Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 6 mars 2022

Splendeur - Splendor, Gregg Araki (1999)

Restant indécise quant à préférer l'un de ses deux prétendants, un intellectuel romantique d'un côté, un rocker bête de sexe de l'autre, Veronica, une jeune femme sensuelle, intelligente et rebelle décide de ne pas choisir et de s'installer avec ses deux amants, Abel et Zed. Ceux-ci s'accoutument de la situation pour le mieux, mais la jeune femme tombe enceinte, et ne sait pas qui est le père

Splendor est une œuvre assez méconnue dans la filmographie de Gregg Araki, coincée entre Nowhere (1997) explosive conclusion de sa "trilogie de l'apocalypse ( Totally F***ed Up (1993) et The Doom Generation (1995)) et Mysterious Skin (2005), le film du renouveau, moins trash mais toujours aussi sensible et bienveillant pour les marginaux. Splendor est d'une facture plus classique mais creuse néanmoins le même sillon thématique autour de figures à la marge, le nihilisme d'antan en moins. Araki assume l'inspiration du cinéma classique et plus particulièrement de la screwball comedy où sous la fantaisie s'exprimaient des sujets sociaux et progressistes forts.  

Splendor et son triangle amoureux évoque donc explicitement Sérénade à trois de Ernst Lubitsch (1933) - tout en citant explicitement Jules et Jim autre classique plus dramatique des amours libres - à travers le récit du couple triangulaire que vont former Veronica (Kathleen Robertson), Abel (Johnathon Schaech) et Zed (Matt Keeslar). Greg Araki reprend tous les motifs narratifs (rencontre, romance, conflit, séparation et réconciliation finale) de la comédie romantique tout en la subvertissant puisque tous ces éléments se trouve ici dédoublés puis concentrés. Veronica rencontre Abel, puis Zed, passe de l'un à l'autre avant qu'ils forment un couple en trio, s'épanouissent dans ce cadre puis se séparent.

Araki déleste volontairement les personnages de la dimension trash habituelle de son univers. Au contraire ce seront des jeunes adultes ordinaires dépassés puis heureux dans cette expérience amoureuse, qu'ils ne voient et ne vivent pas comme une provocation mais simplement comme une situation qui les rend heureux. Le hasard des situations les amène à vivre ainsi, sans calcul ni sentiment de défi envers la société. C'est la principale différence avec Sérénade à trois (le contexte moral qui rend la relation scandaleuse) ou Jules et Jim (le triangle amoureux émotionnellement destructeur), où le sex-appeal et la naïveté de Zed se complète avec le romantisme et la sensibilité d'Abel pour une Veronica qui ne peut avoir de sentiment de culpabilité face l'idéal masculin fait de fantaisie, douceur et sensualité que constituent ses deux amants. Araki construit patiemment et avec tendresse cette relation et jamais les regards extérieurs (à une scène près dans un moment de détresse de Veronica) ne viennent interférer et juger nos trois héros, béat qu'ils sont dans le monde qu'ils se sont façonnés.

Le conflit n'interviendra que lorsque le spectre du futur et des responsabilités vient se rappeler à eux quand Veronica tombera enceinte. Le triangle peut-il survivre à une réalité de couple plus classique, économiquement comme émotionnellement ? Leurs maux intimes et la peur de l'insécurité les rattrapent, notamment par la sécurité plus normative et concrète qu'apportera un rival amoureux propret (Eric Mabius). Les acteurs sont excellents, notamment une rayonnante Kathleen Robertson (sortant elle-même d'une relation amoureuse compliquée avec Gregg Araki ouvertement gay) et Araki transcende progressivement les archétypes que représentent au départ les deux figures masculines.

Zed apparait (et séduit) comme une sorte de mâle alpha détaché avant de se montrer le plus vulnérable, tandis que le tendre Abel se montrera le plus résigné lorsque la romance prendra un mauvais tour. Visuellement les effets tapageurs et les situations dérangeantes auxquels nous a habitué le réalisateur s'estompent (malgré le potentiel d'une telle histoire en termes de scènes sexuelles malgré une jolie ouverture) pour privilégier quelque chose de plus intimiste et à fleur de peau - le mariage des deux fera toute la grandeur de Mysterious Skin. Un beau Araki, un peu inhabituel et à redécouvrir donc.

Sorti en dvd zone 1 chez Columbia et doté de sous-titres français

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