. Alors que le
mariage avec Giraud est imminent, la comtesse est reconnue par le russe Zolotov
(Mischa Auer) qui l'a bien connue à Saint-Pétersbourg. Sans le vouloir, ce
dernier compromet le mariage et la comtesse se voit forcée de faire croire
qu'elle est la cousine vertueuse d'une femme de mauvaises mœurs dénommée « Lili
».
Premier des cinq films hollywoodiens de René Clair, La Belle ensorceleuse n’est pas la plus
grande réussite de cette période américaine (ce titre revenant au délicieux Ma femme est une sorcière (1942)) mais s’avère
néanmoins un divertissement fort plaisant. Le scénario de Norman Krasna est
bien évidemment un véhicule pour Marlène Dietrich mais René Clair le fait sien
en y apportant le meilleur de ses réussites françaises dans la comédie. A l’élégance
et l’opulence hollywoodienne de cette Nouvelle-Orléans du 19e s’ajoute
ainsi la mise en scène précise et le sens du rythme irrésistible du réalisateur
de Le Million (1931) ou À nous la liberté (1931). Mais surtout,
René Clair donne un fort plaisant avatar hollywoodien à la comédie façon
Feydeau et au vaudeville bien français.
Tout le film fonctionne sur le dédoublement des couples,
traits de caractères et situations. L’ouverture annonce cette dimension
théâtrale avec le « drame » narré ironiquement par la voix-off de
cette robe de mariée retrouvée flottant sur le fleuve Mississipi. Pour en
comprendre les raisons, René Clair nous invite littéralement dans ce théâtre
comique avec une caméra s’introduisant sur une scène d’opéra. La comédie se
joue plutôt en loge où l’aventurière Lili (Marlène Dietrich) opère son numéro
de séduction bien rôdée au banquier Charles Giraud (Roland Young) vite au petit
soin après une feinte d’évanouissement. Le dédoublement s’opère à la fois pour
duper l’autre mais aussi révéler la vérité profonde des personnages. Sous ses
atours de fausse comtesse, Marlène Dietrich ne peut que repousser le rustre
mais attachant marin Robert Latour (Bruce Cabot) malgré l’attrait qu’on peut
deviner, le temps d’une séquence cruelle. Mais quand son passé ressurgit et
menace son mariage lucratif avec le banquier, elle sera forcée de s’inventer
une cousine vulgaire à qui attribuer cette réputation sulfureuse.
René Clair
opère par étape, ce double de mauvaise vie n’étant dans un premier temps qu’une
voix, puis une présence grossière avant de finalement laisser entrevoir les
vrais sentiments de Lili. Tout fonctionne par le glissement et le décalage, Marlène
Dietrich prenant une porte dérobée pour signifier la basse extraction de son
double, jouant d’un effet de poupée russe en autant la robe criarde de la « cousine »
pour révéler celle élégante en diable de la comtesse. L’aspect manipulateur et
intéressé du personnage s’estompe par les nuances de jeu de l’actrice, dont la
tristesse se laisse brièvement entrevoir lorsqu’elle est une première fois
démasquée (le calcul reprenant ses droits dans la minute) et réellement marquée
par le rapport aux autres différents selon ses identités.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
Extrait
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