Suite à un accident de voiture après une soirée bien arrosée, Temple Drake (Miriam Hopkins), la petit-fille du juge Drake, se retrouve prisonnière d'un groupe de malfaiteurs. Elle devient la proie de l'un d'eux, Trigger (J. La Rue)...
The Story of Temple Drake est un des Pré-Code les plus scandaleux produit à Hollywood, au point d'avoir la réputation d'être la cause de l'application stricte du Code Hays. Il s'agit de l'adaptation de Sanctuaire, sulfureux roman de William Faulkner paru en 1931. Malgré ce matériau explosif, le succès du livre incite la Paramount à en acheter les droits. Pour éviter les problèmes, le studio évite de trop afficher la parenté entre le film et le livre en en changeant le titre, mais également en en édulcorant plus ou moins le contenu. La conclusion du film est moins extrême (Temple Drake se parjurant et laissant mourir un innocent dans le livre), l'héroïne est élevée par son grand-père et non plus son père pour justifier sa permissivité, et sa dualité morale est inventée pour le film alors qu'elle était plus explicitement mauvaise dans le roman. Nous suivons donc le destin de Temple Drake (Miriam Hopkins), jeune femme de bonne famille et notamment petite-fille du juge Drake, ponte de la ville. Temple mène une vie dissolue où elle se plaît à fricoter avec nombre de jeunes gens de la ville, au grand dam de Stephen Benbow (William Gargan), avocat amoureux d'elle. La nature scandaleuse de Temple constitue une sorte d'envers secret à l'image respectable de jeune femme modèle qu'elle affiche en public. Cela passe par la face nocturne auxquelles sont associées les provocations de Temple lorsqu'elle rentre au petit matin chez elle flirtant avec un garçon, ou par la notion de rumeur et de légende sur son comportement (deux prétendants éconduits qui se démasquent au détour d'une conversation dans un bar, la tirade de la tante de Stephen sur la folie contenue dans les gènes des Drake). Temple entretient elle-même ce regard lorsqu'elle refuse une nouvelle fois la demande en mariage de Stephen, lui expliquant que sa part positive lui enjoint d'accepter sa proposition, tandis que son autre part plus frivole l'incite à refuser cette promesse de vie respectable. Comme une forme de punition, les évènements retournent donc ces éléments contre Temple. Elle avait l'habitude après avoir avivé leur désir de repousser ses les prétendants locaux qui, intimidés par son juge de grand-père se montrait moins insistants. Une suite d'évènements place notre héroïne au piège non plus avec des garçons, mais des hommes concupiscents qui n'ont que faire de son statut social. L'élément nocturne précédemment évoqué reprend ses droits, mais dans un environnement que Temple ne maîtrise plus. Coincée dans une sinistre masure au fond des bois, Temple est sous la menace des assauts du glaçant Trigger (Jack La Rue). Sa silhouette intimidante s'impose progressivement à Temple, tapi dans l'ombre d'une salle à manger et la fixant du regard, puis surgissant dans sa chambre, de plus en plus proche au gré d'une nuit d'orage et de tonnerre. Enfin, la terrible scène de viol place Temple comme écrasée en contre-plongée dans la promiscuité d'une grange, son visage terrifiée s'opposant à celui torve et chargé de stupre de Trigger. Le décor de la grange conçu par Jean Negulesco est incroyable (et magnifiquement mis en valeur par la photo de Karl Struss), prison à la fois explicite et symbolique avec ses planches laissant échapper des rayons de lumière, entrefilets d'une vertu, même de façade à laquelle Temple s'apprête à violemment faire ses adieux. Cette scène stylisée confère un aspect cauchemardesque au viol, mais s'avère enfin une retake d'une scène bien plus crue et fidèle au livre (où Temple était violé dans un champ de blé) mais refusée par la censure. Le visage altéré de Miriam Hopkins, le changement de tenue vestimentaire, la simple révélation de ses jambes en déshabillé traduisent discrètement sa déchéance aux yeux de Stephen alors qu'elle est devenue la chose de Trigger.L'enjeu de la dernière partie est donc la manière dont Temple se rachètera une conscience. En retrouvant sa respectabilité factice d'antan où sa "souillure" resterai secrète, ou alors en révélant ses mésaventures pour sauver un homme mais du coup en perdant cette pureté aux yeux des autres. C'est une manière d'amener une dimension morale par rapport au livre mais l'enjeu dramatique fonctionne parfaitement à l'écran. L'égoïsme, l'empathie, la prise de conscience, tout se confond brillamment lors du procès final notamment les hésitations contradictoires entre Stephen (magnifique moment où il n'ose aller au bout de sa plaidoirie) et Temple. La prestation tour à tour mutine puis incandescente de Miriam Hopkins est impressionnante et ne sera pas perdue par les coups de ciseaux des censeurs horrifié. Le film malgré un vrai succès à sa sortie demeurera ainsi longtemps invisible.
Sorti en bluray zone 1 chez Criterion et doté de sous-titre anglais
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