Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

samedi 28 novembre 2020

Petite Fille - Sébastien Lifshitz (2020)

Sasha, né garçon, se vit comme une petite fille depuis l’âge de 3 ans. Le film suit sa vie au quotidien, le questionnement de ses parents, de ses frères et sœur, tout comme le combat incessant que sa famille doit mener pour faire comprendre sa différence. Courageuse et intraitable, Karine, la mère de Sasha, mène une lutte sans relâche portée par un amour inconditionnel pour son enfant.

Sébastien Lifshitz signe un très beau documentaire sur le thème de la dysphorie de genre, soit l’inadéquation entre le sexe de son corps biologique et l’identité sexuelle telle que ressentie par l’individu. Le réalisateur a suivi durant un an la jeune Sasha né garçon mais se sentant fille, ainsi que sa famille dans leur démarche pour « normaliser » le statut de l’enfant dans son contexte quotidien. Cela passe par une acceptation des institutions scolaire d’accueillir Sasha en tant que fille, mais aussi pour l’enfant de vivre son genre au grand jour sans crainte du regard des autres.

Le film navigue donc entre confessions face caméra, démarches administrative et médicales régulière, et une observation très pudique et sensible de Sasha. Hormis une séquence en fin de documentaire, le ressenti de Sasha ne s’expose jamais à nu face à la caméra du réalisateur, mais toujours dans un contexte intime où elle échange avec sa mère ou sa psychologue. Il se noue dans ces moments-là un écrin très intime où se devine la détresse de l’enfant mais aussi sa conviction et détermination quant à son genre. La caméra fixe sur Sasha dont la retenue s’effrite et les yeux s’embuent de larmes au fil de la discussion avec la psychologue est un de ces beaux moments que Lifshitz capture à la dérobée, tout en plaçant l’enfant sous la bienveillance médicale et maternelle. Cette distance importe aussi sur les autres membres de la famille, la fratrie encore jeune qui accepte la nature de fille de Sasha mais doivent parfois en répondre face au monde extérieur. Là encore Lishfitz préfère les filmer dans la banalité de leur quotidien et jeu, n’autorisant l’échange direct qu’avec la sœur aînée adolescente et déjà affirmée (dans sa volonté de protéger Sasha), tandis qu’un frère plus jeune partagera son point de vue dans le cadre du cabinet de la psychologue. 

On sent une bienveillance et la volonté de saisir une vérité tout en respectant profondément ce cocon familial. On devine les innombrables heures de rushes pour parvenir à cet équilibre et le vrai fil rouge repose sur la volonté et compréhension de cette mère prête à tout pour l’épanouissement de son enfant. C’est très touchant dans la culpabilité qu’elle ressent quant à la situation (elle a fortement désiré une fille durant sa grossesse), mais très inspirant dans son acceptation naturelle, tant dans son discours (désignant spontanément Sasha en tant que « elle ») que sa proximité constante avec Sasha. La forme reste très cinématographique avec une belle photo et des moments suspendus ne reposant que sur l’image qui sont tout autant révélateurs. Ainsi si avec l’évolution des mœurs la notion de genre est moins stéréotypée dans l’éducation actuelle, le genre tel qu’on le vit quand il nous est refusé se réfugie dans ces stéréotypes. 

C’est très intéressant de voir la mère dire à Sasha que « les filles portent du bleu aussi » quand celle-ci s’accroche à ce genre qu’on lui refuse en ne voulant porter que du rose, ou en ayant un pull marqué « je suis une fille ». A la fin du film, alors qu’une forme de décloisonnement a en partie eu lieu (Sasha autorisée à aller à l’école en fille) on ressent même une forme de subtile transformation physique. Durant tout le film Sasha a une forme de présence androgyne qui fait que (hormis lorsqu’elle porte une robe) on pourrait autant la prendre pour une fille qu’un garçon, la dernière partie où une partie du problème est réglé efface cette ambiguïté. L’extérieur l’accepte et Sasha épanouit endosse pleinement, même physiquement son genre féminin. Du chemin reste à faire comme le montre quelques anecdotes cruelles mais la mue (dont les tenants plus médicaux sont d’ailleurs très bien expliqués comme la possibilité de bloquer la puberté masculine) est en marche. Captivant et bienveillant de bout en bout.

Disponible gratuitement en replay sur le site d'Arte

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire