Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 19 février 2018

P'tang, Yang, Kipperbang - Michael Apted (1982)

P'tang, Yang, Kipperbang est à l'origine une production télévisée s'inscrivant dans le cycle "First Love" initié par le scénariste Jack Rosenthal. Le film est un charmant coming of age se situant en 1948, cet immédiat après-guerre constituant un contexte essentiel dans la personnalité de son jeune héros. Alan (John Albasiny) est un écolier doux-rêveur en constant décalage avec son environnement. Le film s'ouvre sur une scène de rêve interrompue qui réunit ses deux passions, le cricket où se dispute une joute entre l'Angleterre et l'Australie puis un baiser avec Ann Lawton (Abigail Cruttenden) la fille de sa classe dont il est fou amoureux. La personnalité lunaire d'Alan est dépeinte avec tendresse à travers diverses idées narratives et formelles jouant sur une tonalité comique ou plus mélancolique.

 Alan est ainsi capable de voir un signe du destin en observant des insectes, ses errances qui le mettent systématiquement en retard à l'école étant observée sous l'œil sarcastique d'ouvriers dans la rue - Est-ce pour générer une future génération aussi ahurie qu'ils ont combattus durant la guerre ?. Alan idéalise ce fameux baiser qu'il rêve de donner à Ann, cet élan romantique lui faisant rejeter les choses du sexe qui titillent déjà ses camarades, les nommant avec pudeur "the other things". Cette vision fantasmée et romantique du monde se prolonge également dans l'amitié qu'il noue avec Tommy (Garry Cooper) le jardinier de l'école et ancien vétéran de guerre. Alan peut ainsi s'enflammer avec lui en vantant la manière dont ses actions ont changées la face du monde et partir dans des tirades naïves et grandiloquentes sur les changements sociaux que provoquera cette victoire des Alliés. Pourtant au quotidien rien ne change pour Alan, invisible pour les autres (poignante scène où il constate n'avoir même pas été comptabilisé dans un jeu des filles classant les garçons les plus séduisant de la classe) et surtout pour sa Ann bien-aimée.
 
 Ce décalage entre aspirations rêvées et réalité se prolonge subtilement aux personnages adultes, que ce soit l'institutrice Miss Land (Alison Steadman) amante d'un homme mûr puis d'un soldat américain durant la guerre pour possiblement être enceinte du jardinier Tommy dans l'immédiat. Ce dernier vit également dans le souvenir (qui s'avèreront être des fantasmes) de ses campagnes de guerre pour être ramené à sa modeste condition dans le présent - la différence de classe sociale étant en germe dans les romances adultes comme enfantines. Alan n'en est pas encore à ces désillusions et les espoirs comme les désagréments amoureux qu'il rencontre se vivent au rythme des envolées du vrai commentateur de cricket de la BBC John Arlott, les clameurs de la foule ou ses huées saluant ses timides avancées.

Les prières de notre héros sont pourtant exaucées lorsqu'il est engagé malgré lui dans la pièce de l'école dont le clou est une scène où il donnera ce fameux baiser à Ann qui y joue aussi. La candeur de l'ensemble est des plus touchantes, notamment grâce au charme des jeunes interprètes avec en tête la bouille attachante de John Albasiny. On retrouve la finesse d'observation qu'a rôdé Michael Apted sur sa série documentaire Up, le réalisme cédant à une veine plus surannée qui fonctionne parfaitement tout en ne négligeant pas une relative noirceur.

Le cheminement de l'enfance vers l'âge adulte se joue dans cette hésitation entre rêverie innocente et retour au réel. La conclusion offre un bel entre-deux où les visions d'Alan vacillent à la fois dans son grand moment attendu (le baiser tant espéré) et le fantasme qu'il se faisait du passé glorieux de l'exemple de l'héroïsme anglais. Une belle réussite qui deviendra un vrai film culte (notamment le monologue final de la déclaration d'amour d'Alan assez inoubliable et désormais exercice pour les jeunes acteurs en herbe) qui aura finalement droit à une sortie salle en Angleterre et aux Etats-Unis, et régulièrement rediffusé depuis.

Sorti en dvd zone 2 anglais chez Film 4 et doté de sous-titres anglais

7 commentaires:

  1. Merci. Ca donne vraiment envie. A quand un autre Michael Apted comme l'excellent coeur de Tonnerre, par exemple.

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    1. Pas vu "Coeur de tonnerre" je note ! Pas hyper fan de sa période américaine plus anonyme mais son travail à la télévision et au cinéma anglais est vraiment très intéressant ça m'a vraiment fait réévaluer son travail. J'ai seulement chroniqué cet excellent polar de lui pour l'instant http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2018/02/ptang-yang-kipperbang-michael-apted-1982.html

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    2. Et si ce genre d'ambiance romantiques adolescentes anglaise vous plaît je recommande aussi "Melody" une de mes plus belles découvertes de l'an dernier (grosse inspiration de Wes Anderson pour Moonrise Kingdom)
      https://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2017/05/melody-wari-hussein-1971.html

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  2. J'ai vu son "Agatha" que j'ai beaucoup aimé avec V.Redgrave et D.Hoffman, après lecture du billet stakhanoviste d'ailleurs ^-^
    Justin, le polar ce serait pas plutôt celui-là ?? ====>
    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2012/10/le-piege-infernal-squeeze-michael-apted.html

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    1. Ah oui oups je me suis emmêlé dans les liens je parlais bien de "The Squeeze" ^^

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  3. Merci pour les infos. je peux comprendre vos réticences sur sa carrière US mais Coeur de Tonnerre vaut vraiment le coup. Bonne journée.

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  4. Au fait, j'adore Wes Anderson et Moonrise kingdom est mon film préféré de lui pour l'instant...

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