Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 30 novembre 2020

A Confucian Confusion - Du li shi dai, Edward Yang (1994)


 Le film se déroule dans la ville de Taipei à l'époque contemporaine. Le film suit un groupe d'hommes et de femmes de milieux aisés confrontés à la vie quotidienne frénétique de la mégalopole.

Edward Yang avait avec Taipei Story (1985) et The Terrorizers (1986) une Taipei en phase de transition, tant sociologiquement que dans son urbanité, entre la tradition de l''héritage chinois et la modernité occidentale et capitaliste. Après saut dans le passé de A Brighter Summer Day (1991), A Confucian Confusion renoue donc avec cette thématique et son cadre contemporain. Le film à travers son récit choral reprend les questionnements intimes et existentiels de Taipei Story et The Terrorizers tout en en changeant les perspectives. La mutation a eu lieu, on oscille plus entre cadre prolétaire et nanti, entre tradition et modernité, tous les personnages que l'on suit évoluent dans les hautes sphères des affaires et de la culture taïwanaise. Du coup le dilemme des personnages ne vient plus d'une hésitation à endosser cette modernité, mais plutôt d'y conserver ou totalement abandonner leur humanité. 

Comme pour endosser le rythme de vie plus alerte de ces jeunes gens pressés, Edward Yang abandonne l'approche austère et le rythme lent de Taipei Story et The Terrorizers, et s'éloigne aussi grandement de la sorte d'état de grâce contemplatif de A Brighter Summer Day. Les dialogues cinglants fusent, le rythme se fait trépidant et surtout les personnages individualistes et caractériels font monter en épingle nombre de situations hautes couleur. On a sentiment de cynisme constant où l'ambition détermine toutes les interactions entre les héros. Les fiançailles de Molly (Ni Suk Kwan) et Akeem (Wang Bosen) ne tiennent qu'au support financier du premier à l'entreprise de la seconde, l'auteur à succès narcissique Birdy (Wang Yeming) vise plus la notoriété que l'art... Les amitiés se font et se défont au rythme de ce que l'on peut obtenir de l'autre (Ming détestant sa belle-mère mais qui la soutient lorsqu'elle proposera un poste intéressant à sa fiancée).

Une certaine émotion finit malgré tout par émerger tant la froideur de chacun semble marquer une profonde solitude. Toute l'inconséquence des personnages repose sur cette détresse enfouie comme Molly séduit, invective ou ignore tous ceux ayant le malheur de croiser sa route au mauvais moment. Edward Yang témoigne aussi de la disparition de l'individu, que ce soit au service des autres pour Qiqi (Chen Shiang-chyi) ou d'une ascète intellectuelle pour l'autre figure d'écrivain mais sans succès. Ils se sont chacun éloignés de la course à la réussite à laquelle tout leur environnement les pousse et vont se rapprocher. On retrouve ce travail sur la lumière et le huis-clos pour illustrer un rapprochement, mais Yang privilégiera toujours le chaos, la confusion et le conflit dès que semble s'amorcer une veine plus sentimentale. Qiqui et l'écrivain se quitte après une séquence grotesque avec un taxi, Molly et Ming s'affrontent après une nuit d'amour (alors que là aussi une très belle scène filmée de loin dans la pénombre d'une ruelle amorce le contact). Cette impossibilité au bonheur, cette impasse semble une interprétation erronée des individus des préceptes de Confucius qui nous laisse sans perspective une fois atteint l'objectif de la réussite matérielle.

Tout dans cette urgence urbaine, cette course à la réussite, interdit le moindre sentiment sincère même si les dernières scènes (cette amitié renouée au petit matin) entrouvrent la porte à autre chose. Ce tumulte constant (Woody Allen n'est pas loin dans les moments les plus drôle) ouvre une nouvelle voie dans l'approche d'Edward Yang mais n'est pas totalement aboutie malgré tout. On s'ennuie parfois et malgré une mise en place limpide où l’on n’est jamais perdu dans la multiplicité des personnages, l'intérêt pour chacun est très inégal. Cela fonctionnera mieux dans le suivant Mahjong (1996) où Yang reprendra cette frénésie urbaine et ces figures désabusées mais du côté des bas-fonds de Taipei dont il dépeindra la transformation aussi, avec un optimisme plus marqué.

Encore inédit en dvd français mais le film se trouve en VO sous-titrée anglais sur youtube pour les curieux

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